Bruxelles a changé de quartiers. Les contrats de rénovation urbaine ont remplacé la plupart des contrats de quartier et c’est la Région qui aux manettes, seule ou presque. Exit la participation citoyenne?
Les contrats de quartier sont presque aussi vieux que la Région bruxelloise elle-même. Au départ, le projet était ambitieux: confier les clés de la revitalisation des quartiers défavorisés à la commune et à ses habitants. Et leur confier les subsides régionaux aussi. Des sommes importantes qui, cette année, vont passer, pour une bonne moitié, dans les contrats de rénovation urbaine (CRU). L’ordonnance de la Région a fait polémique parce que l’approche des CRU est radicalement différente. Fini les réunions entre la commune et les habitants. C’est le Bureau bruxellois de planification (un terme déjà un peu soviet) qui décide des opérations de rénovation à mener dans les quartiers défavorisés.
«Les milieux populaires sont écartés du système participatif, qui s’adresse pourtant à eux.» Claude Archer, habitant très actif de Schaerbeek
Les associations et l’opposition Écolo-MR ont dénoncé l’exclusion des citoyens dans le processus de décision. Les amendements déposés par Écolo ont réintroduit une forme de participation citoyenne. Rien de très emballant, mais c’est mieux que le texte de départ, résume le député bruxellois Alain Maron (Écolo). «Nous avons obtenu qu’un comité d’accompagnement (en novlangue régionale: «assemblée générale du périmètre d’ensemble» NDLR) se mette en place dès l’entame du CRU. Pour les projets de plus grande envergure (qui dépassent 2,5 millions d’euros), la participation citoyenne est obligatoire et il faut faire appel à ces associations spécialisées dans la consultation des citoyens.» Il n’empêche, constate le député Écolo, «on observe un changement de logique par rapport aux contrats de quartier. C’est la Région qui décide et on ne part pas d’un diagnostic social du quartier».
Des contrats détournés?
Mais faut-il pleurer la fin (partielle) des contrats de quartier? Claude Archer, habitant très actif de Schaerbeek, a dénoncé dans la revue Inter-Environnement Bruxelles le déficit démocratique des contrats de quartier dans la plupart des communes bruxelloises. «Les milieux populaires sont écartés du système participatif, qui s’adresse pourtant à eux. On les fait fuir par un langage technocratique. Quand des jeunes du quartier se déplacent aux réunions pour demander des terrains de foot et qu’on parle de paniers bios, ils ne reviennent plus la fois suivante.» Claude Archer accuse: les contrats de quartier, à Schaerbeek notamment, ont surtout profité «à ceux qui sont proches du pouvoir communal et qui ne cherchent pas à le remettre en question». Or, de grosses sommes ont été confiées par la Région. «Elles sont détournées au bout du compte, car c’est la commune qui estime quels sont les besoins de ses habitants.» Quant à la Région, dit-il, elle n’a jamais rien contrôlé. «L’essentiel, c’est que l’argent soit dépensé pour dire qu’on a investi dans les milieux populaires.»
Les contrats de quartier ne sont pas la huitième merveille du monde, admet Alain Maron. «Il est vrai que c’est souvent la commune qui a porté les projets, mais il y a des espaces de discussion possibles avec les habitants et, quand les associations viennent avec des idées précises, elles sont prises en compte. En tout cas dans ma commune (Saint-Gilles)», conclut, prudemment le député Écolo. Pour lui, pour qu’un processus participatif fonctionne, «il faut la volonté locale, un accompagnement et un tissu social structuré. Les contrats de quartier ne peuvent pas structurer les habitants s’il n’y a pas une mobilisation préalable». La lenteur, la complexité du processus participatif initié par les contrats de quartier est aussi un frein. «C’est un engagement à long terme pour les citoyens. Quatre ans, c’est long. Cela demande un réel investissement» qui décourage sans doute pas mal d’habitants.
En savoir plus
Lire le dossier d’Alter Échos n°409, «La participation, piège à cons?», 9 septembre 2015.