Ce 25 février, l’Anahm (Association nationale d’aide aux handicapés mentaux)1, Similes (association de familles et amis de personnes souffrant de troublespsychiques)2 et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme3 organisaient, à Bruxelles, une journée sur l’internementdes personnes handicapées mentales et/ou malades mentales. L’occasion de dénoncer une tendance sécuritaire et une politique inappropriée.
D’entrée de jeu, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme rappelle que « les personnes handicapées, qu’elles soient enprison, en annexe psychiatrique ou en établissement de défense sociale ont droit à des aménagements raisonnables répondant à leurs besoinsspécifiques ». Si ce n’est pas le cas, il y a discrimination. Et il semble bien que ce soit le cas dans notre royaume. Les situations que connaissent certaines personneshandicapées en prison pourraient contrevenir à plusieurs articles de la Convention internationale des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Ainsi,l’article 14 précise-t-il que les Etats signataires – dont la Belgique – doivent veiller « à ce que toute privation de liberté soit conforme à laloi et à ce qu’en aucun cas l’existence d’un handicap ne justifie une privation de liberté ». Quant à l’article 15, il pourrait s’appliquer àdes situations vécues par des personnes handicapées mentales et malades mentales en prison. Qu’il s’agisse de harcèlement, manque de soins appropriés, négligences,durées particulièrement longues d’internement dans un lieu inapproprié (annexe psychiatrique, cellule de prison). Par conséquent, le Centre exige qu’on mette fin auxinternements de personnes handicapées mentales et malades mentales en prison. Et de souligner qu’« elles ont besoin d’un accès à des soins spécifiques,à des programmes, à un environnement et un encadrement adaptés à leur état ».
Une absence de soins adaptés flagrante
Pour souligner la gravité de la situation, le Dr Fernand Rihoux de Similes renvoie au nombre de personnes handicapées mentales internées : 1 094 dans lesprisons belges, soit 10 % de la population carcérale. En 1995, 500 personnes handicapées mentales étaient en prison. La population a donc doublé. « Parailleurs, ajoute-t-il, 2 000 sont internées dans les établissements de défense sociale. » Des chiffres qui laissent perplexe le Dr Rihoux qui y voitquelque chose de propre à notre société sécuritaire : « Il y a des craintes à tous les niveaux de laisser sortir des malades mentauxqualifiés de dangereux. » Il insiste sur l’importance d’apporter des soins valables. Ce qu’on ne peut trouver dans les annexes psychiatriques. Pour le Dr Rihoux, il fautcréer des centres de soins adaptés en tenant compte du risque qui peut être tout à fait moyen. « La solution n’est pas dans un décret ou une nouvelle loi,déclare-t-il, mais dans des investissements dans des circuits où l’on apporte des soins adaptés. » De tels circuits de soins existent depuis quelques années etconstituent une avancée en termes de réinsertion sociale, mais il faudrait accélérer l’octroi rapide des allocations sociales et l’accès direct à lasécurité sociale lors de la libération.
L’Anahm adhère au point de vue du Dr Rihoux. Pour Jean-Marie Elsen, il faut du personnel compétent et des collaborations entre les ministères de la Justice, desAffaires sociales et de la Santé. Et de renvoyer à la question de base : « Pourquoi ces personnes sont-elles internées ? Près de 50 % despersonnes handicapées mentales sont internées pour des délits sexuels. Il y a une prévention à faire en amont. Il faut une formation, des informations pour leurapprendre les comportements à avoir ou pas en société. » Cela implique aussi une formation des agents publics pour qu’ils réagissent de manièreadéquate avec des personnes handicapées mentales, sinon il y a un risque d’escalade. En misant davantage sur la prévention, de nombreux internements seraientévités.
Les Etablissement de défense sociale (EDS)
Il en existe trois en Communauté française (Mons, Paifve et Tournai). Ces structures médicolégales sont conçues pour accueillir des internés dits« à moyen et à haut risque ». Il n’existe pas de structures similaires en Flandre, où il est prévu de construire deux centres de psychiatrielégale (Gand et Anvers). Si le personnel est qualifié, les équipes sont insuffisantes. De plus, le manque de places est flagrant. Selon le dernier rapport du Comité deprévention de la torture, le temps d’attente moyen pour un interné pour rejoindre l’EDS de Paifve est de quatre ans.
1. Anahm :
– adresse : avenue Albert Giraud, 204 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 247 28 29
– site : www.anahm.be
2. Similes :
– adresse : rue Malibran, 49 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 644 92 00
– site : www.similes.org
3. CECLCR :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 00
– site : www.diversite.be