L’année européenne pour l’égalité des chances s’achève dans quatre mois déjà. Quels sont les projets enclenchés ? Lesdifficultés ? Les premiers résultats ? Rencontre avec le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme1.
À l’évidence, la campagne a démarré en Belgique par une affirmation sans ambiguïté, avec la diffusion très large de dépliants etd’affiches ainsi que d’un spot télé. Pour chaque thème de discrimination, un visuel a été conçu, basé sur une même idée choc. Surl’épaule d’une dame d’un certain âge a été cousue une étiquette, à même la peau : « périmée » ; dans le coud’un jeune immigré, une semblable étiquette : « racaille ». Les préjugés, cela fait mal. Cela colle à la peau. Mais si une étiquette sepose, on peut aussi l’enlever. Autant d’images crues pour faire passer efficacement le message : « la discrimination est intolérable et illégale ».
Mais après cette entrée en matière pour le moins directe, où en est-on en Belgique, dans la réalisation concrète de l’année européennede l’égalité des chances ? Quelles sont les initiatives de terrain amorcées ? Quels sont les premiers résultats engrangés ? Pour dresser un premier bilanà mi-course de cette année européenne, Alter Échos a interviewé Nadine Brauns du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre leracisme chargé, dans notre pays, de la coordination des opérations.
« Au départ, explique-t-elle, la Belgique s’était fixé trois axes de travail, dans le cadre de l’année européenne : la sensibilisation,l’information et les actions sur le terrain. » La sensibilisation a démarré plein pot. Mais il est vrai, admet-elle, que les deux autres phases ont pris du retard. En cettefin de mois d’août 2007, une quarantaine de projets de terrain viennent seulement d’être sélectionnés et démarreront dans les prochains mois.
Concertation et décentralisation
Pourquoi ce retard ? « Il y a plusieurs raisons », explique, sans fard, Nadine Brauns. La première responsabilité incombe à l’Union européenne qui apris la décision très tardivement au sujet de cette année européenne. Du coup, dans les différents pays, la campagne a débuté avec plusieurs mois dedécalage.
Le souhait de la Commission, pour la mise en œuvre de l’année, était d’opérer de la façon la plus décentralisée possible, en tenantcompte des situations très diversifiées dans les États membres de l’Union européenne, en matière de discriminations. « Cette logique était bonne», observe la représentante du centre. Mais une telle décentralisation, dans le cas précis de la Belgique, prend forcément pas mal de temps. Car le champ desdiscriminations est vaste (« race », religion ou convictions philosophiques, sexe, âge, handicap, orientation sexuelle, etc.). Et bon nombre de ces thématiques, en Belgique,relèvent de compétences distinctes : Régions, Communautés, État fédéral… « En Belgique, souligne Nadine Brauns, l’ensemble desentités fédérées et fédérales se sont coordonnées pour concevoir le programme de l’année européenne ». Un pari àrisques, compte tenu de notre paysage institutionnel complexe et du climat difficile ayant succédé aux élections.
La Belgique, ainsi rassemblée, a d’abord fixé son plan stratégique dans le cadre de l’année européenne. À cette fin, elle s’estdotée d’un « comité d’accompagnement », à travers lequel plus de 80 associations ont été consultées. Ce processus a pris du temps.Mais il s’est avéré fructueux. Plusieurs projets phares, aujourd’hui en chantier, sont issus de cette consultation. Exemple : le projet de guide méthodologiquedestiné aux communes belges. Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme travaille à un « kit d’outils » destinéà chaque entité communale. Le but ? Aider les conseillers, les échevins, les bourgmestres à développer le plus localement possible (décentralisation oblige!) des actions et politiques concrètes antidiscrimination.
Ce guide, préparé en collaboration avec l’Union des villes et des communes de Wallonie, la Vereniging van Vlaamse steden en Genmeenten VSG et l’Association de la ville etdes communes de la Région de Bruxelles-Capitale pour la Flandre et Bruxelles, devrait être prêt fin 2007. En revanche, il sera utilisé bien au-delà du terme del’année européenne. Pour le Centre pour l’égalité des chances, le choix est clair : les projets enclenchés doivent durer. L’annéeeuropéenne n’est rien d’autre qu’une occasion pour aller plus loin et faire mieux, contre toutes les discriminations.
Inquiétudes sur l’Orange-bleue
Dans la foulée de l’année européenne pour l’égalité des chances, la Commission européenne a annoncé sa volonté d’initierune nouvelle directive « antidiscrimination » qui viendrait compléter deux législations européennes existant déjà à ce propos : en matièrede travail et de « race ».
La Belgique, comme la plupart des pays européens, précise Edouard Delruelle, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme,dispose d’une législation contre les discriminations qui dépasse de loin le prescrit européen. Dans l’esprit de la Commission, la législation européenneest le « minimum minimorum » et elle encourage les États membres, par leurs propres dispositifs, à faire plus sur le plan de la lutte antidiscrimination.
La Belgique est à la pointe. Pour l’instant. « Mais attention, soyons vigilants », met en garde le directeur adjoint. « À tout moment des régressionspeuvent subvenir ». Et le responsable du Centre de s’inquiéter de certains amendements (CD&N/NVA) de la Note Leterme 2 , notamment celui qui dit en substance (page 72) :« le gouvernement prend des initiatives pour (…) évaluer et réorienter les lois antidiscrimination, le gouvernement se bornant à la transposition correcte desdirectives européennes en la matière ».
En d’autres termes, la Belgique se limiterait désormais au strict minimum européen dans le combat contre les discriminations, revenant sur les acquis des lois du 10 mai etmême de celle
s de 2003 ! Par exemple, on pourrait à nouveau refuser à un homosexuel l’accès à un café ou un restaurant. Inacceptable. Mais on peutespérer que les autres partis autour de la table des négociations ne laisseront pas passer ce qui constituerait une régression grave.
« Discriminations multiples » : un nouvel appel à projets
La coordination belge de l’année européenne pour l’égalité des chances va très prochainement lancer un nouvel appel à projets, pour le soutienfinancier d’initiatives qui abordent, autour de la question de l’origine, les autres types de discrimination. Plus de 200 000 euros devraient être octroyés à unedouzaine de projets. Cet appel sera financé par le Fonds d’impulsion à la politique des immigrés et fera le lien avec l’année européenne du dialogueinterculturel en 2008.
10 jours pour l’égalité des chances
Enfin, du 20 au 30 octobre 2007 se dérouleront dans toute la Belgique une série d’activités et de rencontres destinées à rappeler que la diversitéest une chance pour la société.
Plus d’informations…
…. sur l’année européenne pour l’égalité des chances.
• Pour la Belgique : http://egalite2007.be
• Pour l’Europe : http://equality2007.europa.eu
Consultation européenne
La Commission européenne a lancé le 4 juillet une consultation en ligne afin de l’aider à préparer de nouvelles mesures visant à étendreau-delà du marché du travail la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, la religion, les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientationsexuelle. Ce lancement intervient alors que l’« année européenne de l’égalité des chances pour tous » bat son plein. Un sondage Eurobaromètrerécent (janvier 2007) indique que 64 % des Européens jugent les discriminations répandues dans leur pays, tandis que 51 % d’entre eux estiment que l’on ne fait pasassez d’efforts pour lutter contre ce problème. La consultation comprend une consultation générale en ligne et une consultation ciblée sur les professionnels.
Elle sera accessible jusqu’au 15 octobre à l’adresse suivante:
http://ec.europa.eu/yourvoice/consultations/index_fr.htm
1. CECLR, rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 00
– fax : 02 212 30 30 – numéro vert: 0800/12800
– site : http://www.diversiteit.be/CNTR/FR/