«2020 promet d’être une longue tartine de merde.» Le 2 janvier 2020, Charlie Hebdo publiait un dessin de Vuillemin au titre décidément prophétique. On pouvait y voir un pauvre type s’apprêtant à entamer une longue baguette remplie de matière fécale, tout en affirmant qu’il avait tout de même «décidé de la prendre du bon côté», au-dessus duquel trônait une petite cerise en guise de condiment… Haha. 12 mois plus tard, à la lecture de ce titre, on ne peut s’empêcher de rire jaune. Ils avaient vraiment tapé juste… Et on se dit qu’on est décidément contents que 2020 soit bientôt derrière nous.
Mais pour que l’année 2021 soit un peu plus riante, il faudra plus qu’un vaccin. S’il y a bien un constat que l’on peut retirer du dossier consacré à «la santé cabossée des plus pauvres», que vous retrouverez dans les pages de cet Alter Échos, c’est que trop souvent au cours de cette crise, les conséquences sociales et psychologiques en Belgique ont été négligées. Ce constat suinte littéralement d’une bonne partie des entretiens réalisés, tout comme il ressort de presque un an de travail journalistique centré sur la crise. Vous pensez qu’il s’agit là d’un constat déjà maintes fois rabâché? Lors de la réalisation du dossier, nous avons posé cette question à une infirmière travaillant au sein d’une maison médicale. Sa réponse n’a pas tardé. «Non. Je trouve même qu’on a plus parlé des enjeux sociaux lors de la première vague. Ici, on n’en parle plus, c’est comme s’ils avaient été oubliés.» Comme si on s’y était habitué alors que l’on pensait que c’était impossible, à l’image de ce masque que l’on finit parfois par omettre d’enlever, l’espace d’un instant, lorsque l’on rentre chez soi…
Pour que l’année 2021 soit un peu plus riante, il faudra plus qu’un vaccin.
Pourtant, il faudra y penser, au social et au «psy», en 2021. À bien y réfléchir, il s’agit même de l’enjeu principal pour l’année à venir. Une question de survie, aussi bien pour la population que pour le jeu politique, serait-on tenté de dire. On ne sait que trop que les temps de crise – et là, franchement, pour une crise, on en tient une bonne – sont des terrains propices au développement des pires convulsions de l’histoire. En termes de confiance dans le système démocratique de la part d’une partie de la population, on ne partait déjà pas sur des bases très solides au premier janvier 2020. Que dire maintenant alors que la défiance semble gagner du terrain? Alors que nous évoquions en sa compagnie les enjeux liés à l’arrivée prochaine des vaccins contre le Covid-19 et leur acceptation par la population, un médecin d’une maison médicale toujours nous a tenu ces propos. «Une partie de la population est complètement perdue. Il faut remettre de la cohérence, lui dire qu’elle peut avoir confiance dans l’État.»
Effectuer ce travail passera entre autres par le fait de prendre en compte la souffrance de la population dans son ensemble, pas juste en l’empêchant d’attraper le Covid-19. Si, les yeux rivés sur des indicateurs épidémiologiques en forme de montagnes russes, on oublie de jeter un œil sur les chiffres relatifs aux dégâts sociaux, économiques et psychologiques qui, eux, ne cessent de monter en flèche depuis dix mois, 2020 risque tout compte fait de nous laisser en bouche un délicieux goût de bûche de Noël en comparaison avec 2021…