Les plans de cohésion sociale (PCS) dans le secteur du logement en Région bruxelloise sont-ils liés au décret de la Cocof ? Formellement, non. Sur le terrain, c’est plus nuancé.
Une vingtaine de PCS sont actifs sur les territoires des sociétés bruxelloises de logements. Ce dispositif a été créé par le gouvernement régional bruxellois afin de soutenir l’action sociale communautaire au début des années 2000.
« Cela faisait suite à divers incidents dans certains grands ensembles. Il devenait nécessaire de pacifier les relations entre les sociétés et les locataires. La mise sur pied des PCS visait à renforcer le lien social », se souvient José Garcia, secrétaire général du Syndicat des locataires1 en charge du PCS sur le site de la place Albert Ier à Anderlecht. Afin d’éviter que ces plans soient trop liés aux sociétés, ils ont été confiés au secteur associatif. « C’était une volonté de confier les missions aux associations même si cela fait l’objet d’une convention de partenariat avec la SISP », rappelle José Garcia. Il semble que cette volonté ait permis de créer un dialogue amélioré. « C’est un bénéfice important. Les articulations avec les services sociaux et les directions générales se sont développées », estime Karine Seront, chargée de l’accompagnement des PCS au sein de la FéBUL (Fédération Bruxelloise de l’Union pour le Logement)2.
Améliorer le dialogue entre bailleur social et locataire social
A Anderlecht, le Syndicat des locataires a donc constitué une cellule spécifique de cinq personnes à temps-plein gérant école des devoirs, animations, comité des locataires. « Notre objectif est d’améliorer les relations entre les locataires et la SISP, entre locataires, l’état du bâti et la relation à l’environnement. Il faut souligner l’importance des conflits intergénérationnels », souligne le secrétaire général qui pense ne pas être sorti de son rôle en acceptant cette mission. « Pour nous ce n’était pas un changement de rôle mais une reconnaissance. Cela renforce notre relation avec le bailleur qu’est la SISP. De manière générale, le bilan est positif et cela se passe bien avec le Foyer anderlechtois même si nous gardons notre indépendance. Il y a quelque temps, nous avions organisé une marche noire pour afficher une volonté d’améliorer la sécurité dans la cité. La SISP l’avait mal pris. On l’a quand même faite ! », rappelle-t-il.
Jean-Claude Englebert3 est échevin du Logement à Forest depuis quelques semaines, mais il a présidé le Foyer Forestois sous l’ancienne mandature pendant quatre ans. Depuis 2001, un PCS s’est développé sur le site des « blocs jaunes » en face du Bempt. Il est géré par l’asbl Habitat et Rénovation4. Bilan ? « Leur action fait en tout cas partie du visage du quartier. Mais on doit réfléchir à une meilleure répartition des rôles entre le PCS et le service social du Foyer. Le Foyer a vécu pas mal de difficultés, avec un gros « turn-over » en matière de personnel mais c’est relativement stabilisé depuis un an environ », estime Jean-Claude Englebert précisant que le Foyer Forestois a décidé de scinder le rôle social du rôle administratif de la gestion des logements. « Je suis certain que cela aura des conséquences positives », assène-t-il tenant à retenir deux phénomènes. « Les choses évoluent vite. Les candidats locataires sont plus pauvres que les locataires actuels et les cas extrêmes augmentent », relève-t-il citant un cas d’alcoolisme et de délinquance d’un adolescent dans un contexte de surendettement vis-à-vis de la société et de dégâts locatifs. « Pour des cas comme cela, qui viennent quand la prévention a failli, le PCS n’est pas vraiment armé. A terme, il faut renforcer le lien entre acteurs sociaux. Les gens de terrain doivent être moins laissés à l’abandon », estime le nouvel échevin.
Des liens non formels sur le terrain
Les PCS sont-ils liés à la politique de cohésion sociale menée par la Cocof ? Rien n’est moins sûr. A Schaerbeek, le coordinateur ne voit pas de lien établi entre le volet cohésion sociale qu’il gère et le PCS dont il n’a qu’une vague vision de l’activité. A Molenbeek, le nouvel échevin du Logement Karim Majoros5 est en train de rencontrer les acteurs de terrains pour affiner la déclaration de politique générale. Selon lui, plusieurs acteurs de PCS sont aussi des acteurs d’éducation permanente ou de cohésion sociale. « Sans arriver à des plateformes communes, les acteurs, ou du moins une partie, se côtoient déjà dans une série de projets : conseil consultatif du logement, fêtes de quartier, agence immobilière sociale. Je pense qu’il faut favoriser cela et il est évident que des synergies doivent s’opérer notamment avec ma collègue Sarah Turine en charge de la cohésion sociale », soutient-il.
José Garcia, lui, estime qu’il doit rester dans les limites du périmètre. « Mais le PCS n’est pas un binôme SISP/syndicat. Il est plus large. La commune y est associée notamment via une collaboration permanente avec le service de prévention. Et s’il n’y a pas de lien formel avec le reste du secteur associatif au niveau cohésion sociale, nous avons évidemment beaucoup de relations sur le terrain », souligne-t-il. Situation très différente à Evere où l’asbl Cohésion sociale d’Evere-Actions communautaires6 (anciennement Loisirs Jeunes Evere) a été créée en 1997 à l’initiative de trois sociétés de logements actives à Evere (Germinal, Ieder Zijn Huis et le Home Familial Bruxellois). « L’asbl s’occupe du PCS depuis sa mise en place en 2001 et reçoit des subventions « cohésion sociale » de la Cocof via la concertation communale », précise Anne De Busscher, assistante sociale à Germinal et administratrice de l’asbl.
Mais au-delà des relations formelles, le logement social est-il trop centré sur lui-même ? « Le sentiment d’appartenance à la société de logement est fort chez les locataires », décrit Karine Seront. « Les PCS ne vont pas changer cette identité mais vont ouvrir les sites à leur quartier. Les locataires seront amenés à partager des choses et des moments avec leur quartier », conclut-elle.
Reste que le débat sur l’indépendance des associations n’est jamais clos. En cas de contradiction entre les objectifs du PCS et les décisions de la SISP, cela peut tourner mal « Si la SISP refuse de resigner, c’est l’arrêt de mort du PCS », souligne José Garcia qui dit vouloir néanmoins éviter l’autocensure. « Le PCS ne peut pas être neutre. Dans un débat ou une négociation, il doit pouvoir faire entendre sa voix. D’ailleurs, certains PCS font appel à nous pour que nous diffusions leurs idées », nous confie le patron du syndicat des locataires qui n’a en effet pas la réputation de se taire facilement.
1. Syndicat des locataires :
– adresse : square Albert Ier, 32 à 1070 Anderlecht
– tél. : 02 522 98 69
– courriel : syndicatdeslocataires@gmail.com
2. Fébul :
– adresse : rue du Progrès, 333, bte 1 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 201 03 60
– courriel : info@febul.be
3. Jean-Claude Englebert :
– adresse : rue du Curé, 2 à 1190 Forest
– tél. : 02/370 22 05
– courriel : englebert.jeanclaude@gmail.com
– site : http://www.jcenglebert.be
4. Habitat et Rénovation, Projet de Cohésion Sociale–Bempt :
– adresse : square Madelon, 13 à 1190 Forest
– tél. : 02 332 54 57
– courriel : bempt.pcs@skynet.be
5. Karim Majoros :
– adresse : rue Comte de Flandre, 20 à 1080 Molenbeek
– tél. : 02 412 37 20
– courriel : kmajoros@molenbeek.irisnet.be
– site : http://www.majoros.net
6. La cohésion sociale d’Evere – Actions communautaires :
– adresse : rue des Deux Maisons, 32 à 1140 Evere
– tél. : 02 726 76 68
– courriel : cs.evere@hotmail.com