Les avocats se mobilisent pour venir en aide aux migrants. Chaque jour, ils les accompagnent dans leurs démarches avec l’Office des étrangers.
Depuis le 10 septembre, des permanences juridiques sont organisées à Bruxelles pour tous les réfugiés. Chaque jour, une dizaine d’avocats, spécialisés dans les droits des étrangers, sont présents par deux pendant deux heures pour une aide de première ligne. Ils reçoivent dans deux véhicules de commandement mis à disposition par le SIAMU.
Ce dispositif exceptionnel vient compléter le service proposé habituellement par la Commission d’aide juridique à l’ensemble de la population. Des documents en français, anglais et arabe ont été distribués, en informant les réfugiés de leurs droits lors d’une demande d’asile et du déroulement de la procédure, des interprètes sont aussi présents pour assurer le bon déroulement de ces permanences. «Tout s’est décidé en 24 heures dans une collaboration étroite entre le ministre Rachid Madrane, la Commission d’aide juridique et le barreau de Bruxelles afin d’assurer des permanences pour ce public», explique Vinciane Gillet, présidente de la Commission d’aide juridique de Bruxelles. En tout, ce sont près de 90 réfugiés qui ont pu être accompagnés en trois semaines dans leurs démarches administratives. Avec un coût de la permanence évalué à 300 euros par jour.
«Ces personnes ont quitté un pays en guerre. Elles arrivent dans un pays qu’elles ne connaissent pas. Tout leur est inconnu: de la langue aux procédures. Quand elles arrivent à l’Office des étrangers, elles reçoivent un cachet, elles savent que leur dossier est introduit, mais elles n’en savent pas plus. Le rôle des avocats, c’est de leur expliquer ce qui va leur arriver, leur dire qu’elles ont des droits, leur rappeler qu’une aide juridique est à leur disposition», rappelle Vinciane Gillet.
Avant tout, rassurer
Certains craignent d’être renvoyés dans le premier pays européen où ils ont débarqué. Cédric Dionso, avocat qui assure des permanences auprès des réfugiés, leur explique que ce ne sera pas forcément le cas. «C’est un problème rencontré fréquemment. De nombreux migrants sont passés par d’autres pays européens avant d’arriver en Belgique. Certains craignent par exemple de devoir retourner en Hongrie, en Grèce ou en Italie. Il y a aussi des demandes d’informations sur les droits au retour», explique-t-il. «À côté de cela, le rôle de l’avocat est de répondre à certaines inquiétudes liées à la problématique de l’accueil et d’éviter surtout que des personnes malfaisantes profitent de la précarité des réfugiés. Mais notre première tâche, c’est de rassurer les personnes. Il y a une certaine méfiance quant à notre mission. Certains pensent que nous sommes de la police…» Quant aux situations rencontrées par l’aide juridique, Cédric Dionso admet qu’elles sont dramatiques. «Ce sont des destins brisés et la crise que nous vivons est sans précédent. Se retrouver devant un vieil homme qui a tout abandonné, qui se retrouve sans rien, sans sa famille, c’est terrible. On ne peut pas s’imaginer de l’horreur de la situation tant qu’on n’a pas été confrontée à elle», témoigne-t-il, ému.
De son côté, le bâtonnier Stéphane Boonen est convaincu que ce soutien juridique aide les demandeurs d’asile dans leurs démarches compliquées. «Pour que les bonnes procédures doivent être introduites, il faut frapper aux bonnes portes, tout cela mérite une assistance professionnelle par un avocat», indique-t-il. Pour lui, la mobilisation des avocats bruxellois est naturelle: «La profession est très sensible à la situation de ces personnes et à l’instar de tout ce qui s’est fait au niveau du milieu associatif, nous avons voulu être proches de ces gens, leur montrer que nous sommes là, à leur disposition.»
Cet article a été publié dans Alter Échos n°411 du 17 octobre 2015
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Focales n°5, mai 2014: «Réinstallation des réfugiés: les premiers pas d’un programme belge».