A l’IPPJ de Jumet1, on mise sur l’éducation. Les jeunes y sont placés suite à des faits de délinquance. Ils doivent se rescolariser dans les écoles deCharleroi. Un projet pédagogique original, mais qui souffre d’un déficit d’indicateurs.
Jonathan a quatorze ans. Il dit avoir été coincé pour port d’arme illégal et vol à l’étalage. Le juge de la Jeunesse a statué sur son cas. Il devrapasser une année scolaire à l’IPPJ (institution publique de protection de la jeunesse) de Jumet au service « éducation », dont l’un des buts est de« rescolariser vers tout type d’enseignement extérieur ». Pour « susciter l’intérêt et restaurer les habitudes scolaires » de Jonathan,il faudra certainement du temps. Pour l’instant, c’est plutôt le mécontentement qui l’anime. « J’aime vraiment pas ici, dit-il. J’ai plus été àl’école depuis deux ans et je n’ai pas envie d’y retourner. On aurait pu me donner une chance. Rester à l’IPPJ un an, c’est trop long. » Pascal Fratta, responsablepédagogique admet que cette réintégration dans l’école est « parfois très difficile ». Mais de manière générale, il loueles vertus de l’approche privilégiée par l’IPPJ de Jumet. « Les échecs sont minoritaires », avance-t-il.
Le vendredi 16 septembre, la ministre de l’Aide à la jeunesse, Evelyne Huytebroeck (Ecolo), proposait à des journalistes une visite de l’IPPJ de Jumet. Même si la visite avaitun caractère officiel, il faut bien avouer que le travail effectué à l’IPPJ n’est pas dénué d’intérêt.
A Jumet, le régime est ouvert. On ne peut donc pas vraiment parler d’enfermement, même si les jeunes y sont placés contre leur gré suite à des faits qualifiésinfraction. La principale caractéristique de cette IPPJ est l’accent porté sur l’éducation, hors des murs de l’institution. Les placements sont longs, ils durent toutel’année scolaire et nécessitent beaucoup d’encadrement. « Un de nos objectifs est la resocialisation, explique Pascal Fratta. Un des meilleurs lieux pour la resocialisation,c’est l’école. Et c’est important que les jeunes côtoient d’autres jeunes qui n’ont pas commis de faits de délinquance. » Vu le parcours scolaire erratique des mineursplacés en IPPJ, ces derniers ne sont pas parachutés du jour au lendemain dans les écoles de Charleroi. L’intégration est progressive, comme le détaille PascalFratta : « Au début, les douze jeunes inscrits au service éducation sont exclusivement à l’IPPJ. Il y a une classe de remédiation. On écoute leursattentes, on crée du lien. Puis on les inscrit dans le circuit scolaire. On essaie de gagner leur confiance, mais c’est un processus très long, surtout qu’à certains moments,ça dérape un peu. Ils ont souvent perdu la confiance de leurs parents, du juge. On établit avec eux un projet de vie pour qu’ils reprennent confiance. C’est avec une prise encharge individualisée qu’on tente de confier au jeune les leviers pour rebondir. »
L’école a souvent été le lieu de cristallisation des problèmes de ces jeunes. Il n’est donc pas rare que l’atterrissage crée quelques tensions. Afin de lesdégonfler, une procédure a été mise en place, comme l’explique Jean-Pierre Blairon, le directeur de l’institution : « Nous travaillons avec un panel decinquante écoles. Nous avons un service disponible pour que les écoles appellent en cas de problème et nous nous engageons à être là en une demi-heure. Quandil y a un trop gros problème, le jeune revient quelques jours à l’IPPJ. Ce qui permet de ne pas être renvoyé de l’école. »
La mesure fonctionne-t-elle ? Personne ne le sait
Chaque année, une vingtaine de jeunes intègre la section éducation de l’IPPJ qui ne compte que douze places. Cet écart s’explique par divers facteurs : certainssont réorientés vers une autre institution, d’autres fuguent ou font l’objet d’une autre mesure par le juge de la Jeunesse. Au final, ce sont environ huit à neuf jeunes quiterminent l’année.
Si l’initiative est intéressante, personne n’est en mesure d’affirmer que ces placements atteignent leur but. Ce qui révèle certains manquements structurels enCommunauté française. Il n’y a pas de chiffres qui indiquent, par exemple, si les mineurs réintègrent effectivement les circuits scolaires une fois la mesurepassée. C’est ce que Jean-Pierre Blairon appelle « la frustration de l’éducateur » qu’il définit ainsi : « on ne sait jamais l’impact qu’ona sur nos jeunes. » Un manque criant d’indicateurs que ne nie pas la ministre qui attire l’attention sur « une étude lancée avec l’ULB sur le parcours des jeunes,avant et après les institutions. Pour essayer d’objectiver. »
En attendant, les jeunes passent à Jumet et reprennent, peut-être, le goût de l’apprentissage.
1. IPPJ de Jumet :
– adresse : rue de l’Institut Dogniaux, 85 à 6040 Jumet
– tél. : 071 34 01 06
– courriel : ippj.jumet@cfwb.be