Une école sociale transformée en école de police, le temps d’une journée. Une manière pour les étudiants de l’IESSID à Bruxelles de dénoncer l’état de contrôle permanent des assistants et des allocataires sociaux.
Il était 14 heures ce vendredi-là quand un allocataire social fut arrêté par la police. Une première qui allait en inaugurer bien d’autres. A moins qu’il ne s’agisse d’une fiction… Pendant une journée, l’école sociale IESSID est devenue une école de police tandis que les futurs assistants sociaux singeaient des policiers à la recherche d’allocataires. Des étudiants en colère quant à l’avenir d’un accompagnement social, trop tourné sur le contrôle des usagers. « En tant qu’étudiants, nous devons réagir sans attendre avant que les choses soient faites, surtout quand il en va de l’essence même de notre métier », souligne Fiona Kemp, étudiante en 2e année à l’IESSID.
Des étudiants inquiets aussi face à la menace bien réelle, celle de voir tôt ou tard le secret professionnel des assistants sociaux levé à cause de la proposition de loi, déposée par la N-VA et soutenue par la majorité fédérale, modifiant le Code d’instruction criminelle en vue de promouvoir la lutte contre le terrorisme. Cette loi risque de contraindre tant les institutions sociales que les travailleurs sociaux à communiquer des renseignements sur des usagers potentiellement radicaux. Outre la levée du secret professionnel, la non-collaboration d’un travailleur social pourrait être sanctionnée par une amende allant jusqu’à 10000 euros.
« Dans le cadre de cette future loi en lien avec la menace terroriste, on demande aux assistants sociaux d’être le bras droit de la police. Dans certains CPAS, des assistants sociaux sont déjà contraints de vérifier les moindres faits et gestes de leurs usages, en vérifiant les extraits de compte ou les déplacements d’un usager. »
Il n’y a pas qu’étudiants et enseignants à s’inquiéter de cette évolution. Dans un communiqué commun les fédérations des CPAS s’alarment elles aussi de la proposition de loi. « Sans secret professionnel, c’est tout le travail social qui risque d’être déstructuré au sein des CPAS. Il est un élément essentiel pour instaurer un climat de confiance avec les personnes. En le levant, on risque aussi de ne plus pouvoir collaborer avec le tissu associatif », craint, pour sa part, Stéphane Roberti, président du CPAS de Forest, présent lors de cette journée de mobilisation.
Présent aussi le Comité de vigilance du travail social. Face à ce contexte sécuritaire, le CVTS a décidé de lancer un manifeste avec l’intention de réaffirmer les principes incontournables du travail social et de dénoncer la banalisation du non-respect de ceux-ci. « La garantie du secret professionnel résulte d’un choix de société fort. Il permet à tous la possibilité d’être entendus sans être jugés, d’être aidés en continuant à décider pour soi et permet aux professionnels de poser des actes en en mesurant toutes les conséquences. En cela, il concourt à rendre possible une vie en société », rappelle le Comité de vigilance du travail social et sa présidente, Catherine Bosquet, arrêtée pour l’occasion pour les étudiants « policiers » de l’IESSID.
Pour signer le manifeste : http://www.comitedevigilance.be/?Manifeste-du-travail-social
L’intégration au pas de charge
Le dossier de l’Alter Échos n°422 (mai 2016) est consacré à l’activation des usagers du CPAS. Nouvelles mesures contraignantes, «service à la communauté» imposé, partage informatique du dossier par tous les CPAS. Bienvenue dans le monde de l’intégration au pas de charge.
«École en colère soutient les étudiants face aux CPAS» Alter Échos n°422
«PIIS pour tous, le scénario du pire ?» Alter Échos n°422
«Se raconter : le tournant biographique des politiques sociales» Alter Échos n°422
«Un nouveau ‘jouet’ informatique pour les CPAS» Alter Échos n°422