En avril dernier, Médecins du monde et l’Inami publiaient leur Livre vert sur l’accès aux soins en Belgique. Fruit d’un processus de collaboration avec les acteurs de terrain de la santé, il recensait un ensemble de constats et de recommandations. Car si notre pays est reconnu pour son système de protection sociale et de santé, pour une série de populations plus vulnérables, l’accès aux soins est loin d’y être garanti.
Après le vert, le blanc. Soit cinq recommandations opérationnelles prioritaires visant à rendre plus accessible notre système de santé. L’objectif? Interpeller le monde politique et influer sur la définition des politiques de santé au cours des cinq prochaines années.
Ces cinq recommandations sont les suivantes:
- Lutter contre les formes d’exclusion institutionnelle de certains groupes de personnes. Demandeurs d’asile, personnes en séjour irréguliers, personnes détenues ou internées, ils ont pour point commun le fait que leurs soins de santé sont pris en charge par des systèmes «subsidiaires» (soit les structures d’accueil pour les uns, le SPP Intégration sociale et les CPAS via l’AMU pour les autres, ou encore le SPP Justice pour les derniers). Pour chaque groupe cible, Médecins du Monde et l’Inami prônent une intégration «phasée» dans le système de soins classique et, au moins dans un premier temps, une harmonisation et une simplification des pratiques.
- Lutter contre les difficultés d’accès aux soins des ménages dues à des raisons financières. Ces difficultés touchent particulièrement les jeunes ménages, les familles monoparentales et les familles aux revenus peu élevés, qui sont parfois contraints de postposer, voire de renoncer à des soins de santé. Le Livre blanc recommande, dans un premier temps (2015), une application obligatoire du tiers-payant pour un maximum de prestations et pour tous les patients ayant le statut de malade-chronique et ceux qui bénéficient de l’intervention majorée. Dans un second temps, il s’agira de généraliser le tiers-payant à tous les actes ambulatoires et à tous les patients.
- Prévention et promotion de la santé. Il s’agit, souligne le Livre blanc, «de mettre en place une approche globale de la santé maternelle/infantile et des soins préventifs adéquats pour les populations ayant des pratiques à risque». Éducation sexuelle, grossesse non désirée, suivi de grossesse, contraception… toutes les femmes, quelle que soit leur situation (sans papiers, sans abri…), devraient pouvoir bénéficier des services appropriés. De leur côté, les populations ayant des pratiques à risque (travailleurs du sexe, usagers de drogues) devraient aussi pouvoir obtenir les soins préventifs adéquats: dépistage, vaccination, matériel de prévention, accessibilité aux traitements de substitution…. Et les actions de préventions qui leur sont destinées doivent être proactives, c’est-à-dire aller à leur rencontre via un travail de rue et des dispositifs mobiles.
- Quatrième priorité, offrir des soins «sur mesure» à certains groupes «en décrochage» et en grande précarité, comme les sans-abri, les primo-arrivants, les travailleurs du sexe ou les usagers de drogues. Des soins sur mesure, oui mais comment? En instituant, dans chaque grande ville, une ligne de soins intermédiaire intitulée «ligne 0,5». La ligne 0,5 serait une structure de référence mais qui ne se substituerait pas à l’offre de soins classique. Elle se caractériserait par une approche multidisciplinaire, flexible (à bas seuil, qui s’adapte aux besoins de chaque patient) et proactive (elle doit pouvoir être mobile et aller vers le patient), avec des conditions d’accès non discriminantes, tout en gardant pour objectif la réintégration du patient dans la première ligne traditionnelle. Ce dispositif devrait intégrer un service social, un système d’interprètes et/ou de médiateurs culturels et un mécanisme d’orientation.
- Dernière recommandation: améliorer l’information et la compréhension du patient via la création de nouveaux métiers. Le Livre blanc propose d’étendre à la première ligne de soins l’expérience des médiateurs interculturels mise en pratique au sein des hôpitaux, des médiateurs qui ont pour rôle de faciliter la communication entre soignants et patients. Il suggère aussi de développer dans le secteur de la santé la pratique des experts du vécu, à savoir l’embauche de personnes qui possèdent une expérience personnelle de la pauvreté.