Est-il suffisant de reloger des sans-abri pour permettre leur réinsertion dans la société ? L’étude menée par le relais social de Charleroi1 démontre que l’accompagnement social y est prépondérant.
Pour de nombreux acteurs de terrain, l’accès au logement décent pour les sans-abri est un premier pas dans la direction de la réinsertion. « La réintégration par le logement doit être envisagée comme une solution structurelle », soulignait Suzanne Huygens, coordinatrice du relais social de Charleroi, à la fermeture des plans hiver. Une affirmation qui trouve écho dans les propos de Marjorie Lelubre, chargée de recherche au relais social carolo qui mène, depuis deux ans, une analyse sur l’accompagnement social dans le logement.
Le temps y est un élément essentiel. Parce que les habitudes font que les murs sont plus que de simples barrières physiques. Un accompagnement social des sans-abri est dès lors considéré comme souvent indispensable. A la mi-parcours, la chercheuse tire un bilan du travail accompli. « Nous avons constaté la diversité de l’accompagnement social sur le terrain », explique-t-elle. Les modèles préalablement établis se sont mués en formes hybrides afin de s’adapter aux sujets, à leurs envies et à leurs besoins.
Accompagnement = assistanat ?
L’accompagnement social est-il un frein à l’autonomie ? Le lien de cause à effet entre l’un et l’autre est révoqué. Au contraire, plus l’accompagnement est long, plus le degré d’autonomie est abouti. « L’accompagnement social prouve son rôle pédagogique, permettant aux personnes de cheminer vers plus d’indépendance » par rapport au système social, explique Marjorie Lelubre.
Accompagnement collectif ou individuel ?
« Tout en regrettant ardemment leur isolement social, les bénéficiaires se montraient méfiants quant à l’idée d’entretenir des relations sociales au sein d’un groupe », explique Marjorie Lebure. La Belgique dénote par rapport aux autres pays de l’Union européenne où l’accompagnement collectif est privilégié. Chez nous, ce dernier est complémentaire à l’accompagnement individuel. Selon la chercheuse, « il permet au sans-abri de sortir de l’isolement ». Cela dit, elle pointe le risque de « ghettoïsation ». « L’accompagnement doit être envisagé comme un tremplin et doit garantir la mixité sociale », prévient-elle.
Accompagnement moralement contraignant
La dimension contractuelle a posé problème lors de ces premières années. Fallait-il valoriser juridiquement l’engagement dans la recherche ? Un engagement moral et mutuel entre le travailleur social et le locataire a finalement été privilégié. « En même temps, des leviers contraignants amèneraient probablement à un engagement plus affirmé de la personne dans un processus au sein duquel elle serait plus responsable, connaîtrait ses droits et ses devoirs ». Attention cependant à ne pas tomber dans l’écueil inverse : « Il importe que l’accompagnement ne devienne pas une condition d’accès au logement », précise-t-elle. Toutes les personnes engagées initialement dans le processus n’y sont d’ailleurs plus aujourd’hui. Pour autant, elles bénéficient toujours de leur logement.
« L’accompagnement est le parent pauvre du couple qu’il forme avec le logement. Pourtant, tous deux sont indispensables à la réinsertion durable de la personne », conclut Marjorie Lelubre.
Les constats ont été exposés au secteur. « La recherche, inscrite sur quatre ans, nous permet de voir comment les bénéficiaires se réinsèrent dans le long terme », se réjouit la chercheuse. D’autres éléments viendront encore enrichir l’analyse. Cela dit, « cette recherche a le mérite de mettre les choses à plat », ponctue Marjorie Lelubre.
Dans son récent plan de Lutte contre la Pauvreté, la Ville de Liège a décidé de valoriser plus spécifiquement les projets de réinsertion par le logement. « Une attention particulière sera accordée aux projets touchant les familles nombreuses précarisées », rappelle l’échevinat des Services sociaux, de la Famille et de la Santé2. « L’accès à un logement stable doit être garanti à chacun. Or de plus en plus de personnes consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement. Dans 49 % des cas, les personnes en grande difficulté financière ont une habitation en mauvais état avec une impossibilité de se chauffer correctement », souligne l’échevinat.
1. Relais social de Charleroi :
– adresse : bd Jacques Bertrand, 10 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 506 731
– courriel : relais.social@skynet.be
– site : http://www.relaissocialcharleroi.be
2. Echevinat des Services sociaux, de la Famille et de la Santé, Cité administrative, 9e étage, Potiérue, 5 à 4000 Liège
– tél. : 04 221 84 43
– courriel : echevinat.servicessociaux@liege.be