L’un des quatre objectifs de la réforme du Code wallon du logement met en avant le rôle social des sociétés de logement de service public (SLSP). Plus questiondonc de ne s’occuper que de la brique. La note d’orientation du ministre en charge du Logement, Jean-Marc Nollet, parle d’accompagnement social, de référent social etde placer le locataire au cœur du logement. Pourtant, de nombreuses SLSP n’ont pas attendu la note d’orientation du ministre pour créer des services sociaux. Mais leur but nese limite pas à récupérer les arriérés locatifs. Les modalités de soutien et les objectifs de l’accompagnement social sont larges et variés.
Afin d’insister sur le rôle social des SLSP, le ministre propose de débloquer les moyens nécessaires pour que chaque société puissebénéficier d’un référent social. La mise en place de cet accompagnement social sera encouragé par un appel à projet avant d’êtreorganisée par arrêté. Le rôle du référent social sera d’établir des ponts entre les différents acteurs du secteur du logement, del’aide aux personnes et de l’action sociale. La note propose, également, un accueil aux ménages ainsi qu’un suivi spécifique la premièreannée.
Comme on le sait, les missions des SLSP sont nombreuses : gestion et mise en location de différents types de logements sociaux, achat, construction, conservation, amélioration,adaptation de logements, vente d’immeubles, etc. L’avis n° 18 du Conseil supérieur du logement (CSL) précise aussi que « l’objet social des SLSP est depourvoir à l’offre de logements publics afin, notamment, de garantir un logement décent aux personnes en situation de précarité et aux revenus modestes ».Certains locataires sont souvent sans emploi, peu qualifiés professionnellement, parfois analphabètes et fragilisés par les aléas de la vie.
La faute à la précarité
Aujourd’hui, de plus en plus de locataires de logements publics vivent dans la précarité. Elle peut être économique, mais également concerner l’insertionsociale et professionnelle, la santé physique et mentale, les réseaux sociaux et culturels, etc. Il est important d’analyser les problèmes rencontrés dans les SLSPafin de mettre en place un travail d’accompagnement à la demande, global et en réseau. Les SLSP font face à divers difficultés : non-respect des règles,normes et engagements contractuels, non-paiement du loyer, difficultés à entretenir correctement un logement (voire dégradation), difficultés à avoir de bonscontacts avec le voisinage, des enfants en crise, etc. « Le locataire doit être au cœur de l’action, l’objectif est de renforcer son autonomie par sa participation.Pas question de parler d’assistanat », explique Laurence Di Nunzio, responsable du service social du Logis châtelettain.
« Face à ces problématiques variées, certaines SLSP ont eu la volonté de créer des services sociaux sans attendre ou demander del’aide », raconte Marie-Claire Brancart, présidente de l’AWCCLP (Association wallonne des comités consultatifs des locataires et propriétaires). Unaccompagnement social qui s’avère nécessaire quand des dispositifs réglementaires ne suffisent plus et que la contrainte et la répression sont inopérantes.« Il est difficile de définir l’accompagnement social. La difficulté tient principalement à la nature de la démarche, qui, parce qu’elle touche auxaspects humains fondamentalement immatériels, échappe à l’emprise des mots», résume l’avis n° 18 du Conseil supérieur du logement. Cetaccompagnement doit toujours être le résultat d’une démarche volontaire de la part du locataire. Il revêt des pratiques différentes en fonction de nombreuxfacteurs : le locataire, son environnement, ses difficultés, son histoire, etc. Les objectifs et les modalités d’action de l’accompagnement varient égalementd’une SLSP à une autre.
En partenariat, en collaboration, en réseau
Les SLSP disposant d’un service social peuvent travailler en partenariat, en collaboration ou en réseau avec toute une série d’autres intervenants, tels que : lesCPAS, les associations, la police, les régies des quartiers, les AMO, les écoles de devoirs, les abris de nuit, les services de santé mentale, les maisons d’accueil, lesservices d’insertion sociale (SIS), etc. Le locataire se voit donc orienté vers tel ou tel service extérieur ou au sein même de la société en fonction de sesbesoins et difficultés. L’accompagnement social n’est donc pas quelque chose de figé, mais modulable en fonction des situations rencontrées.
Les missions de ces services sociaux ne sont pas définies règlementairement. Mais l’accompagnement social ne se limite pas qu’à la récupération desloyers ou à la limitation des dettes. Même s’il peut servir à rappeler le règlement d’ordre intérieur et les règles à respecter encollectivité. Le rôle des personnes sur le terrain est avant tout d’encourager la prise en charge personnelle du locataire, lui donner la possibilité de remédierà ses difficultés et lui expliquer ses obligations et les risques qu’il encourt en cas de non respect de celles-ci (situation de rupture). Faire en sorte qu’il reprenneconfiance en lui. L’objectif principal est de favoriser l’insertion du locataire dans son logement et quartier.
Accompagnement individuel et collectif
L’accompagnement peut être soit individuel ou collectif. Dans les grandes SLSP, l’accompagnement est le plus souvent collectif. Développer un accueil personnaliséet intensif est difficile à mettre en place, même s’il est souvent nécessaire. Pour le CSL, certaines démarches collectives d’accompagnement social sontefficaces : « organisation de plaines de vacances, écoles de devoirs, ateliers d’expression pour les enfants, ateliers de prise de paroles, création derégies des quartiers, etc. »
Ces dernières années, les SLSP sont accaparées par d’importants problèmes (gestion immobilière ou administration toujours plus lourde) laissant peu deplace à l’humain. Pour Marie-Claire Brancart, présidente de l’AWCCLP : « Certains ont développé des services sociaux, mais une grande majoritéde sociétés n’y ont pas pensé, n’ont pas les moyens ou la volonté d’en créer. » Afin d’organiser cet accompagnement social, ilest important de se baser sur l’expérience de certaines SLSP. Concernant le référent social, il devra avoir les compétences nécessaires pour savoir oùs
’arrête sa mission. L’accompagnement social n’est pas une thérapie. Le référent devra être imperméable aux stigmatisations et devrarespecter l’intégrité des personnes et agir avec psychologie, pédagogie et de manière cohérente. Marie-Claire Brancart poursuit :« L’accompagnement social dans certaines sociétés n’est pas professionnalisé. Il faut souvent compter sur le sens social plus ou moins développé decertains membres du personnel. » Il est également important de prévoir des moyens suffisants et des ressources humaines en nombre et en qualité afin de pouvoir garantir auxlocataires une certaine disponibilité. Des investissements qui serviront à limiter les situations de rupture et d’exclusion sociale.
Mais la mise en place d’un accompagnement social n’a aucun sens sans des mesures qui humanisent la gestion locative et qui manifestent un certain respect pour les locataires.« Cela commence par l’accueil, pas toujours aimable, voire repoussant. Les personnes qui se trouvent derrière le comptoir ont parfois peu de considération pour lesproblèmes du locataire. Ils se soucient peu d’expliquer aux nouveaux locataires ou aux candidats, parfois étrangers ou illettrés, ce qui se trouve dans le contrat de bail,raconte la présidente de l’AWCCLP. Je reconnais cependant que l’attitude nonchalante, voire agressive de certains locataires n’inspire pas toujours l’envie de les aider. » Enfinl’évaluation de la démarche devra porter sur ses modalités de mise en œuvre et non sur des résultats.
L’accompagnement social au Logis châtelettain
Le Logis châtelettain a son propre service social. Situé à Châtelet, il comprend près de 2 300 logements. « Notre service social estconstitué d’une chef de service, une psychologue, deux intervenantes psychosociales et un employé administratif », résume Laurence Di Nunzio, la responsable. Ceservice travaille en collaboration avec des partenaires locaux et extra-locaux : police, services de médiation, CPAS, AMO, Forem, Régie des quartiers de Châtelet, Serviced’aides et soins à domicile, etc. « Nous ne pouvons pas travailler seul. Il faut tenir compte du cumul des difficultés du locataire afin de l’accompagner demanière globale et à sa demande. Le travail est donc orchestré en réseau autour de l’insertion par le logement », explique Laurence Di Nunzio. Le servicesocial travaille également de manière transversale et concertée.
Les missions du service social
Les différentes missions du service social du Logis sont : la gestion amiable des arriérés locatifs, l’orientation des candidats-locataires, l’accueil deslocataires entrants, la guidance psycho-sociale des locataires, des transferts et des seniors, etc. « On relève de plus en plus de personnes en état de précarité ausein des SLSP et les listes d’attente pour avoir un logement social s’allongent. Nous mettons donc l’accent sur la prévention et l’accompagnement humain. Maisattention, le locataire doit se sentir impliqué », insiste la responsable du service social.
L’objectif de la gestion amiable des arriérés locatifs est de « récupérer l’argent, mais avec du sens. Le locataire est au cœur d’uneprocédure claire. Il faut le responsabiliser », ajoute Laurence Di Nunzio. Cette gestion tente d’anticiper les problèmes financiers et le surendettement des locatairesgrâce à une analyse de leur situation et un suivi personnalisé. Le service accompagne le locataire puis l’oriente vers les institutions adéquates en fonction de saproblématique (médiation de dettes, règlement collectif de dettes, etc). Le but est de limiter les expulsions et, si elles ont lieu, d’accompagner le locataire durantcelle-ci.
« L’accès à un logement est de plus en plus compliqué et certains candidats-locataires se sentent souvent perdus (exemple : complexitéadministrative) », explique la responsable du service. Sur base de rencontres individuelles, le service prend connaissance de la situation du candidat-locataire et l’oriente enfonction de ses problématiques et de ses besoins afin de favoriser l’accès au logement.
Les locataires entrants sont accueillis. Il s’agit ici de leur donner accès à leur logement en pleine connaissance de leurs droits et devoirs. C’est une démarchepréventive, son but est de favoriser le respect du contrat de bail et les conditions à respecter pour conserver son logement. Cette étape améliore la communication entrele locataire et la société. Le locataire identifie ainsi la personne vers laquelle il pourra se tourner en cas de problèmes futurs.
S’approprier son logement
La guidance psycho-sociale des locataires, quant à elle, vise à assurer l’appropriation du logement par le locataire. « Il n’est pas seulement questiond’accéder à un logement, il faut encore savoir le garder. Le logement est une clé d’entrée au développement personnel », rajoute Laurence DiNunzio. Pour répondre à des situations parfois complexes, hétérogènes, le Logis travaille en partenariat afin de répondre ensemble à des situationsparfois inédites. « Dans certains situations (…) se cumulaient l’insalubrité du logement au handicap physique, à la maltraitance, à ladépression, au surendettement avec risque d’expulsion. Seule l’activation d’un réseau (ex : société de logement, locataire concerné,école, police, SAJ, médecin, administrateur des biens, hôpital…) a permis de trouver des solutions et ainsi à éviter le « pire » .» (rapportd’activités 2010 du Service social)
La guidance psycho-sociale des transferts correspond à l’accompagnement vers un autre logement plus adapté. « Le logement peut être inadapté auvieillissement, à des problèmes de mobilité, à une nouvelle composition de ménage, à des problèmes d’insalubrité, etc. »,explique Laurence Di Nunzio. Les personnes âgées sont souvent en demande de transfert. « Notre société est de plus en plus confrontée àl’isolement familial et social des personnes âgées exposées au cumul des précarités entre pauvreté, santé physique déficiente,détresse psychologique », raconte-t-elle. Le Logis châtelettain, comme d’autres SLSP, apprend donc à gérer les nouveaux besoins en matière defonctionnalité de l’habitat.