Le gouvernement Di Rupo Ier est sur les rails. Et avec lui, sa réforme sur l’asile et l’immigration. Explication et parole aux acteurs de terrain.
Le secteur s’accorde à le dire : l’accord ne… dit pas grand-chose. « Les grandes lignes de la politique perpétuent celle suivie sous la législatureprécédente », résume Malou Gay, directrice adjointe du Cire1. Elle y voit un ton « négatif et strict », de nature àrestreindre les droits en matière d’asile et d’immigration.
Le plan de répartition, une avancée ?
Les demandeurs d’asile seront répartis dans les communes belges et y bénéficieront de l’aide matérielle. Cette mesure vise à soulager les pôles deconcentration que sont les grandes villes ainsi que les centres Fedasil. Le consortium d’ONG SOS Accueil2 (voir encadré) salue sa mise en place puisqu’il apportera une solution« juste et durable » à une crise de l’accueil longue de trois ans. Cependant, il « ne résout pas le problème à court terme ».En effet, les autorités publiques, (sur)prises par l’urgence, se trouvent à nouveau incapables de remplir correctement leur mission d’accueil.
Ce plan de répartition sera volontaire et, au besoin, contraignant. Or, « la situation actuelle montre que la base volontaire ne fonctionne pas », insiste le Cire. Ducôté du président du CPAS de Namur, Philippe Defeyt3, on crie à la « catastrophe face à la charge supplémentaire liée àl’augmentation de flux. Si l’Etat rembourse la totalité des revenus d’intégration octroyés, la charge administrative n’est par contre pas prise en compte ».« On déplace simplement le coût et le budget vers les communes. Et après ? », interroge le syndicat chrétien de Fedasil4.
Un super-secrétaire d’État aux commandes
Maggie de Bock (Open VLD) détient à présent le portefeuille de l’Asile, de l’Immigration et de l’Intégration sociale. A elle seule de gérer lescompétences de… trois ministères distincts sous la législature précédente. Une manière de tendre vers plus de cohérence réclamée parle secteur. Ce dernier déplore par contre l’avènement d’un secrétaire d’Etat au lieu d’un ministre. « Cela signifie une diminution des moyens et du pouvoir d’actionpour un portefeuille conséquent », regrette Malou Gay. Selon elle, « cette décision reflète l’importance que le gouvernement entend donner à l’asileet à l’immigration ». Les syndicats de Fedasil se disent « sceptiques » et jugent cette mesure « cosmétique ».
La procédure, tant en matière d’asile que d’immigration, pouvant actuellement durer jusqu’à seize mois, devrait être réduite à six. Le Cire souligneà cet égard « la primauté de la qualité dans la cohésion de l’accueil ». Un avis que partage Jean-Christophe Van Coppenolle,représentant syndical CSC de Fédasil, selon qui l’accent doit être mis sur le respect des droits. Par ailleurs, « cette mesure ne change rien si elle n’est pasaccompagnée d’une augmentation du personnel. » Il craint que les services d’urgence soient privilégiés, tant en moyens qu’en responsabilités, audétriment de Fedasil dont l’action est pourtant étendue sur le moyen terme.
Le statut d’apatride est une des avancées de l’accord. Demain, les demandes seront traitées par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides(CGRA). Une procédure de reconnaissance donnera accès à un titre de séjour provisoire.
Frein à la régularisation
Comme le souligne le Cire, les critères à remplir en vue de l’obtention de l’asile et de la protection subsidiaire seront plus restrictifs. En effet, le gouvernement posedésormais des barrières plus étanches au regroupement familial ainsi qu’au séjour pour raisons médicales. Les mariages blancs seront également passésau crible. La naturalisation devient quant à elle une « exception », l’intégration étant désormais un préalable à l’accèsà la nationalité et non plus l’inverse.
A certains égards, « le gouvernement appuie ce qu’il avait convenu précédemment », fait remarquer le Cire. Ainsi, il marque à nouveau sonopposition à la détention d’enfants en centre fermé. On note également l’application de la liste des pays sûrs ainsi que de la directive retour. En amont, descampagnes viseront à contrer « l’appel d’air » et à effacer l’image d’une Belgique pays de cocagne.
Ces mesures restrictives sont déplorées par les acteurs de terrain. « De manière générale, on se demande quelle est la vision à longterme », s’interroge le Cire. Le Consortium appelle le gouvernement à ne pas « se laisser tenter par des mesures qui réduisent le droit d’accueil. » Ildemande aux décideurs politiques de « trouver des solutions qui garantissent structurellement un accueil conforme aux droits fondamentaux et à la dignitéhumaine. » Décidé à faire en sorte que le gouvernement respecte ses obligations légales, le secteur se dit prêt à « intenter des recoursen justice afin que soient aussi respectées la Convention des droits de l’homme et de l’enfant ainsi que la Convention de Genève », ponctue Malou Gay.
1. Cire :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Ixelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.be
– site : www.cire.be
2. SOS Accueil :
– adresse : chée d’Anvers, 34 à 1000 Bruxelles
– courriel : f.carion@cire.be
– site : www.sosaccueil.be
3. CPAS de Namur :
– adresse : rue de Dave, 165 à 5100 Namur
– tél. : 081 337 011
– courriel : info@cpa
snamur.be
– site : www.cpasnamur.be
4. CSC Fedasil :
– adresse : av. de l’Héliport, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 208 24 68
– courriel : jean-christophe.vancoppenolle@acv-csc.be