Ce 30 janvier 2008, Christian Dupont (PS), ministre en charge de l’accueil des demandeurs d’asile1, a présenté en commission des Affaires sociales duSénat ses priorités pour le gouvernement intérimaire. Il a notamment fait part d’une série de mesures pour faire face au taux d’occupation préoccupantdans les structures d’accueil.
L’année 2007 a été marquée d’une part, par la mise en place de la nouvelle procédure d’asile et de la protection subsidiaire et d’autrepart, par la loi sur l’accueil des demandeurs d’asile et d’autres catégories d’étrangers.
Depuis le 1er juin 2007, chaque demandeur d’asile bénéficie d’une aide matérielle, tout au long de l’examen de sa demande. La nouvelle loiintroduit le modèle d’accueil en deux phases. Cette disposition permet aux demandeurs d’asile qui ont séjourné quatre mois dans une structure collective de demanderà être transférés, dans la mesure des places disponibles, dans une structure individuelle, ce qu’on appelle une Initiative locale d’accueil (ILA) organisée parun CPAS ou une ONG.
Ce nouveau modèle d’accueil se met en place très, très progressivement. Comme le stipule la loi, le ministre de l’Intégration sociale, Christian Dupont, quiest aussi en charge de l’accueil des demandeurs d’asile, présentera une évaluation de ce dispositif en juin 2008. Une évaluation qui, sur certains aspects, enparticulier la question de la durée de la procédure et de la fin de l’aide, sera établie en concertation avec le ministre de l’Intérieur.
Les centres d’accueil saturés
Mais aujourd’hui, le ministre de l’Intégration sociale doit faire face à un problème de taille : le taux d’occupation dans les structures collectives (les centresd’accueil fédéraux et la Croix-Rouge) est extrêmement élevé, soit 96% fin décembre 2007, même si paradoxalement le nombre de demandesd’asile est en baisse. Le ministre a expliqué les causes de cette situation en Commission des Affaires sociales du Sénat le 30 janvier dernier : « La priorité pourl’accès à un logement individuel a été donnée d’une part, aux personnes qui se trouvent dans des centres d’accueil depuis plus d’un an, cecipar souci d’équité et, d’autre part, aux familles avec enfants qui suivent la nouvelle procédure. La durée du séjour des personnes seules est quantà elle plus longue, dans la mesure où la configuration des places disponibles dans les ILA ne permet pas, aujourd’hui, de leur faire une offre.” Des mesures sont prises dansles CPAS et les ONG pour convertir des places pour familles en places pour personnes isolées, mais elles ne produiront leurs effets qu’à moyen terme. Le modèled’accueil en étapes est, par conséquent, difficile à appliquer pour le moment.
Conséquence directe : plus de cinq cents hommes sont aujourd’hui inscrits sur une liste en attente d’une place en structure individuelle. Et, il arrive que de nouveauxdemandeurs d’asile fraichement débarqués en Belgique soient directement dirigés vers un logement individuel, sans d’abord résider quatre mois dans un centred’accueil.
Autre problème : la nouvelle loi sur l’accueil n’a encore actuellement qu’un impact limité sur le nombre de demandeurs d’asile bénéficiantd’une aide financière délivrée par les CPAS. Ceux-ci ne sont plus sollicités pour des personnes arrivées depuis le 1er juin 2007 mais restentcompétents pour les demandeurs d’asile qui, avant cette date, étaient en attente d’une décision de fond, notamment à la Commission permanente de recours. Or,cet arriéré transféré au Conseil du contentieux ne fait pas l’objet d’un traitement prioritaire, et les personnes qui y sont liées demeurent en attented’une décision.
Les solutions avancées
Face à l’engorgement dans les centres d’accueil, le ministre Dupont a annoncé une série de mesures :
• Renforcer le contrôle des ayants droit dans les structures d’accueil. “Une circulaire a été arrêtée le 5 novembre 2007, indiquantprécisément les hypothèses et les délais qui donnent lieu à la fin de l’aide et au départ des résidents, précise Christian Dupont.J’ai demandé à l’administration de vérifier strictement le respect de cette circulaire. »
• Améliorer la sortie des structures d’accueil. “Il sera rappelé au personnel de celles-ci qu’ils doivent coacher de manière intensive lerésident reconnu ou régularisé pour qu’il soit en mesure de quitter la structure d’accueil le plus rapidement possible, et dans un délai maximal de 45 jours.Par ailleurs, j’ai demandé à Fedasil de prendre les initiatives nécessaires à la conclusion de conventions avec des organismes spécialisés dansl’accompagnement des personnes à la recherche de logement.”
• Le cas échéant, deux pistes devront être envisagées : l’élargissement de la capacité d’accueil via les CPAS ou, pendant une duréelimitée, la désignation, via le plan de répartition, d’un CPAS responsable pour l’aide financière des demandeurs d’asile dont le séjour dans uncentre ouvert dépasse une certaine durée.
Pour les autres catégories de résidents, notamment les personnes en attente d’une décision au Conseil d’État depuis plusieurs années, “legouvernement de cette législature clarifiera les options qui leur sont offertes : soit ils entrent dans une mesure de régularisation, soit il faudra trouver un moyen pour que lesprocédures pendantes au Conseil d’État aboutissent dans un délai raisonnable. Ce qui n’est pas le cas actuellement.”
Reste que plusieurs arrêtés d’application de la loi sur l’accueil doivent encore être adoptés; “ils le seront avant la fin mars”, a assuréle ministre. Ils porteront notamment sur les sanctions et les plaintes dans les centres ouverts.
Fedasil entend quant à elle, prendre également des initiatives d’amélioration des conditions d’accueil dans les centres :
• l’élargissement de l’accès à l’information et à l’aide juridique,
• le développement de projets adaptés pour les personnes atteintes de troubles psychologiques ou de pathologies lourdes,
• la poursuite du programme de renforcement de la sécurité et d’élévation des normes qualitatives par des investissements dans les infrastructures.
Patience et longueur de temps…
Au cours de son intervention au Sénat, le ministre a également prése
nté ses priorités en matière d’accueil des mineurs étrangers nonaccompagnés (Mena) : “J’entends pérenniser les expériences pilotes conduites par des asbl comme ‘Le Foyer’ ou ‘Synergie 14’, qui offrent unappui concret aux centres pour mineurs. L’une met des médiateurs à disposition pour retrouver les familles de jeunes Roms en déshérence et l’autre permetà des jeunes qui éprouvent des difficultés à s’adapter à un mode de vie très structuré de prendre un peu de distance et de reconsidérerleur projet.”
La programmation pluriannuelle du Fonds européen des réfugiés sera quant à elle déposée à la Commission européenne début mars. Ellepermettra notamment de développer des plans de formation qui, “à l’horizon 2009, assureront à chaque demandeur d’asile un bilan de compétence et uneformation, lui permettant une fois la procédure clôturée de mieux s’intégrer au marché de l’emploi, s’il est reconnu, ou de faciliterl’élaboration d’un projet de retour, s’il est débouté”.
En ce qui concerne le retour volontaire, les initiatives prises au cours de la législature précédente seront intensifiées, après une évaluation desactions conduites au terme de deux ans de fonctionnement de la cellule spécifique créée à Fedasil.
Celle-ci a mis en place, dans les centres d’accueil, un réseau de personnes de contact spécialisées, a développé des formations au sein du réseau eta organisé des campagnes de sensibilisation auprès des travailleurs sociaux.
Un fonds pour la réintégration a été créé pour rendre le retour plus attractif. Toutefois, force est de constater que ces efforts ne se traduisent pasdans les chiffres. Ceci, selon l’Organisation internationale pour les migrations, essentiellement en raison du fait que la question de la régularisation demeure en suspens. Christian Dupont seveut à ce sujet rassurant : “Le prochain accord de gouvernement devrait préciser les conditions dans lesquelles un débouté ou un illégal peut obtenir un titrede séjour. J’espère que cela permettra de définir plus rigoureusement les publics susceptibles d’adhérer à un projet de retour volontaire.”
Enfin, le ministre Dupont a invité son collègue de l’Emploi à agir conjointement en matière d’accès à l’emploi pour les demandeursd’asile. D’une part, en adaptant la réglementation sur la main-d’œuvre étrangère pour octroyer un permis de travail aux demandeurs d’asileaprès six mois de séjour et, d’autre part, en créant, dans la loi sur l’accueil, un mécanisme de remboursement partiel de l’aide matérielle pourles demandeurs d’asile qui ont un emploi.
1. Cabinet Dupont :
– adresse : rue Ernest Blérot, 1 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 238 28 11.
2. Fedasil :
– adresse : rue des Chartreux, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 213 44 11
– courriel : info@fedasil.be
– site : www.fedasil.be