Le traité international de lutte contre la contrefaçon ACTA fait de plus en plus parler de lui ces derniers jours. Les élus belges, et en particulier les eurodéputés, commencent aussi à réagir.
Il faut dire que ce traité, négocié en toute discrétion et sans consultation citoyenne par 39 pays dont les 27 de l’Union européenne, arrive au bout de son parcours législatif en Europe. Il a été signé le 26 janvier à Tokyo par l’Union européenne et 22 de ses Etats membres, dont la Belgique. Il devrait être voté d’ici fin février au Parlement européen puis être ratifié au niveau national.
Selon de nombreux observateurs, ONG, groupes d’internautes, élus, etc., ce traité aurait des conséquences dramatiques sur la protection de la vie privée et la liberté d’expression. Il placerait notamment les fournisseurs d’accès à Internet en obligation de collecter et donner aux autorités des informations personnelles. Le flou de la notion de propriété intellectuelle telle que reprise dans le traité risque en outre de porter atteinte à des produits tels que les médicaments génériques, avec des conséquences économiques ou sanitaires désastreuses.
En Belgique, les réactions commencent à fuser. Relevons ainsi la position du Conseil de la jeunesse francophone, qui enjoint « vivement à refuser l’ACTA dans sa forme actuelle » et appelle à un vrai débat public. Le Conseil est en contact étroit avec plusieurs eurodéputés belges qui ont participé aux différentes commissions du Parlement européen chargé d’examiner l’ACTA. Ces eurodéputés – dont l’Ecolo Philippe Lamberts et la MR Frédérique Ries – se posent beaucoup de questions sur ce traité, explique Joachim Wacquez, du Conseil de la jeunesse.
Marc Tarabella, eurodéputé PS, s’est quant à lui fendu d’un communiqué soulignant qu’il n’est « pas partisan d’avaliser aveuglément un texte qui a esquivé toutes les procédures démocratiques, et qu’en plus nous ne pourrons modifier. A moins que le groupe de travail du Parlement nous permette d’estomper toutes les craintes sur les conséquences de ce traité pour le citoyen, il serait, selon moi, déraisonnable de l’accepter tel quel. » Mais Tarabella de poursuivre en faisant référence notamment aux Anonymous : « Pour ce qui est du piratage du système informatique du Parlement européen, ce n’est, selon moi, vraiment pas la manière la plus intelligente de nous laisser travailler sur ce dossier. Se faire prendre en otage que ce soit par d’obscurs groupes industriels ou par une poignée de hackers est simplement lamentable alors que nous travaillons pour le citoyen. »
Le sénateur cdH André du Bus a de son coté interpellé la semaine dernière Johan Vande Lanotte (sp.a), vice-premier ministre et ministre de l’Economie et des Consommateurs, au sujet de l’ACTA. Selon ce dernier, le traité a suivi le processus classique de rédaction, il a été rendu public le 21 avril 2010 et les parlementaires européens ont été régulièrement informés des grandes lignes de négociation.
Le ministre de l’Economie s’est voulu rassurant, garantissant qu’« aucune disposition de l’ACTA ne vise les médicaments génériques », que le traité « n’a pas pour vocation de limiter les libertés individuelles » et qu’il « n’oblige pas les parties à l’accord d’imposer aux fournisseurs de services Internet l’obligation de limiter l’accès des particuliers à Internet, via un mécanisme de riposte graduée comme cela existe dans certaines législations nationales ». On pense bien sûr ici à la loi Hadopi adoptée en France. S’il se veut rassurant, Johann Vande Lanotte n’en a pas moins demandé au SPF Economie de réaliser une étude d’incidence sur le traité ACTA.
Interpellé sur la position des élus – et spécifiquement des Belges – sur ce dossier, André du Bus indique qu’on est actuellement à se réapproprier le débat et à clarifier un texte qui prête aux interprétations multiples. « Nous ne sommes pas encore à nous positionner pour ou contre », explique André du Bus, soulignant notamment que les eurodéputés ne veulent pas rejeter ACTA d’emblée.
Par contre, sur la question de savoir pourquoi les élus réagissent si tard à la mise au point de ce traité qui, s’il a été négocié dans la discrétion, a tout de même fait parler de lui, nous n’avons pas de réponse.