Le « Plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs », est définitivement entré dans son rythme de croisière. Depuis son extension, le 1er juillet2006, aux 40-49 ans, c’est l’ensemble de la population ciblée qui est désormais contrôlée – même si, pour les 40-49 ans, la procédure n’en estqu’à ses débuts : très peu de deuxièmes entretiens et pas encore de troisièmes.
En matière de sanctions, les extrapolations qui avaient été faites dès le lancement du Plan sont grosso modo avérées. Les derniers chiffresdisponibles ont été présentés au Comité d’évaluation de l’Onem ce 19 juillet 2007. Ils confirment les premières tendances connues, mais àpartir d’un échantillon beaucoup plus large que précédemment. Depuis le lancement de la procédure, ce sont, au 1er juillet 2007, 458 400 demandeurs d’emploi quiont reçu une lettre les avertissant qu’ils allaient être convoqués pour un entretien d’évaluation à l’Onem.
De l’ensemble des chiffres fournis, on retiendra notamment le fait que le nombre d’exclusions à durée indéterminée prononcées dans le cadre du Plan devrait, pourla première fois cette année, excéder les exclusions antérieurement prononcées sur la base de l’article 80 – que le Plan abroge et auquel il a, entre autres,vocation à se substituer1. Mais c’est évidemment dans le courant 2008 que des chiffres véritablement significatifs pourront être retenus. C’est en effetseulement à ce moment là que l’ensemble des demandeurs d’emploi de la troisième tranche (les 40-49 ans) auront eu l’occasion de passer par l’intégralité duprocessus (les trois entretiens et, le cas échéant, les sanctions). En attendant, les rapports annuels de l’Onem indiquent déjà un quasi-doublement du nombre de semainesd’exclusion entre 2003 (174 818) et 2006 (343 327). Ces chiffres paraissent déjà suffisamment significatifs pour susciter une réaction de la part du CPAS de Liège (voirencadré), dont le président Claude Emonts est aussi le président de la fédération des CPAS au sein de l’Union des villes et communes wallonnes (UVCW).
Derrière la complexité des chiffres et la multiplicité des catégories statistiques, qui rendent le tableau peu lisible, c’est évidemment une évaluationplus qualitative du processus qui est attendue par les acteurs. Lors de la signature de l’accord de coopération qui avait institué le Plan, cette évaluation avaitété promise pour juillet 2007. Elle aurait pris place au sein de la Commission des Affaires sociales de la Chambre – et pourrait s’avérer utile pour éclairer lapolitique du futur gouvernement en la matière. On se souviendra en effet que la seconde note d’Yves Leterme prévoyait d’étendre le périmètre de la politiqued’activation jusqu’aux chômeurs de 58 ans (alors que la limite est aujourd’hui à 50 ans) et précisait : « Les bénéficiaires du revenu d’intégrationsociale doivent également entrer en ligne de compte pour l’activation. »
Des pratiques différentes entre organismes régionaux
Au-delà du Plan d’accompagnement et de suivi, les chiffres au 30 juin fournis par l’Onem pourraient également réactiver quelques tensions communautaires, notamment dans lecadre du débat sur la régionalisation des politiques d’emploi. En effet, sur les douze derniers mois (du 1/7/2206 au 30/6/2007), les sanctions prises par l’Onem sur la based’informations transmises par les organismes régionaux à l’encontre de demandeurs d’emploi non soumis à la procédure d’activation témoignent d’unetrès nette surreprésentation flamande : 5 559 en Flandre, contre « seulement » 1 483 en Wallonie et 537 à Bruxelles. Ces différences semblent teniressentiellement à des différences de pratiques en matière de radiation : ce sont en effet 4 590 sanctions qui ont été prononcées sur la base de radiationspar le VDAB, pour seulement 317 par le Forem et 530 par Actiris (ces chiffres, rappelons-le, concernent des demandeurs d’emploi hors Plan d’activation). Outre ces différences dans lespratiques de radiation, les organismes régionaux semblent ne pas tous transmettre les mêmes types d’informations à l’Onem. En effet, si tous les trois transmettent desinformations concernant les radiations, Actiris n’en transmet guère d’autres, le Forem et le VDAB transmettent eux, en plus, des informations concernant des refus d’offre d’emploi, et le VDAB,seul, des informations concernant des refus de formation, de propositions de trajet, d’absence à des séances d’informations collectives ou à des entretiens diagnostics.
On remarquera toutefois que l’argumentaire flamand en faveur d’une plus grande régionalisation pourrait tout aussi bien être pris à rebrousse-poil : là où lesprocédures sont harmonisées dans le cadre d’un dispositif fédéral (ce qui est le cas pour les demandeurs d’emploi soumis à la procédure d’activation ducomportement de recherche), les différences interrégionales semblent minimes ; en revanche, dans le cas des transmissions de données relatives aux demandeurs d’emploi non soumisà la procédure, les différences régionales resurgissent – et réveillent potentiellement le spectre d’un VDAB comparativement strict par rapport ausupposé laxisme du Forem et d’Actiris.
Les CPAS craignent l’effet de vases communicants
Mathématiquement, les effets collatéraux du Plan d’accompagnement des chômeurs se feront sentir sur les CPAS. « À partir du moment où leschômeurs sont privés de leurs allocations, on peut s’attendre à ce qu’ils se tournent vers leur CPAS pour trouver les moyens de subvenir à leurs besoins.Même si on suppose qu’une partie d’entre eux, disposant d’autres moyens de subsistance, notamment familiaux, n’ira pas demander de revenus d’insertion »,explique Vincent Libert, conseiller section CPAS de l’AVCB2. Sur un plan théorique donc, il y a forcément un glissement, mais dans quelle mesure ? À en croireClaude Emonts, Président du CPAS de Liège, la situation, qu’il dénonce dans une « Lettre ouverte aux Présidents de Partis », est devenue «intolérable ».
« Depuis l’application du Plan d’accompagnement et son extension graduelle à des nouvelles catégories de chômeurs, le nombre de personnes introduisant unedemande de revenu d’intégration sociale (RIS) au CPAS de Liège, suite à une sanction ou à une exclusion de l’Onem a, conséquence directe,significativement augmenté ». De fait, selon les chiffres donnés par Claude Emonts, les RIS octroyés par le CPAS de Liège, à des personnes se trouvant dans cecas de figure, sont passés de 5 en 2004, 37 en 2005, à 169 en 2006 et l’estimation provisoire pour
2007 est de 216 cas.
Cet effet de vases communicants n’est pas sans conséquences sur les finances du CPAS liégeois : « L’accroissement des demandes implique un travail social etadministratif supplémentaire, que l’aide soit refusée ou octroyée. (…) et les pouvoirs locaux doivent, selon le type de dossier, décaisser sur fonds propresde 35 à 50% des sommes allouées aux personnes concernées ». Même si l’on peut aisément imaginer que le problème est, à peu de choseprès, identique dans tous les CPAS, au niveau de la région bruxelloise, le discours est plus nuancé. Les premiers coups de sonde, effectués cet été dansquelques CPAS bruxellois représentatifs – comme celui de Bruxelles Ville, une commune qui frôle les 20% de chômeurs – n’ont pas permis d’établir quel’augmentation des demandes de RIS était significativement liée aux exclusions du chômage par Actiris (ex-Orbem).
« De manière générale, les demandes augmentent, d’années en années mais pour l’instant, nous ne pouvons pas encore déterminer quelle partde cette augmentation est imputable au Plan d’accompagnement des chômeurs. Nous devons, bien sûr rester vigilants et surveiller de près l’évolution des demandesintroduites dans les CPAS », ponctue Vincent Libert, promettant un nouveau coup de sonde plus en profondeur, avant la fin de l’année. « Pour l’instant, nous attendonssurtout les chiffres précis de l’Onem, commune par commune. Nous ne parvenons pas à les obtenir et ils sont pourtant indispensables pour évaluer précisémentl’impact de l’extension du Plan d’accompagnement et ses effets sur les finances des CPAS». À Liège, les chiffres du CPAS, à eux seuls, semblentdéjà assez éloquents pour tirer la sonnette d’alarme.
1. Cet article permettait d’exclure les cohabitants pour durée de chômage « anormalement longue » et touchait principalement les femmes. Son application aété progressivement suspendue, parallèlement à l’entrée en vigueur du Plan.
En 2003, l’année précédant l’entrée en vigueur du Plan, ce nombre d’exclusions s’était élevé à 8 359 ; un chiffre que dépasseravraisemblablement le nombre total d’exclusions dans le cadre du Plan.
2. Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale asbl :
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