Pour que la ville prenne le dessus sur la voiture, pour que les boulevards urbains redeviennent des espaces de vie et des lieux d’échange, deux urbanistes déposent sur la place publique une proposition de réaménagement de la Petite Ceinture. Formant avec des acteurs associatifs et académiques le collectif BYE BYE Petite Ceinture, ils invitent habitants, usagers, professionnels et politiques à participer au débat.
Ah, les joies de la Petite Ceinture bruxelloise, ses tunnels engorgés, ses boulevards saturés… Encerclant le centre-ville, la Petite Ceinture forme les limites du Pentagone, reliant différents quartiers, de la Porte de Hal à la place Sainctelette, d’Yser à Louise. Une autoroute urbaine rythmée par le grondement des moteurs. En tout, 50 hectares, soit l’équivalent de quatre fois le Parc Royal (1), dédiés à un trafic automobile générant nuisances pour la santé et l’environnement. Sans oublier la saga des tunnels défectueux, leur entretien, leur réparation, leur coût…
«Les nouveaux boulevards feront partie des différents quartiers, au lieu d’apparaître comme des corps étrangers tel que c’est le cas actuellement.», Rien van de Wall, urbaniste
Alors, plutôt que de poursuivre dans cette voie de garage, pourquoi ne pas transformer la Petite Ceinture en un véritable espace public ? Exit les tunnels et larges chaussées affectées exclusivement aux bagnoles. Place à des boulevards réinventés, rapprochant les quartiers et partageant l’espace entre les différents usages et usagers : piétons, cyclistes, transports en communs, voitures. Une zone urbaine multifonctionnelle et multimodale, privilégiant des lieux de vie plus conviviaux et sains, invitant aux contacts sociaux et économiques, tout en améliorant l’accessibilité dans et aux abords du centre-ville de Bruxelles. Tout cela dans un délai de 20 ans. C’est en substance la proposition élaborée par deux urbanistes bruxellois, Rien van de Wall et Wim Menten. «L’idée est de mettre en œuvre une vision intégrée en matière d’espace et de mobilité, explique Rien van de Wall, auteur d’une recherche sur laquelle se base cette proposition. Les nouveaux boulevards feront partie des différents quartiers, au lieu d’apparaître comme des corps étrangers tel que c’est le cas actuellement.»
La fin du tout à la voiture
Détaillée sur le site PetiteCeinture.be, cette proposition s’appuie sur la «redistribution» de l’espace en surface (contrairement au «recouvrement», qui consiste à enterrer les infrastructures routières). Il ne s’agit donc pas de récréer une autoroute urbaine sous terre, mais bien de diluer la circulation routière en surface, aux côtés d’autres modes de déplacement et espaces de vie.
«L’évaporation du trafic est un processus psychologique démontré.», Rien van de Wall, urbaniste
Cette idée en induit une autre, véritable fil rouge de la proposition portée par les deux urbanistes : réduire la capacité routière des boulevards. Et ce, sans pour autant augmenter les embouteillages, que du contraire. «Diminuer les aménagements dédiés aux voitures induit une adaptation de la part des usagers qui cherchent des alternatives, optent pour d’autres moyens de transport, modifient leurs horaires, poursuit Rien van de Wall. L’évaporation du trafic est un processus psychologique démontré. La grande majorité des experts en aménagement du territoire et en mobilité est d’ailleurs convaincue que c’est la direction à prendre. Par contre, ce processus doit se faire en se concertant avec les usagers et habitants, en étant à leur écoute. Il est également essentiel de leur montrer les alternatives possibles.»
Enjeux bien plus vastes
Autre message lancé : améliorer la mobilité dans le centre-ville ne passe pas par la voie unique du réaménagement des grands boulevards. Les deux urbanistes invitent à repenser en parallèle l’organisation des transports en commun, à s’interroger sur le péage urbain, ou encore sur la politique de stationnement. Ce qui induit la participation de différents acteurs. «Nous proposons une idée qui demande encore à être concrétisée. Ce travail doit être fait tant avec les usagers qu’avec les professionnels, sociétés, bureaux d’études, communes, administrations, associations, politiques… Nous avons déjà entamé certaines discussions.» Des acteurs du secteur associatif et académique (2) ont emboité le pas des deux urbanistes et le collectif BYE BYE Petite Ceinture a vu le jour. Certes, les détails de faisabilité sont encore sujets à discussion au cœur même du collectif. Mais ce qui séduit, c’est l’idée d’entamer une réflexion approfondie autour de la Petite Ceinture, jusqu’à ce jour intouchable.
Secouer les politiques
Afin de déposer la proposition sur la place publique et de lancer le débat, BYE BYE Petite Ceinture démarrera très prochainement un processus participatif, constitué de promenades et d’ateliers. Y est convié tout habitant, usager et professionnel. Le coup d’envoi est prévu ce vendredi au Kaaitheater, avec différentes interventions et une table ronde de politiques bruxellois. L’occasion d’un appel du pied aux politiques, à l’heure où la diminution du trafic automobile de 20% d’ici 2018 par rapport à 2001 – qui n’est autre que l’objectif global du Plan Iris 2 (3) – est loin d’être atteinte.
(1) Données issues du site PetiteCeinture.be, détaillant l’ensemble de la proposition
(2) BRAL, ARAU, Brussels Studies Institute, Brussels Academy, IRIB (Institut de recherches interdisciplinaires sur Bruxelles) et Architecture Workroom Brussels
(3) Plan stratégique en matière de mobilité en Région bruxelloise