La campagne est lancée. Les partis bouillonnent. Les ministres fédéraux et leurs administrations attendent. Dans cet entre-deux politique, d’importants chantiers sontgelés pour quelques mois, voire balancés aux oubliettes. Or à y regarder d’un peu plus près, la plus grande partie de ces chantiers… sont liés au social. Etcertains sont vraiment urgents. Petit tour de piste.
En tête, l’emploi. Les mesures anti-crise ont été prolongées de trois mois juste avant la dissolution des Chambres. Elles doivent surtout êtrecomplétées : réforme des mécanismes d’activation, réformes des plans d’embauche, etc. Et puis il y a des dossiers plus spécifiques, mais nombreux, quieux sont simplement laissés en plan : commission paritaire pour les asbl de transition professionnelle (Ilde et Idess), évolutions en matière de travail desétudiants, de statut des gardiennes encadrées, de congés thématiques (crédit-temps et autres), etc. En attendant, et pour encore au moins une bonne année, letaux de chômage dépasse des records historiques.
Deux grands accords
Juste derrière l’emploi vient l’accord interprofessionnel. Cette négociation bisannuelle entre partenaires sociaux et gouvernement définit différentes orientations etéquilibres en matière de réductions de cotisations sociales, de régulation des salaires, etc. On y parle donc compétitivité des entreprises, pouvoir d’achatdes travailleurs, financement de la Sécu. Le rôle du gouvernement y est déterminant, en particulier en temps de crise, vu que sur les salaires, on imagine assez bien que lespartenaires sociaux auront peu de choses à décider. C’est donc sur l’emploi que portera l’accord 2011-2012. Mais sans impulsion et sans soutien publics, peu d’avancées sontenvisageables.
Dans le même ordre d’idées, l’accord médico-mutualiste 2011-2012 doit être négocié à la rentrée. Impulsé par le gouvernementfédéral, il s’agit d’une des pierres angulaires de notre système de santé puisqu’on y définit les montants des honoraires médicaux et ceux des prises encharge par la Sécu. Or pour faire simple, sans accord, chaque prestataire de soins médicaux pratique les tarifs qu’il veut…
Entre vieux dossiers et vraies urgences
Des réformes ont aussi été préparées, parfois depuis le gouvernement Verhofstadt, en matière de bail, de justice, de sécurité, de pensions,de code de la route, de crédit à la consommation, de statut des familles d’accueil. À la poubelle ? Oui, mais pas tout. Deux exemples. Oui sans doute, du fait du changementdes rapports de force dans la majorité fédérale, pour le projet de tribunaux de la faille porté par le secrétaire d’État Melchior Wathelet (CDH). Mais non,pas nécessairement pour le Fesc, ce fonds de la sécurité sociale qui soutient l’accueil extrascolaire, dont la défédéralisation partielle a étébétonnée sous l’avant-dernière législature, mais suspendue à un accord institutionnel global, donc y compris sur BHV. Le Fesc attendra donc encore pour changer demode de fonctionnement.
Des urgences sont sur le tapis : crise de l’asile, accord de coopération sur l’accueil des Mena, alternatives aux stages parentaux, titres-services, avenir des agences locales pourl’emploi, etc. On laisse tomber ? On fait aveu temporaire d’impuissance ? Le cas de la régularisation des sans-papiers est préoccupant. Le processus lancé en 2009 a pris duretard, il bat donc toujours son plein et la chute du gouvernement ne devrait pas s’avérer une cause de retards supplémentaires. « Sauf peut-être pour les dossiers quin’auraient pas abouti quand le nouveau ministre prend ses fonctions, précise Coralie Hubleau qui suit le processus au Ciré. En effet, celui-ci pourrait modifier les instructions detraitement des dossiers sur la base desquelles travaille l’Office des étrangers. » D’où possible remise en cause du processus, par exemple si la nouvelle personne en chargeau gouvernement fédéral était un flamand.
Appel à projets Économie sociale 2010 : pas (encore) de retards en vue
Le 15 mars, la Cellule économie sociale de l’administration fédérale clôturait son appel à projets annuel, un levier important pour le secteur depuis plusieursannées. Les actions concernées pouvant commencer au 1er juillet 2010, les candidats à ces subventions sont impatients de savoir à quelle sauce leur dossier aété mangé.
« Nous avons annoncé que les porteurs de projets seraient prévenus pour le 15 juin, explique Bérengère Steppé à la Cellule. Jusqu’ici lesecrétaire d’État et la Cellule sont dans les temps. Les dossiers retenus sont tous soumis à l’inspection des finances dont nous attendons le retour et à laquelle nous nepouvons pas donner de date butoir. » Il faudra ensuite que le secrétaire d’État signe chacun des arrêtés d’octroi de subvention. Dès que c’est fait, laCellule reviendra vers toutes les organisations qui ont introduit un dossier, et les copies conformes des arrêtés seront préparées pour notification formelle aux porteursdes dossiers retenus.
Mohamed Lahlali, en charge de l’Économie sociale au cabinet du ministre Philippe Courard (PS), ajoute cependant une nuance : le gouvernement fédéral attend la circulairedu ministre du Budget comportant ses instructions sur la gestion en « affaires prudentes ». Autrement dit, il est vraisemblable que ces fameuses signatures nécessitent unnouveau passage des dossiers en gouvernement, pour un ultime contrôle. « Mais si cela arrive, aucun retard significatif n’est en principe à craindre. » Et leconseiller de conclure : « Nous sommes dans un autre timing qu’en 2009, où les décisions finales n’avaient été possibles qu’en novembre. Mais cette fois laprocédure a été avancée de trois mois et demi dans l’année. »
Et enfin, on ne doit pas sous-estimer la présidence de l’Union européenne, assumée par la Belgique au second semestre. Comment s’en sortir avec des ministres politiquementaffaiblis, qui n’ont pas encore annoncé de programme détaillé ? La réponse du politologue Christian Franck dans La Libre du 28 avril est claire :« Même si le gouvernement Leterme est en affaires courantes au 1er juillet, la présidence belge ne sera pas impotente mais son influence politique sur lespartenaires européens sera diminuée. » Autrement dit : pas grave pour l’Europe, dommage pour la Belgique.