La négociation de l’Accord général sur le commerce de Services (AGCS) doit normalement voir sa phase préparatoire achevée d’ici au mois d’avril. Lancé enfévrier 2000, au siège de l’OMC à Genève, le calendrier de cette négociation a été précisé lors de la conférenceministérielle de l’OMC tenue à Doha, en novembre 2001 : remise, pour la fin juin, par chaque État de la liste de ses demandes de libéralisation de services dans lesautres États ; définition par chaque État des services qu’il est disposé à libéraliser chez lui, au 30 mars 2003 ; et ensuite début desnégociations proprement dites. De nombreux syndicats, associations et ONG, mobilisés depuis plusieurs mois sur ce thème, ont relancé une série d’initiatives.
La Coordination nationale pour la paix et le développement, la CNAPD, a appelé à manifester le dimanche 9 février 2003 à Bruxelles. Elle exige que lesnégociations soient suspendues afin de « prendre le temps d’évaluer l’impact des libéralisations de services en cours et en projet » et veut de toutemanière exclure du champ de la concurrence internationale l’enseignement, la santé publique et « les secteurs d’utilité publique essentielle tels quel’eau, les communications, l’électricité, la mobilité de base et la sécurité ». La plate-forme de revendications réclame aussi notamment latransparence et le contrôle démocratique des négociations de l’AGCS.
L’entourloupe de l’OMC
Parmi ces associations, Oxfam Solidarité vient de développer une critique approfondie des « pièges de l’AGCS ». Raoul Marc Jennar, chercheur à OxfamSolidarité1, explique que l’OMC devient « l’organisation internationale la plus puissante du monde », notamment « parce qu’elle concentre lepouvoir de faire les règles, de les appliquer et de sanctionner les pays qui ne les respectent pas ». L’AGCS débouche, d’après son analyse, sur le règne sans partagedu droit de la concurrence face à toute législation nationale ou pacte international. Le chercheur accuse d’ailleurs nos gouvernements de tromper la population sur l’étendue del’accord en insistant sur le fait que sont exclus de l’accord « les services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental ». Ces derniers ne recouvrent en fait que les servicesqui ne sont pas fournis « sur une base commerciale » ou « en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services ». Or, R.-M. Jennar rappelle que « les servicesdans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’environnement sont aujourd’hui, dans presque tous les pays, en concurrence entre un secteur public et un secteurprivé » Si chaque État peut déposer une liste d’engagements spécifiques dans laquelle il précise « le degré accepté delibéralisation de certains services », cette possibilité a pour conséquence de mettre « fin au libre choix démocratique » puisque ces engagementsirréversibles (sauf compensations décidées par l’OMC) empêcheront de décider d’autres politiques dans le futur… L’éducation au niveau mondialreprésente un marché potentiel de 2 000 milliards de dollars.
La position belge
Sur le plan politique, en Belgique, les ministres de l’éducation de toutes les Communautés et le gouvernement belge, fin juin, se sont opposés à lalibéralisation de l’enseignement. En décembre, le Parlement fédéral a adopté une résolution demandant pour l’essentiel au gouvernement « de le tenirrégulièrement au courant de l’avancement des négociations » et « de sortir de la liste des services qui pourraient être libéralisésnotamment l’eau, le logement, la santé en ce compris l’aide aux personnes, l’éducation, la formation professionnelle ou encore la culture et l’audiovisuel». Mais il n’a pas été possible de réunir une majorité pour exiger que l’Union européenne (qui négocie pour les Quinze) « rappelle avecforce que les services publics ne sont en aucun cas négociables », selon Karine Lalieux, PS, coauteure de la résolution. Par ailleurs au Parlement de la CFWB, ledéputé Phillipe Henry (Écolo) a interpellé, ce 21 janvier, le ministre-président Hervé Hasquin sur les retards pris dans la définition de la positioneuropéenne en vue de l’échéance du 30 mars. Ce dernier a parlé de revendications inquiétantes visant l’enseignement supérieur et l’audiovisuel, mais aprécisé que sept autres pays européens partageaient la position belge.
1. Oxfam Solidarité, rue du Vivier 90 à 1050 Bruxelles, site Web : http ://www.cnapd.be.
2. Contact : tél. : 0478 913 812, e-mail : raoul.jennar@oxfamsol.be.