Au 31 mars, l’ensemble des pays qui négocient dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) doivent avoir remis les listes qu’ils acceptent delibéraliser sur leurs territoires. Pour les 15 pays de l’Union européenne, c’est la Commission qui est à la manœuvre sur ce plan et plus précisément leCommissaire en charge du commerce, Pascal Lamy. Celui-ci a annoncé le 4 février qu’il avait proposé une première liste de services. Mais le débat sur l’AGCS achoppesur de nombreux problèmes. Cette controverse a été alimentée chez nous par la mobilisation des syndicats, partis, ONG et associations contre l’AGCS et par l’octroi d’undoctorat honoris causa à Pascal Lamy par l’UCL le 3 février. À l’occasion de la remise de ce doctorat, les représentants étudiants de cette université ont eneffet lancé une pétition contre la venue du commissaire européen dans leurs murs. Passage en revue des points de désaccord que ces événements ontcontribué à mettre en évidence.
Quels services ?
Pascal Lamy a précisé que l’Union européenne ne prendra « aucun engagement en ce qui concerne la santé, l’éducation et l’audiovisuel ». Mais il n’apas exposé publiquement le contenu de la liste de services. On commence à savoir malgré tout qu’elle intègre le tourisme, les services bancaires, l’informatique, lestransports…
Quelle transparence ?
Se pose donc la question de savoir si les opinions publiques auront connaissance du contenu exact de cette proposition de Lamy. Selon ces organisations syndicales ou autres, la Commission nevoudrait pas publier la liste des services qu’elle envisage de libéraliser en Europe. Pour Lamy, « c’est inexact. Chacun des membres de l’OMC exprime, auprès de chacun des autresmembres, des requêtes. Ces requêtes, j’en ai rendu publique la substance, mais pas les détails. Parce que je ne suis pas sûr que les gouvernements étrangers soientravis que nous les rendions publics sans leur accord. Mais les ministres et un certain nombre de parlementaires européens ont accès aux détails. Un processus de consultation aété ouvert très largement au public sur notre site Internet, il sera poursuivi avec le Conseil des ministres et le Parlement européen ; et les offres que nous feronsà l’OMC seront rendues publiques lorsque les diverses consultations internes de l’Union seront terminées, à la fin du mois de mars » (in Le Soir du 1er février).
Quel processus de décision ?
Cette proposition de la Commission doit donc encore être discutée avec les États membres. Mais toute la question est de savoir comment et avec qui ? Les différents payseuropéens devront approuver cette liste dans le comité ad hoc européen. Mais ni les parlements nationaux, ni le Parlement européen ne seront cependantintégrés dans la phase décisive de définition de la liste de services.
Quel calendrier ?
En effet, rendre la liste publique à la fin du mois de mars ne permettra pas à ces assemblées, ni aux gouvernements fédérés de pays compliquéscomme la Belgique et encore moins a fortiori aux syndicats et associations, de réagir en temps utile.
Quelles garanties ?
La ministre Dupuis a refusé d’assister à la séance de remise des doctorats de l’UCL afin de « rappeler son refus d’engager l’enseignement dans la voied’une quelconque marchandisation, comme le voudraient certains pays ». Pascal Lamy s’est, en retour, étonné qu’elle « refuse tout débat » et « quedepuis trois ans », elle n’ait « jamais manifesté le moindre souci ou posé la moindre question à ce propos ». Lundi 10 février, le ministre Nollet aorganisé une réunion d’information sur le document confidentiel de la Commission, avec les syndicats, les associations de parents et les pouvoirs organisateurs de l’enseignement.Mais quelles que soient les oppositions et réactions, beaucoup pensent que le mécanisme de négociation de l’AGCS ne permet pas de toute façon d’introduire dans sonschéma d’autres logiques que celle de la libéralisation (la défense de services publics par exemple). On ne sait toujours pas si le marchandage avec les pays exigeant lalibéralisation de l’école n’amènera pas les négociateurs à céder sur certains points, puisque l’Europe est demandeuse d’autres libéralisations ; despoints à la périphérie actuelle de l’enseignement (comme l’e-learning et la formation à distance), mais qui pourraient y prendre une place décisive dans lesannées qui viennent. D’autant plus que le ministre Nollet souligne que tout engagement pris dans le cadre de l’AGCS est irréversible : « La Nouvelle-Zélande a tentéde revenir sur sa proposition de libéralisation de certains secteurs de l’enseignement mais cela s’avère impossible »…