Autres secteurs économiques confondus, les femmes gagnent en moyenne 17,4 % de moins que les hommes dans l’Union européenne. Limpide, le principe « À travailégal, salaire égal » est au cœur d’une campagne européenne lancée à l’occasion de la Journée internationale de la femme ce 8 mars. Objectif? Sensibiliser les esprits aux différences de rémunération entre les sexes, à leurs causes et aux moyens d’y remédier.
La Commission européenne a lancé ce 3 mars une vaste campagne visant à soutenir la lutte contre la discrimination salariale entre hommes et femmes, lesquelles gagnent enmoyenne 17,4 %1 en moins en Europe.
« Il faut, pour s’y attaquer, une action à tous les niveaux et un engagement de tous les intéressés, des employeurs et syndicats aux autorités nationales, enpassant par chaque citoyen », a martelé ce 3 mars le commissaire européen en charge de l’Égalité des chances, Vladimir Spidla.
Cette initiative prendra la forme d’une campagne sur internet, d’affiches et d’encarts publicitaires publiés dans la presse européenne. Un kit d’information sera en outredistribué aux employeurs et syndicats à l’échelon européen et national.
Cette nouvelle campagne européenne intervient alors que l’Europe traverse une profonde crise économique, période peu favorable aux augmentations salariales. La Commissioneuropéenne estime toutefois que celle-ci ne peut servir d’excuse pour refuser d’éliminer ce fossé salarial.
Arguments utilitaristes
« Le fait d’être une femme ne peut servir de variable d’ajustement à la crise », a insisté Vladimir Spidla, jugeant que les employeurs européens auraienttout intérêt à ménager leurs travailleuses. « Selon une récente étude française, les sociétés financières qui avaient desfemmes dans leur conseil d’administration ont mieux résisté à la crise », fait notamment valoir Vladimir Spidla. « Une étude finlandaise menéeauprès de 15 000 PME dirigées par des femmes a par ailleurs montré que celles-ci avaient une efficacité supérieure de 10 % à celles des hommes. Les femmessont donc un atout, et les entrepreneurs doivent utiliser tout le potentiel à leur disposition », a-t-il encore ajouté.
Un bilan loin d’être positif
Selon la Commission européenne, l’écart de rémunération entre hommes et femmes en Europe n’a pas connu d’évolution ces dernières années. Danscertains pays, celui-ci s’est même aggravé. D’après les statistiques publiées le 3 mars par l’exécutif européen, la Belgique fait plutôt figure de bonélève, la différence de salaires n’atteignant chez nous « que » 9,1 % en 2007. La veille, la FGTB chiffrait, elle, cet écart à 24 % et la CSC, à21 %. Une disparité qui s’explique par le fait que l’écart salarial augmente de façon exponentielle lorsqu’on inclut l’effet du travail à temps partiel. Larépartition inégale des heures de travail entre les femmes et les hommes est un facteur très important dans les différences entre les salaires mensuels et annuels moyensdes femmes et des hommes.
Partout en Europe, outre l’effet du temps de travail, cette discrimination salariale est le fruit de plusieurs facteurs, dont une dévaluation du travail des femmes, lesstéréotypes et les traditions, ainsi qu’un équilibre plus difficile pour les femmes entre vie familiale et vie professionnelle.
« Ces disparités réduisent les revenus des femmes tout au long de leur vie et, partant, leur retraite, ce qui est une cause de pauvreté accrue chez les femmes. Chez lesplus de 65 ans, 21 % des femmes sont menacées par la pauvreté, contre 16 % des hommes », note encore l’exécutif européen.
Seule l’implication de tous les acteurs – employeurs, syndicats, gouvernements nationaux – permettra, selon la Commission, de mettre fin à ces discriminations.
Vladimir Spidla n’a d’ailleurs pas écarté une initiative au niveau européen, mais a conditionné celle-ci aux résultats attendus prochainement d’une étudemenée par la Commission sur la question.
Les hommes ont toujours les clés
Le rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes de 2009 – également présenté le 3 mars dernier par la Commission – confirme qu’endépit de certains progrès, des inégalités entre les sexes demeurent dans de nombreux domaines. Alors que le taux d’emploi des femmes a enregistré uneaugmentation constante au cours des dernières années (il est à l’heure actuelle de 58,3 % tandis que celui des hommes atteint 72,5 %), celles-ci travaillent encore plussouvent à temps partiel (le taux d’emploi féminin à temps partiel est égal à 31,2 %, son équivalent masculin à 7,7 %) et prédominent dansdes secteurs où l’emploi est moins bien rémunéré (plus de 40 % d’entre elles, soit deux fois plus que les hommes, travaillent dans les secteurs de lasanté, de l’éducation et de l’administration publique). Les femmes constituent pourtant 59 % de l’ensemble des nouveaux diplômés universitaires.
Entre-temps, un nouveau rapport d’experts préparé pour la Commission confirme que les femmes sont également largement sous-représentées aux postesclés de la vie économique et dans la vie politique européenne. Tous les gouverneurs des banques centrales des vingt-sept États membres de l’Union sont des hommes. Lasous-représentation des femmes aux postes les plus élevés est très marquée dans les grandes entreprises : les hommes représentent presque 90 % des membresdes conseils d’administration des entreprises les plus importantes (les « valeurs vedettes ») de chaque pays, un chiffre qui s’est à peine amélioré aucours des dernières années.
La proportion de femmes dans les parlements nationaux (chambres uniques/basses) a augmenté de moitié environ au cours de la dernière décennie, passant de 16 % en 1997à 24 % en 2008. La proportion au sein du Parlement européen est tout juste supérieure (31 % de femmes). En moyenne, les ministères nationaux comptent trois fois plusd’hommes que de femmes (25 % de femmes, 75 % d’hommes).
CSC, FGTB, même message mais pas de front commun !
Les syndicats belges ont décidé cette année de mettre le paquet, à chacun sa campagne et… à chacun sa journée de l’égalitésalariale : le 27 mars pour la FGTB, le 16 mars pour la CSC. Si les messages diffèrent légèrement, côté FGTB, on explique par exemple que sur une journée detravail « classique » de 8 heures (de 9h à 17h), les femmes travaillent gratuitement après 15h05, côté CSC, o
n explique qu’« Elle doit travaillerjusqu’en mars 2009 pour gagner autant que lui en 2008 ». Chaque syndicat a développé son site web, ses outils et son kit :http://www.fgtb.be/journeedelegalitesalariale pour la FGTB et http://www.ecartsalarialfemme.be pour la CSC. Même si les chargés de com’ ont durement phosphoré, le message reste lemême : les différences salariales, même si elles peuvent être expliquées, restent inacceptables et il est temps d’agir en la matière. Les constats sur lescauses sont également identiques : les femmes travaillent dans des secteurs généralement moins bien payés (secteur textile, travail domestique, soins de santé,enseignement, etc.) ; elles occupent et restent dans des fonctions d’exécution parce qu’elles ont plus de difficultés à obtenir une promotion ; elles sont souvent contraintes detravailler à temps partiel, notamment parce que les équipements collectifs sont insuffisants et pas toujours abordables ; et leur formation et expérience professionnelle sontplus réduites, les femmes ayant moins facilement accès aux formations d’entreprise et au recyclage.
Pour en savoir plus
• Site web de la campagne sur les écarts de rémunération :
http://ec.europa.eu/equalpay
• Rapport annuel sur l’égalité entre les femmes et les hommes pour 2009 :
http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=418&langId=fr
• Women in European Politics – time for action :
http://ec.europa.eu/employment_social/publications/booklets/equality/pdf/ke8109543_en.pdf
• Reportages vidéo sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et l’égalité des sexes dans la prise de décision :
http://www.tvlink.org
• L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique – Rapport 2008, téléchargeable sur
www.iefh.be/eva/index.php?fr_tools
1. L’écart de rémunération au niveau européen mesure la différence relative des rémunérations horaires brutes moyennes des femmes et deshommes pour l’ensemble de l’économie.