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Regard critique · Justice sociale

Agricall, pour aider les agriculteurs en difficulté

Les agriculteurs n’échappent à la crise. Agricall a pour but d’épauler ces professionnels dans leurs difficultés.

15-11-2011 Alter Échos n° 326

La crise économique se traduit pour bien des secteurs d’activité par une baisse des résultats, voire des difficultés financières. Les agriculteursn’échappent à cette situation, d’autant que le secteur traverse depuis plusieurs années une crise plus profonde liée à des facteurs multiples etconvergents. Agricall1 a pour but d’épauler ces professionnels dans leurs difficultés.

Ces dernières années, les problèmes sanitaires (crise de la vache folle, ESB, dioxine…), la chute des prix des produits agricoles (le lait hier, la viandeaujourd’hui), mais aussi la dérégulation de plus en plus en forte ont déstabilisé le secteur agricole. Dans le même temps, les investissements demandésaux agriculteurs en matière de sécurité alimentaire et sur le plan environnemental sont toujours plus élevés. Une situation qui fragilise même les plusgrosses exploitations. Ce constat, Agricall ne manque pas de le relever. En effet, cette association de terrain qui propose une aide sociale globale aux agriculteurs se dit de plus en plussollicitée. Alors qu’au départ elle aidait surtout des fermes de petite taille et des agriculteurs de plus de 50 ans, aujourd’hui elle assiste des exploitants de plus enplus jeunes (un cinquième des audits pratiqués concernent des jeunes entre 30 et 40 ans), disposant de fermes d’envergure qui présentent malheureusement des niveaux derentabilité dans le rouge.

Comme le soulève Muriel Bossut, coordinatrice d’Agricall, « le nombre d’exploitations agricoles présentant un endettement problématique ne faitqu’augmenter, avec des montants de dettes beaucoup plus élevés qu’avant, notamment en raison des investissements colossaux imposés pour la mise aux normes desinstallations. Dans certains dossiers, l’endettement dépasse le million et demi d’euros alors qu’auparavant celui-ci se situait plutôt autour des 50 000 euros. Laréaction des banques a également changé : les prêteurs se montrent plus frileux, demandant des garanties toujours plus importantes. Par ailleurs, le monde agricoleconstitue un public particulier qui, souvent, va chercher par tous les moyens – et parfois pas les bons (en décapitalisant, par exemple, c’est-à-dire en vendant du bétailou du matériel agricole) – à se sortir du pétrin. Les agriculteurs n’ont pas l’habitude de demander de l’aide et sont prêts à tout poursauver l’exploitation qui est dans la famille souvent depuis plusieurs générations. Cela dit, Agricall est de plus en plus connue et on fait donc confiance à la structure.»

Une aide globale et mutidimensionnelle

La porte d’entrée d’Agricall pour les agriculteurs en difficulté : sa permanence téléphonique avec un numéro vert (le 0800 85 018),auprès de laquelle arrivent les appels des agriculteurs (près de 900 appels pour les six derniers mois). Nouveaux dossiers, besoin d’information ou besoin de se confier : lestrois permanentes se relayent du lundi au vendredi, de 12 à 21 heures, pour écouter les demandes des agricultrices et agriculteurs, qui sont ensuite consignées dans un dossier ettransmises à l’équipe.

Un suivi des personnes (298 sur les six derniers mois) peut être mis en place, que ce soit sur le plan social, administratif, psychologique… Si l’agriculteur le sollicite, deuxmembres de l’équipe sont envoyés sur place pour analyser de plus près la situation. Selon Antoine Van Schaftingen, chargé d’intervention, « ontrouve régulièrement des situations très difficiles, avec des conditions de vie extrêmement précaires, un logement insalubre, une absence de couverture sociale,parfois aussi une insuffisance de nourriture tant pour la famille que pour l’élevage… Le fait qu’il y ait une confusion totale de patrimoines, que tous les revenus (dela ferme et extérieurs) soient investis pour essayer de maintenir l’exploitation, mais aussi la complexité des situations juridiques, avec des parents, des enfantsimpliqués dans la ferme rendent les difficultés encore plus aiguës. D’où la nécessité d’une analyse juridique parfois très pointue.» En cas d’audit, il faut donc patiemment démêler l’écheveau : établir un bilan de trésorerie avec l’ensemble des rentrées et dessorties, faire la balance des revenus, analyser l’ensemble des arriérés, des garanties et des cautions, effectuer une balance de réalisation et peser le pour et le contred’une vente totale ou partielle, envisager des pistes techniques pour rentabiliser l’activité, la diversifier ou la réorienter.

Sauver ce qui peut l’être

En fonction des desiderata de l’agriculteur, celui-ci peut être orienté vers un médiateur de dettes ou la procédure judiciaire de règlement collectif dedettes (RCD), qui permet de traiter les cas lourds d’endettement. Marie Van de Putte, juriste chez Agricall, est amenée à envisager cette procédure avec les agriculteursqui consultent l’association. « Le RCD tel qu’il est conçu ne cadre pas toujours bien avec la situation des agriculteurs, explique-t-elle. Il faudrait une périoded’observation pour analyser à fond le potentiel de l’exploitation et chercher des pistes durables. Les banques ont tendance à préférer la mise en vente del’exploitation pour récupérer leurs fonds plus rapidement et donc se déclarent généralement contre les plans amiables. Les médiateurs de dettes et lesjuges ne sont pas toujours très au courant des spécificités économiques et techniques liées à la gestion d’une exploitationagricole. » Et Agricall de souligner qu’une procédure spécifique pour les agriculteurs devrait être envisagée pour ces dossiers complexes. Il faudraitréfléchir à une nouvelle loi qui prévoirait un traitement spécifique à la prise en charge du surendettement des agriculteurs, comme c’est le cas enFrance qui a créé un tel régime juridique et qui obtient de très bons résultats.
Le but d’Agricall est en tout cas d’aider l’agriculteur à prendre une décision éclairée, dans l’intérêt de ce dernier.

Des formations sur mesure

A côté de l’aide individuelle offerte par Agricall, il faut signaler l’accompagnement collectif, qui passe par le développement d’outils utiles pour letravail au quotidien, mais aussi par des sensibilisations et des formations sur la gestion et la planification du travail agricole, la gestion des conflits, du stress… Agricall dispenseégalement des formations dans le cadre des cours B donnant accès à la profession d’agriculteur qui prépare à la reprise d’une exploitation agricole.L’asbl participe aussi à un projet
mis en œuvre à une échelle transfrontière avec le Groupe de recherche et d’études concertées surl’agriculture et les territoires (Lille), l’ULg et le réseau français Arcade (Nord-Pas-de-Calais). Les réflexions au sein de ce groupe de travail ontdébouché sur la mise sur pied d’une formation intitulée « Agrifutur » pour l’aide à la diversification des activités en zonerurale et qui a pour but de permettre à des agriculteurs en difficulté d’étudier de nouvelles perspectives pour la valorisation de leur outil de travail2.

La mise en réseau des acteurs de terrain (juristes, techniciens agricoles, organisations syndicales, CPAS, administrations, etc.) est également une des préoccupationsd’Agricall qui se veut clairement aux côtés des agricultrices et des agriculteurs. Enfin, l’association joue également le rôle d’observatoire, àdestination des décideurs politiques.

Lire aussi : Alter Echos N°254 – 20.06.2008
« La pauvreté n’épargne pas lesagriculteurs« 

1. Agricall :
– adresse : rue Godefroid, 20 bte 2 à 5000 Namur
– site : www.agricall.be
– tél. : 081 22 48 66; n° vert pour les agriculteurs : 0800 85 018 (de 12 à 21 heures)
Deux permanences sociales locales ont récemment été mises sur pied dans le Hainaut (Ath) et le Luxembourg (Marloie)

2. Site : www.agricall.be/cms/projets.php.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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