Depuis le 1er mars, une importante réforme de l’aide à la jeunesse est entrée en vigueur en Communauté flamande sous forme d’un décret intitulé Integrale Jeugdhulp. Un service central sera instauré pour distribuer les places d’accueil.
Le principal changement induit par la réforme du ministre Jo Vandeurzen (CD&V) réside dans la création d’un portail unique. Dorénavant, les juges de la jeunesse et les assistants sociaux ne devront plus faire le tour de toutes les institutions du pays pour trouver une place d’accueil pour un jeune en difficulté : ils s’adresseront à un service central, joignable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. La Flandre-Orientale a servi de province pilote depuis septembre dernier. Il ne s’agit toutefois pas d’un service public accessible à tous : les jeunes et les familles n’y ont pas directement accès. Ce sont uniquement les assistants sociaux et les juges qui peuvent introduire une demande pour le compte d’un jeune via un formulaire électronique. À partir des éléments du dossier, le jeune sera aiguillé soit vers une place dans un centre, soit vers une autre forme d’aide. Le système s’inspire de ce qui a déjà été instauré en matière de handicap.
Les origines de cette réforme remontent à loin. Une motion baptisée Integrale Jeugdhulp et adressée au gouvernement flamand avait déjà été votée par le Parlement flamand en 1998 ! Le constat de départ était un trop grand émiettement des compétences en matière d’aide à la jeunesse. Au cours des dix dernières années, des efforts ont déjà été accomplis pour supprimer des cloisons entre les différentes filières et créer des places supplémentaires. Exemple de possibilités ouvertes par le nouveau décret : un enfant de sept ans qui séjourne la semaine dans un internat d’enseignement spécial pourra plus facilement passer le week-end dans le centre d’accueil où séjourne son frère.
Surcharge en vue pour la première ligne ?
Les comités d’aide spéciale à la jeunesse (comités voor bijzondere Jeugdzorg), qui fournissent une assistance aux familles en difficulté, vont cesser d’exister. Désormais, les jeunes et les familles s’adresseront uniquement à une série d’acteurs de première ligne : médecins, police, Kind en Gezin (pendant flamand de l’ONE), centres d’aide sociale générale (CAW), centres de guidance pour les élèves (CLB). Ceux-ci devront prendre en charge nettement plus longtemps le jeune avant qu’une solution, placement ou autre, ne soit trouvée. L’idée est d’intervenir plus tôt lorsqu’un problème se présente afin d’éviter toute escalade, mais un premier grief rencontré par la réforme est que la charge de travail et la pression risquent de fortement augmenter pour tous ces acteurs.
Par ailleurs, une série de juges de la jeunesse et d’assistants sociaux ont exprimé leur mécontentement dans une lettre ouverte au Parlement flamand. Ils craignent que l’on crée une sorte de goulot d’étranglement qui ne fasse qu’allonger les délais de prise en charge des jeunes, en particulier pour les cas les plus difficiles, comme on le constate avec les polyhandicapés dans le secteur concerné. Pour Jan Bots, directeur général du centre de guidance anversois Wingerdbloei, « on va créer un système très complexe qui part d’une logique administrative et non de la situation des jeunes. C’est en contradiction totale avec le décret Aide intégrale à la jeunesse. Toute cette bureaucratie va conduire à davantage de retards et provoquer un allongement des files d’attente ». Pour l’ensemble des mineurs en Flandre, hors situation d’extrême urgence, le délai moyen pour obtenir un placement hors de la famille est de 193 jours. Parfois, en situation d’urgence, le jeune doit passer quelques nuits dans une cellule de la brigade jeunesse de la police locale. Jan Bots craint que ce genre de cas ne fasse que se multiplier à l’avenir.
Des griefs, il y en a aussi du côté des juges de la jeunesse. « La philosophie actuelle du système, c’est d’éviter le plus possible un passage devant le tribunal de la jeunesse, ce qui est une très bonne chose. Le parquet ne nous défère les jeunes que quand toutes les mesures volontaires ont échoué. Mais ce qui est étrange avec le nouveau système, c’est que nous devrons d’abord expliquer nos décisions à l’administration », s’étonne Christian Denoyelle, juge de la jeunesse à Anvers. Et de craindre que, dans la situation d’engorgement actuelle, ce nouveau mode de fonctionnement ne constitue un frein supplémentaire.
« On va créer un système très complexe qui part d’une logique administrative et non de la situation des jeunes. » Jan Bots, centre de guidance anversois Wingerdbloei.
Revue de presse réalisée d’après De Morgen et De Standaard