Dans son rapport annuel sur son travail avec les sans-papiers et les demandeurs d’asile, l’organisation médicale et humanitaire Médecins sans frontières déplore lemanque criant d’accès aux soins de santé pour les sans-papiers en Belgique.
Malgré l’introduction il y a dix ans d’un arrêté royal définissant l’accès à la santé pour cette population, beaucoup en sont toujours exclusdans la pratique en raison de dysfonctionnements, d’obstacles administratifs, de choix arbitraires ou encore à cause de leur méfiance envers les institutions.
Depuis plus de 10 ans, MSF assure des consultations médicales à Bruxelles et à Anvers (et à Liège jusqu’en 2005)1 pour les populations qui nebénéficient pas de la sécurité sociale. À travers ce travail de terrain, MSF est le témoin privilégié des difficultés auxquelles fontface les sans-papiers en termes d’accès à la santé. En 2005, l’ONG a assuré plus de 8.000 consultations – dont 74 % pour des sans-papiers – en tentant de redirigerles patients vers les structures officielles auxquelles ils sont censés avoir accès. Trop souvent, cet accès reste pourtant théorique, dénonce MSF.
« La prise en charge médicale est un acte très concret, assure Stéphane Heymans, responsable des projets belges de MSF. Une personne malade doit avoir la possibilité devoir un médecin et de recevoir un traitement, quels que soient son statut de séjour et ses difficultés socio-économiques. Les complexités administratives et parfoisdes décisions arbitraires rendent cet acte simple pratiquement infaisable. Une partie de la population est de ce fait exclue des soins. »
L’Aide médicale urgente (AMU) peut être délivrée par n’importe quel médecin tandis que le suivi administratif et financier est du ressort du CPAS du lieu derésidence du bénéficiaire. « Malheureusement, des difficultés pratiques à plusieurs niveaux rendent ce service difficilement accessible aux sans-papiers », expliquel’organisation.
Des pratiques très différentes de CPAS à CPAS
« Certains CPAS ne se donnent pas les moyens d’offrir une assistance à cette population extrêmement fragile et précarisée. Cette inertie est d’autant plusdéplorable que d’autres CPAS ont mis en place des systèmes efficaces. Par exemple, MSF a pu fermer son projet à Liège suite à la création d’un « relaissanté » où la logique médicale prime la logique administrative. Dans d’autres communes, des assistants sociaux spécialisés dans la problématique dessans-papiers ont été recrutés, mais cela reste trop rare. »
La complexité et la diversité des procédures d’un CPAS à l’autre sont un fardeau pour les médecins sollicités pour l’AMU. Le poids des procéduresadministratives entraîne parfois des délais de prise en charge pouvant avoir de lourdes conséquences sur la santé du patient. Nous avions consacré un articleà ce problème dans l’Alter Echos n°181
Par exemple, pour les malades chroniques, comme les personnes souffrant de diabète ou d’hypertension, la lourdeur administrative peut mettre en péril la continuité dutraitement.
L’arrêté royal stipule que « l’Aide médicale urgente peut couvrir des soins de nature tant préventive que curative. » « Pourtant, objecte MSF, le terme « urgente »prête à confusion et laisse libre cours à une interprétation arbitraire de la part des médecins et des CPAS. Ce qui leur permet de refuser de prodiguer certainssoins, sous prétexte qu’ils ne sont pas considérés comme « urgents », comme par exemple le suivi d’une grossesse. »
« L’actualité de ces derniers mois et l’ampleur du mouvement des sans-papiers montrent de manière édifiante le sentiment de désespoir qui anime cette population.Un désespoir que nous rencontrons tous les jours dans nos consultations médicales. »
MSF demande doncque des initiatives soient prises immédiatement afin de résoudre de manière structurelle ce problème d’accès aux soins médicaux pour lapopulation des sans-papiers.
Complexité et difficulté administratives pour la prise en charge de patient
En principe, la personne en demande d’asile ou sans-papiers devrait pouvoir se rendre directement chez le médecin pour obtenir des soins. En pratique, cela semble difficilementfaisable.
Un médecin généraliste témoigne: « Je ne prends plus de nouveaux patients sans-papiers. Ce fut une décision difficile mais chaque dossier demandait tropd’énergie. Aux problèmes de langue et aux différences socioculturelles de ce public, vient s’ajouter la complexité des procédures du CPAS. »
En effet, si un patient sans prise en charge se présente chez un médecin, ce dernier ne sera pas remboursé (et ce alors que pour avoir une attestation d’Aide médicaleurgente, le patient doit d’abord aller chez le médecin).
De plus, malgré une amélioration constatée, le délai de remboursement des CPAS est bien trop long. En région bruxelloise, ce délai peut parfois allerjusqu’à six mois, ce qui rend le travail du médecin difficile et démotivant.
Ces lourdeurs administratives engendrent également des délais de prise en charge pouvant avoir des conséquences graves pour les patients. Elles impliquent aussi une surcharge detravail pour les CPAS.
Certains CPAS travaillent avec un réseau de médecins conventionnés. Ce genre de système fonctionne mieux puisque le remboursement est garanti et la connaissance dusystème par le médecin assurée.
Extrait du dossier de presse de MSF Belgique « Belgique: sans papiers et sans soins médicaux ? », téléchargeable ici.
1. MSF projets belges, Bruxelles : rue d’Artois, 46 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 513 25 79 – Anvers : JacobVan Maerlantstraat, 56 à 2060 Anvers – tél. : 03 231 36 41