Pour Alain Rosenoer, la politique du logement public wallon doit être traitée beaucoup plus prioritairement qu’elle ne l’est aujourd’hui. Avec le franc-parler qui lecaractérise, le Directeur général de la Société wallonne de logement (SWL) tire la sonnette d’alarme.
Alter Echos : Quel regard portez-vous sur l’état du logement public en Wallonie ?
Alain Rosenoer : Nous sommes à l’aube d’une grave crise du logement public ! La Région wallonne compte aujourd’hui à peine 7 % de logementspublics sur son territoire, alors que les pays voisins atteignent entre le double et le triple. En milieu rural, le déficit en logements publics est particulièrement criant. Or, il fautpouvoir assurer un toit à chaque citoyen. En dépit des moyens financiers limités de l’Etat et des Régions, nous nous devons dès lors d’êtrecréatifs pour répondre à la demande sociale grandissante. Même si, en dix ans, le secteur public du logement a réalisé de nombreuses avancées en termesd’efficience sociale et de transparence de gestion, il nous faut encore sensibiliser aujourd’hui les élus des communes rurales d’investir davantage dans le secteur dulogement public. Ceci constitue une plus-value pour leurs collectivités locales. A la veille des élections communales, relancer ce débat tombe à point nommé.
Créer du logement public en milieu rural n’a rien d’évident : ce type de logement est destiné à des locataires disposant de faibles revenus et pourlesquels il faut songer prioritairement aux problèmes de mobilité. Ces gens doivent pouvoir faire leurs courses, se rendre à la poste, etc. C’est pourquoi le logementpublic doit nécessairement s’ancrer dans une stratégie de développement territorial au niveau local. Pour le milieu rural, au-delà des schémas de structure,il existe des outils spécifiques : le Plan communal de développement rural et – mieux – des institutions spécialisées comme la Fondation rurale de Wallonie, quiréalise un travail exemplaire.
AE : C’est d’autant moins évident que la demande est de plus en plus grande…
Alain Rosenoer : La précarisation de plus en plus grande d’une partie de la population rurale demande en effet des soutiens sociaux importants. Le vieillissement de lapopulation et la décohabitation induisent des besoins supplémentaires en logements, qui plus est adaptés à ces conditions spécifiques. Il faut tenir compte desjeunes, des bas salaires, des isolés, qui ont des difficultés énormes à trouver des logements à loyer modéré.
AE : Quelles réponses apporte le politique face à ces difficultés ?
Alain Rosenoer : Pour remédier à cette situation, le gouvernement wallon préconise, dans sa déclaration de politique régionale 2009-2014, de tendre vers unobjectif de 20 % de logements aux loyers conventionnés. Le Code wallon du logement, entré en application le 1er juillet dernier, introduit le principe de sanctions financièrespour les communes qui ne respecteraient pas la règle de 10 % de logements publics. On constatera que même si cette mesure s’avère intelligente, nos voisins françaisambitionnent de faire passer de 20 à 25 % le nombre de logements publics par commune.
L’intervention des élus locaux est primordiale pour favoriser la présence et le développement de logements publics dans le monde rural. L’ouverture à uneproblématique sociale des collèges échevinaux est souvent l’orientation qui décide de l’implantation de logements publics. Celle-ci ne peut pass’écarter des soucis de développement durable et de qualité esthétique ; nous devons réaliser des logements à la fois innovants, basseénergie, mais surtout intégrés au milieu de vie des villages, tout en respectant une ligne de financement extrêmement stricte.
Le logement social de qualité apporte au monde rural une plus-value sociale, économique, environnementale et énergétique. Il s’agit maintenant de sensibiliserl’opinion publique, le monde politique et les professionnels de la construction à la problématique du logement public.