Fraîchement élu à la présidence de la Ligue des droits de l’Homme (LDH)1, Alexis Deswaef revient avec vigueur sur ces défis qui l’enthousiasment, ces injustices qui le révoltent, cette volonté qui l’anime.
Il parle calmement mais avec conviction, cherchant sans cesse du regard son interlocuteur comme pour mieux remporter son adhésion. La gestuelle accompagne le mot ; posée mais volontaire. Alexis Deswaef est un homme de défis et celui de défendre les droits fondamentaux est celui qu’il s’est fixé au mois de décembre dernier. « En tant que citoyens, nous interpellons le pouvoir politique. » Voilà comment il porte ce costume de bénévole qu’il endosse en plus de celui d’avocat.
Juriste de formation (licence obtenue à l’UCL), spécialisé dans les matières sociales qu’il exerce au Barreau de Bruxelles, il trône – aujourd’hui et pour les deux prochaines années – au sommet de la défense des droits collectifs. Avec entrain et persuasion. Et pourtant, il ne se destinait pas à une telle fonction. « Je n’avais pas pour ambition de devenir avocat », dit-il, avouant également n’avoir accepté ce nouveau rôle, chronophage s’il en est, qu’au terme d’une « mûre réflexion ». Pourquoi ? « Le sens de la justice est mon moteur. Je voulais utiliser le droit pour solutionner les problèmes auxquels sont confrontés les plus vulnérables. » La raison est noble, les mots loin d’être vains dans la bouche de ce droit-de-l’hommiste, en témoigne la charte pendue sur les murs de ce cabinet qu’il fonda en 2006, dont la promotion de l’accès à la justice est le fil rouge. « Nous ne manquons pas de lois, précise-t-il. C’est l’accès à l’appareil judiciaire qui fait défaut pour ceux qui se trouvent en bas de l’échelle sociale. » Mal-logés, sans-abri, sans-papiers, pauvres, étrangers, chômeurs. Ceux-là font partie des priorités de l’avocat qui se fait un point d’honneur, malgré ses 18 ans d’expérience, à consacrer un quart de ses dossiers à des cas pro deo, tout comme la dizaine d’associés du « Quartier des libertés » 1.
Des priorités, il semble en avoir beaucoup. Les montagnes de dossiers empilés sur son large bureau n’en sont que le reflet. Changer de casquettes, même si elles sont compatibles et se nourrissent l’une l’autre n’est pas toujours chose aisée. Alexis Deswaef ne s’encombre cependant pas de ce détail qu’est le temps.
« L’enjeu est ici et maintenant. Ne nous laissons pas endormir »
Il est volontaire et obstiné. « Tête de mule », disent de lui ses proches. C’est tête la première qu’il se jette dans la mare des défis posés par l’injustice. Si la Belgique est reconnue pour son respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les autorités pèchent encore « par manque de volonté politique structurelle et de vision à long terme », argue cet idéaliste. Et de citer le droit au logement décent, à la dignité ou encore le manque d’alternatives pour les personnes en grande dépendance. Il s’insurge, se dit révolté à la vue de ces familles sans-abri, de ces étrangers sans-papiers, de ces dégâts faits sur des personnes dont on ne respecte pas les droits. « La défense de nos droits fondamentaux n’est jamais acquise », plaide-t-il en substance. « C’est un combat quotidien… »
Alors, Alexis Deswaef informe et dénonce. La Belgique se doit « d’être exemplaire », dit-il. Il porte dès lors haut l’étendard de ses idéaux. Le premier de ceux-ci se résume à l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit »). « La LDH doit jouer ce rôle de contre-pouvoir. Nos idéaux sont atteignables pourvu que l’on utilise les outils légaux dont on dispose », espère celui qui veut simplement, dit-il, faire appliquer la loi.
« Jetez la grenouille dans l’eau bouillante, elle s’en échappera. Plongez-la dans de l’eau et portez à ébullition, elle se laissera brûler. » C’est par cette fable qu’Alexis Deswaef illustre l’appel à « ne pas s’endormir » face à des lois qui viseraient à restreindre, pas à pas et insidieusement, les libertés ; face aux atteintes progressives à nos droits fondamentaux. « La LDH a un rôle de vigilance », dont il compte d’ailleurs se faire le porte-parole.
« Je suis bilingue sans effort et sans mérite »
Européen, belge et bruxellois, Alexis Deswaef est homme des identités multiples : une enfance partagée entre Ostende et Bruges, des études à Louvain-la-Neuve et à Namur, il revendique son amour pour la capitale. Alors, il tire à boulet rouge sur les nationalismes et populismes montants. « Ils préfigurent le pire et sont synonymes de restriction des droits et des libertés. »
« Optimiste de nature », il s’avoue pessimiste quand il évoque « l’avalanche législative rabotant les droits en temps de crise » et inquiet quand il parle d’avenir. « Les défis sont immenses mais enthousiasmants, alors relevons nos manches ! », harangue-t-il, déterminé. La foi en l’humain prévaut. « Quelles que soient sa place et sa fonction, l’individu a une responsabilité collective à œuvrer pour un monde plus juste. » Et de balayer d’un revers de la main ceux qui prétendent que les droits de l’Homme sont l’apanage de l’Occident. « J’ai la conviction que ces lignes directrices sont universelles, elles sont les aspirations fondamentales de tous les êtres humains. Appeler au relativisme culturel n’est qu’une autre tentative de justifier les régimes totalitaires. Quel cynisme ! »
Alexis Deswaef veut marcher dans les pas de ceux qui ornent ses murs : Suu Kyi, Mandela, Gandhi, Luther King. « Rien d’original », dit-il. Qu’à cela ne tienne, tous ont « lutté pour leurs droits et ceux de leurs prochains ». A côté de ces grandes figures, Akiedj et son nouveau-né Dinka, sans-papiers ayant pris l’église Saint-Boniface de Bruxelles pour refuge. C’était en 2006. Ils sont les symboles de l’admiration que voue ce père d’une famille nombreuse à « ceux qui ont fui pour tenter d’offrir à leurs enfants une vie meilleure ». On comprend pourquoi les affiches taille réduite des films « Welcome » et « Illégal » trônent en bonne place sur sa cheminée.
1. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) :
– adresse : rue du Boulet, 22 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 209 62 80
– site : http://www.liguedh.be
– courriel : ldh@liguedh.be
2. Quartier des Libertés :
– adresse : rue du Congrès, 49 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 210 02 00
– site : http://www.quartierdeslibertes.be
– courriel : a.deswaef@quartierdeslibertes.be