«Dis-moi quelle quantité de viande tu manges, je te dirai qui tu es.» Ce titre de l’un des articles de notre dossier pourrait, en le modifiant un peu, s’appliquer à tous les «papiers» qui composent notre dossier consacré à l’alimentation. Car, plus que jamais, ce qu’on mange dit beaucoup de ce que nous sommes, que ce soit au niveau de nos convictions, de notre âge et, surtout, de notre appartenance socioéconomique. Dans notre article sur la viande, une chercheuse définit ainsi le profil de la personne cherchant à réduire ou à éliminer sa consommation carnée: «Une jeune femme urbaine, plutôt diplômée et athée, de gauche…».
Mais il n’y a pas que la viande qui peut constituer un marqueur social. Le pain, lui aussi, a son importance. Jusqu’en 2004, le prix maximum du pain blanc de ménage et du demi-gris était fixé par l’État. Depuis lors, alors que le système a été libéralisé, le prix du pain a augmenté de 10%. Une augmentation pas si énorme mais qui n’est pas passée inaperçue pour un aliment qui, s’il ne représente plus que 0,9% des dépenses d’une famille belge moyenne – alors que vers 1800, il en représentait 50 à 60% – reste un «fait social total», car le pain est un objet pétri d’histoire, de culture, de politique, de psychologie, d’économie, de folklore, de gastronomie… («Pour une bouchée de pain»)
À parler de fait social, notre plat pays en abrite un autre: le Lunch Garden. Temple de la restauration à bas prix via des «classiques» de l’alimentation de cantine (vol-au-vent, moules frites, steak haché…), le Lunch Garden est aussi et surtout un lieu de socialisation pour un public – souvent âgé – à petits moyens… Reportage à Jambes, qui abrite l’autoproclamé «meilleur lunch de Wallonie» («Le dernier plaisir communiste»).
Enfin, il y a la malbouffe touchant les plus jeunes, principalement via leurs boîtes à tartines. Ce qu’elles contiennent en dit en effet long sur les conditions de vie et la précarité des bambins et de leurs familles alors que, de l’autre côté de la balance, les recommandations en faveur de collations «saines» se multiplient («Cachez ces chips dans les boîtes à tartines»). Il faut dire que les conséquences de cette malbouffe peuvent être sérieuses: l’obésité infantile est devenue un problème réel auquel Clairs Vallons, un centre spécialisé qui accueille une quarantaine d’enfants par an, tente de répondre en misant sur un credo: déculpabiliser, comprendre la souffrance, rassurer («Obésité infantile: en finir avec la culpabilisation»). Car le risque est toujours là: comment promouvoir une meilleure alimentation sans stigmatiser?