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Regard critique · Justice sociale

Alliances emploi-environnement, c'est parti… Mais qui fait quoi?

Six groupes de travail s’activent en Wallonie alors que huit ateliers thématiques sont en chantier à Bruxelles.

19-06-2010 Alter Échos n° 297

Le volet construction des alliances emploi-environnement bat son plein. Alors que six groupes de travail ont été mis en place en juin du côté de la Régionwallonne, les ateliers thématiques touchent tout doucement à leur fin en Région de Bruxelles-Capitale. Petit tour du propriétaire et topo concernant certains enjeux.

Cela s’agite autour des alliances emploi-environnement, dont l’objectif global est de répondre aux défis du développement durable tout en créant des emploisorientés vers ces nouvelles thématiques vertes. Centrées sur le premier axe qu’est la construction durable (la rénovation étant incluse) dans les deuxRégions, les alliances se basent également sur un travail préalable de défrichage et de propositions mené par une série de groupes de travail et d’ateliersthématiques. Le tout selon un échéancier différent selon que l’on se trouve au sud du pays ou dans la capitale, les deux processus étant bien évidemmentdistincts.

Groupes de travail et ateliers thématiques

En Région wallonne, les six groupes de travail planchent sur les thématiques « Certification/Labellisation », « Développementéconomique du secteur », « Financement/Aide aux investissements », « Logements publics », « Cahier des charges » et« Formation verte ». Ils ont été lancés début juin.

En Région de Bruxelles-Capitale, les huit ateliers thématiques sont les suivants : « Économie sociale dans le secteur de la construction durable »,« Enseignement en construction », « Formation », « Outils de soutien aux entreprises », « Accès au financement desentreprises », « Recherche et innovation », « Excellence (certification, label, charte…) » et « Références techniquessur les méthodes de mise en œuvre ».

Du côté du sud…

Rayon composition, les groupes de travail en Région wallonne sont composés d’un panel « le plus large possible » selon Caroline Évrard, coordinatricealliances emploi-environnement au cabinet de Jean-Marc Nollet (Écolo)1, ministre wallon du Développement durable. On y retrouve ainsi notamment, selon les cas, lespartenaires sociaux, les services publics de Wallonie, les organismes du secteur économique (et notamment les clusters éco-construction), les décideurs du secteur de laconstruction, l’Union des villes et communes de Wallonie, les opérateurs publics et privés de formation professionnelle ainsi que le secteur de l’économie sociale. Deux dernierssecteurs qui sont notamment représentés par l’Interfédération des EFT/OISP2 pour le groupe de travail « Formation verte » et parConcertes3 qui participe notamment à l’atelier « Cahier des charges ». D’après ces acteurs, le travail en est encore à ses débuts.« Les réunions sont en cours et nous n’avons pas encore eu de feedback, affirme à ce propos Sébastien Pereau, secrétaire général de Concertes.Pour l’atelier « Cahier des charges », il y a ainsi eu une première réunion de démarrage et il semblerait que ce soit soft, pour le moment. Néanmoins, plus globalement, nouspensons que l’économie sociale peut amener beaucoup à la réflexion du fait de ses capacités d’innovation, notamment sociale. »

À l’Interfédération des EFT/OISP, c’est au retour justement de la première réunion du groupe de travail « Formation verte » qu’ErikMikolajczak, secrétaire général, nous donne le son de cloche de la structure. « Trois sous-groupes de travail ont été constitués, nous dit-il. Lepremier, qui se réunira une seule fois, sera amené à définir ce qu’on entend par métiers verts. Les deux suivants, dédiés pour l’un à l’emploi,et à la formation pour l’autre, se réuniront en parallèle avant de procéder à une mise en commun, avec articulations. Les conclusions sont prévues pour le 30septembre. Pour ce qui est de nos attentes, nous sommes intéressés par le fait de voir comment il pourrait être possible de nouer des alliances, notamment en ce qui concerne laformation des formateurs ou l’équipement. »

On le voit, ce n’est que le début. Il faut dire que la Région dispose encore de temps puisque la validation des résultats et le rapport final sont prévus pour octobre2010 alors que la finalisation et la signature d’un plan pluriannuel4 et du contrat multisectoriel (reprenant les engagements des uns et des autres) le sont pour fin 2010, voiredébut 2011.

Du côté de la capitale…

À Bruxelles, où le travail d’animation des ateliers a été confié au bureau Perspective consulting, l’ouvrage semble un peu plus avancé même si letravail n’a pas vraiment commencé plus tôt. « Les ateliers se sont en effet réunis pour la première fois le 17 mai, confirme Jean-Louis Dethier, directeurgénéral de Perspective consulting5. En ce qui concerne leur composition, le premier critère de sélection a été la représentativité,il s’agit d’acteurs actifs dans le domaine. Ensuite, pour l’atelier relatif à la formation, à titre d’exemple, nous avons été chercher en amont des acteurs prescrivant laformation comme Actiris ou les missions locales. Nous avons aussi été voir en aval afin de trouver des acteurs « recevant » les travailleurs après leur formation. Enfin, desacteurs ont également été sélectionnés pour leurs capacités d’observation, comme les partenaires sociaux ou les fédérations de laconstruction. »

Concrètement, le travail a débuté par une réunion plénière avec un cercle élargi de participants (de vingt à ciquante selon les ateliers).But de l’opération : dégager un diagnostic commun sur les freins au développement du secteur. S’ensuivent des groupes plus restreints, composés de manièrevolontaire, dont le but est de s’attaquer aux freins les plus importants et d’essayer de trouver des solutions. « Cette première phase d’élaboration devrait durer jusque finjuin, déclare à ce sujet Marion Courtois, conseillère Économie verte au cabinet d’Évelyne Huytebroeck (Écolo)6, ministre de l’Environnement de laRégion de Bruxelles-Capitale. Il faut préciser que pour chaque atelier, une quinzaine de besoins sont identifiés. Pour chacun de ces besoins, trois possibilitésd’avancement des travaux seront imaginables d’ici à la fin juin. Il s’agit soit d
e l’approfondissement d’une problématique, lorsque l’on ne dispose pas encore d’une piste de solution ;soit de l’approfondissement d’une piste lorsque les problèmes sont identifiés et que l’on passe à la recherche de solution ; soit et enfin de la modification ou de lacréation d’un dispositif là où l’on passe déjà à un planning, à des tâches. »

Deuxième étape : après synthèse et « travail de transversalité » à la mi-août, une phase de consultation avec les principauxacteurs débutera en septembre avec, au final, la signature par ceux-ci d’un engagement. « Il s’agit d’un engagement à participer à quelque chose, ajoute MarionCourtois. Étant donné que, pour chaque besoin, l’état d’avancement des travaux sera différent, il peut s’agir d’une action concrète ou bien de la participationà un groupe de discussion pour poursuivre la planification de l’action. » Cette multiplication d’états d’avancement ne risque-t-elle pas de créer une certaineconfusion dans les travaux ? « Je ne pense pas, rétorque notre interlocutrice, il s’agira d’un travail beaucoup plus concret, ce ne sera plus le brainstorminggéant… » Une réflexion sur la méthodologie sera également menée avant de lancer d’autres axes de l’alliance tels que les déchets,l’alimentation durable, l’eau ou encore la dépollution des sols.

Néanmoins, malgré ce ton rassurant, des critiques semblent voir le jour chez certains acteurs qui pointent notamment le peu de temps consacré aux ateliers thématiquesafin d’embrasser une problématique pour le moins complexe. « Pour l’instant, le sentiment est que cela va trop vite, déclare Delphine Huybrecht, attachéeéconomie sociale à la Febisp7, partie prenante à l’atelier « Économie sociale dans le secteur de la construction durable » (au même titre que SAW-Bd’ailleurs). Les dates sont annoncées un peu tardivement, les acteurs présents ne sont pas toujours les mêmes. Les problématiques abordées sont difficiles àrésoudre et ce n’est pas en deux réunions que l’on va y arriver. » Réagissant à ces interrogations, Jean-Louis Dethier se veut apaisant : « Je nepense pas que cela soit trop court car il s’agit ici d’un travail qui s’insère dans un processus déjà en cours. Cela fait longtemps que les acteurs réfléchissentà ces questions. Notre rôle ici est d’accélérer cette réflexion et d’élargir la participation. Et puis nous ne nous situons pas dans une optique où ils’agit de tout régler pour la fin juin. Le travail continuera après. »

Quelques enjeux

Malgré leur caractère bien distinct, les processus wallons et bruxellois sont néanmoins traversés par certains enjeux semblables. Des enjeux au premier rang desquels ontrouve notamment les difficultés liées au redéploiement d’un secteur tout entier, celui de la construction, notamment caractérisé par une présence importantede TPE (très petites entreprises) et de petits indépendants. « La grande question est de savoir comment faire basculer tout le secteur de la construction vers le durable,note Caroline Evrard. Ce sont surtout les TPE et les petits indépendants qui vont travailler chez les particuliers. Comment les sensibiliser à la thématique du durable? »  Une question cruciale lorsque l’on sait qu’une petite structure de cinq travailleurs sera bien évidemment moins encline à envoyer deux de ses employés enformation qu’une « grosse boîte ». Cette situation pourrait finir par mener à une sorte de distorsion sur le marché. « Il ne s’agit pas decréer des niches pour des boîtes à la pointe, souligne Marion Courtois. Il faut que tout le monde change. »

Pour ce faire, il s’agit bien entendu que l’ensemble du processus puisse « démarrer ». Si l’on part du principe qu’une des conditions du succès éventueldes alliances se trouve du côté d’un équilibre entre les axes de la demande (demande de chantiers de la part du public, mais aussi demande de main-d’œuvre qualifiéede la part des entreprises) et de l’offre (offre de services, mais aussi offre de travailleurs qualifiés sur le marché du travail), le secteur de la formation risque donc d’avoir uneimportance cruciale dans ce domaine. « Le groupe de travail dédié à la formation est l’un des plus importants, déclare à ce sujet Caroline Evrard. Il fauttout d’abord faire un topo des formations existantes. Mais il faut aussi bien s’entendre sur la notion de « métiers verts » et voir quels métiers vont faire partie de l’Alliance. Àce sujet, il faut noter qu’à l’heure actuelle, il semble que l’on parle plus de « compétences vertes » que de métiers verts à proprement parler. Il s’agit plutôt de »mettre à niveau » les métiers classiques du bâtiment. Ainsi, un maçon devra toujours garder son mur droit, mais on peut lui inculquer des compétences relativesà l’isolation par exemple. C’est vraiment une question primordiale puisque dans la plupart des ateliers, les intervenants soulignent les problèmes liés à la qualitéde l’exécution. » Notons à ce propos que Bruxelles Environnement a récemment identifié dans une étude8 les « métiers entransition » dans le secteur de la construction durable à Bruxelles.

À propos de la demande

Autre thématique de travail importante s’il en est, celle dédiée au développement économique du secteur ou au soutien des entreprises. « La question est desavoir si le monde économique est prêt à faire face, notamment en ce qui concerne l’augmentation de la demande, enchaîne Caroline Evrard. Les entreprises ont-elles assez demain-d’œuvre à disposition ? Comment créer des filières pour développer de l’emploi ? » Néanmoins, cette théorie implique une augmentationde la demande, et partant, de la demande en main-d’œuvre. Or, d’après certains, le secteur semble à l’heure actuelle manquer parfois d’indicateurs fiables afin deréférencer les entreprises actives en éco-construction et, partant, d’objectiver les besoins en main-d’œuvre à court terme. « C’est une questionimportante pour le domaine de la formation : nos priorités vont en effet à l’organisation de formations proches de l’emploi, qu’elles soient nouvelles ou existantes et adaptées,souligne à ce propos Bastien Manchon, conseiller formation au cabinet d’Emir Kir (PS)9, ministre en charge de la Formation professionnelle à la Cocof. Si on forme des gens etque les débouchés ne sont pas là, il y a un problème. Il faut donc faire émerger les besoins précis de main d’œuvre des entreprises. » Unproblème qui aurait déjà été identifié au sein de l’atelier thématique « Formation » à Bruxelles où il auraitété dès lors proposé de c
réer un réseau des opérateurs de formation actifs dans le domaine de la construction afin de mettre en place une sorte de« veille » du secteur.

Plus loin, il faut également ajouter à ces propos la question de savoir si la demande en chantiers va effectivement bien augmenter elle aussi. « C’est une questionimportante, souligne Caroline Evrard. Surtout en ce qui concerne les bailleurs et les revenus modestes. » Si la Région wallonne a prévu de soutenir la demande dans le cadrede « son » alliance en lui consacrant un groupe de travail, l’alliance de la Région de Bruxelles-Capitale ne concerne, elle, que l’offre. « Il ne s’agit pas d’undésintérêt, explique Marion Courtois. Il se fait juste que durant la législature précédente, plusieurs initiatives, comme les appels à projetsbâtiments exemplaires, la PEB (Performance énergétique des bâtiments) ou encore de la sensibilisation, ont été mises sur pied et qu’on continue àfortement y travailler mais hors du cadre de l’alliance. »

Quid des moyens et des objectifs chiffrés ?

Enfin, en termes de chiffres, c’est encore le flou sur les moyens alloués à l’alliance. « Il est clair qu’il faudra de l’argent, admet Marion Courtois. Il faut financer latransition : par exemple, prévoir le développement d’outils pédagogiques. Il faudra négocier pour le budget 2011. » Du côté de la Régionwallonne, on ne s’avance pas non plus même si le site web consacré au « Plan Marshall 2.vert » indique 280 millions d’euros d’investissement auxquels s’ajoutent 600 millions d’euros definancement alternatif. Pour ce qui concerne les d’objectifs chiffrés, notamment en termes de création d’emploi, Caroline Evrard déclare qu’il est encore un peu tôt pour seprononcer. Un son de cloche que l’on retrouve également du côté de Marion Courtois.

1. Cabinet de Jean-Marc Nollet :
– adresse : place des Célestines, 1 à 5000 Namur
– tél. : 081 32 17 11
– site : www.nollet.info
2. Concertes :
– adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 45 64 50
– courriel : contact@concertes.be
– site : www.concertes.be
3. Interfédération des EFT/OISP :
– adresse : rue Marie-Henriette, 19/21 à 5000 Namur
– tél. : 081 74 32 00
-site : www.interfede.be
4. Reprenant les objectifs d’action et qui passera par le Conseil économique et social de la Région wallonne et le Conseil wallon de l’environnement pour le développementdurable en novembre 2010.
5. Perspective Consulting :
– adresse : rue du Col vert, 5 à 1170 Bruxelles
– tél. : 0475 34 04 03
– site : www.perspective-consulting.org
6. Cabinet d’Évelyne Huytebroeck :
– adresse : rue du Marais, 49-53 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 517 12 00
-courriel : info@huytebroeck.irisnet.be
– site : http://evelyne.huytebroeck.be
7. Febisp
– adresse : rue Cantersteen, Galerie Ravenstein 3 boîte 4 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 537 72 04
– courriel : secretariat@febisp.be
– site : www.febisp.be
8. le document est téléchargeable (pdf) sur le site de Bruxelles Environnement.
9. Cabinet d’Emir Kir :
– adresse : bd Saint-Lazare, 10 à 1210 Bruxelles
– tél.: 02 506 34 11
– courriel : info@kir.irisnet.be
– site : www.emirkir.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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