Sur le papier, la Région wallonne, la Communauté germanophone, la Communauté flamande et la Cocom sont responsables de la gestion de leurs allocations familiales. Dans les faits, le transfert prend du temps. Récapitulatif…
C’est le plus gros budget transféré de toute l’histoire des réformes de l’État belge. Six milliards d’euros sont en passe d’être confiés de l’État fédéral aux entités fédérées. Vu les sommes en jeu et la complexité de l’opération, le transfert de la compétence «allocations familiales» prend du temps. Officiellement, celles-ci sont entre les mains des entités fédérées depuis le 1er janvier 2014.
En réalité, c’est entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2020 que le transfert concret des allocations (et donc de leur gestion) sera effectif pour la Communauté flamande, la germanophone, la Commission communautaire commune (Cocom) à Bruxelles et la Région wallonne.
Le transfert dans le transfert
Aujourd’hui, où en est-on? Contrairement à ce qui était prévu dans l’accord de 2011 sur la 6e réforme de l’État, ce ne sont pas uniquement les Communautés qui géreront les allocations familiales.
Côté francophone, ce sont la Région wallonne et la Cocom qui s’en chargeront. Ce choix s’est fait assez naturellement. À Bruxelles, la Cocom a été choisie comme entité adéquate pour la gestion des allocs, car, en tant qu’institution bicommunautaire, elle évite aux citoyens de devoir «choisir» une sous-nationalité pour leurs enfants (flamands ou francophones). La Fédération Wallonie-Bruxelles n’aurait été compétente que pour les allocations familiales wallonnes. C’eût été illogique.
L’autre raison justifiant le choix de régionaliser les allocations côté francophone est financière: la Région dispose d’un «outil fiscal»; autrement dit, elle peut lever l’impôt.
En cas de déficit du budget des allocations familiales, elle pourrait ainsi compenser le «trou» par un prélèvement. Une hypothèse pas vraiment fantasque. La dotation du fédéral aux entités fédérées est calculée en fonction d’un critère démographique (le nombre d’enfants). La situation socio-économique et les éventuels suppléments d’allocations qui en découlent (par exemple pour les familles monoparentales ou les enfants de chômeurs) ne sont pas pris en compte. La dotation est donc inférieure aux dépenses de la Région wallonne, où la situation sociale entraîne des dépenses supplémentaires.
Selon une estimation publiée par Famifed (agence fédérale pour les allocations familiales), le déficit en Région wallonne pourrait s’élever à plus de 50 millions d’euros. Quant à Bruxelles, elle pourrait aussi être touchée par ce manque à gagner.
Toutefois, il est souvent affirmé que d’autres transferts de compétences seraient accompagnés de transferts budgétaires plus avantageux, permettant, in fine, d’atteindre un équilibre. Pour Delphine Chabbert, de la Ligue des familles, ces arguties budgétaires «sont très opaques». Il conviendra donc d’être «vigilant» ces prochaines années.
À quand la refonte des allocations?
Maxime Prévot, ministre de l’Action sociale en Wallonie, a annoncé le 2 juillet dernier la création d’un organisme d’intérêt public qui aura notamment la tâche de gérer et de distribuer les allocations familiales. Une annonce accueillie avec soulagement par des associations comme la Ligue des familles, car la gestion de ce type d’agence (ici, l’Agence wallonne de la Santé, de la Protection sociale, du Handicap et des Familles et mise en œuvre de l’Assurance autonomie) est paritaire. Côté Cocom, le texte d’ordonnance instituant l’OIP suit son chemin législatif, tandis que les cabinets planchent sur son élaboration concrète.
Quant au débat de fond, celui sur l’organisation des allocations familiales (faut-il revoir la distribution par «rangs», avec allocation doublée pour le deuxième enfant? faut-il revoir les suppléments? etc.), il n’interviendra que dans un second temps. Maxime Prévot a lancé un appel d’offres pour qu’une étude prospective soit réalisée ces prochains mois. Le but: défricher le terrain et proposer des pistes pour un système d’allocations familiales rénové.