Lire et écrire Brabant wallon aide les parents à suivre la scolarité de leurs enfants en maternelle. Un projet qui s’inscrit dans une démarche préventive.
Près d’un jeune sur dix sort de l’école sans maîtriser correctement la lecture et l’écriture. Pour prévenir l’illettrisme, il importe de soutenir les parents quiéprouvent des difficultés à suivre la scolarité de leurs enfants. C’est l’idée sous-jacente du projet « parents parleurs apprenants acteurs enfants lecteurs» (PAEL), soutenu par le Fonds de la poste. Derrière ce titre tarabiscoté, un constat simple. « Tout a commencé autour d’une discussion entre collègues, sesouvient Delphine Charlier, responsable de projet en sensibilisation. L’équipe de Lire et écrire Brabant wallon1 est composée de formateurs et de logopèdes. Lesformateurs ont constaté avoir beaucoup de parents dans leurs cours d’alpha. Et les logopèdes, que les parents des enfants dont ils assurent le suivi éprouvent souvent desdifficultés de lecture et d’écriture. »
Le projet PAEL, qui s’adresse à des parents dont les enfants sont en maternelle, n’est pas basé sur un apprentissage de la lecture comme dans un cours d’alphabétisationordinaire. Il s’agit davantage de se concentrer sur une série de prérequis comme la capacité à se situer dans l’espace et le temps, calculer, classer, mémoriser…« On n’est pas obligé de savoir lire pour raconter une histoire à ses enfants. On peut très bien en imaginer une en regardant les images », fait valoir DelphineCharlier. La dimension ludique, également, occupe une place plus importante que dans une formation classique. « Il s’agit de montrer qu’on peut apprendre en jouant. Pour faire unebataille, par exemple, il faut savoir comparer et classer les cartes. »
Culture scolaire
Les familles défavorisées sont moins informées de la façon dont fonctionne le système scolaire que les parents plus aisés. Une étuderéalisée en 2008 par Lire et écrire Bruxelles2 montrait, par exemple, que la place du jeu comme outil pédagogique n’est pas toujours bien perçue. «Pour les parents, l’école maternelle et primaire doit apprendre à l’enfant à compter, lire, écrire. (…) L’idée que l’on puisse apprendreen jouant n’a pas nécessairement de sens immédiat, surtout pour les familles issues de milieux défavorisés », note l’auteur.
Pour sortir de l’impasse, pointe l’étude réalisée dans le cadre d’un projet de sensibilisation mené par la locale nord-est avec des établissements deSchaerbeek et Saint-Josse, il est essentiel que l’école mette la priorité sur l’information des parents. « Les acteurs scolaires doivent pouvoir prendre consciencequ’ils véhiculent une culture qui n’est pas partagée par tous. Les parents, quant à eux, doivent pouvoir connaître un peu mieux cette culture pour pouvoirdialoguer avec le personnel éducatif, suivre la scolarité de leurs enfants (…) »
Briser un tabou
Retour dans le Brabant wallon, où le projet PAEL fait ses premiers pas. Un premier groupe teste la formule à Tubize. Il a été constitué en réunissant desapprenants qui fréquentaient déjà des formations de Lire et écrire. « Au début, on voulait créer un groupe de parole. On a lancé l’informationdans des journaux locaux et via des partenaires comme les services d’aide en milieu ouvert (AMO), l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), les écoles de devoirs. Personne n’est venu !Le problème, c’est qu’on touche à des tabous. Les gens ont peur d’être identifiés comme de mauvais parents », observe Delphine Charlier. Dans le futur, la responsablede projet compte aussi sur les enseignants pour faire passer le message.
Un deuxième axe de ce projet, rappelle-t-elle, c’est la sensibilisation au sein du monde scolaire. « L’illettrisme reste un tabou. Surtout dans les populations belges. Quand lesparents ne répondent pas aux mots dans le journal de classe, les enseignants peuvent prendre cela pour du désintérêt. Ils n’imaginent pas toujours que cela puisseêtre un problème de lecture. » Lire et écrire Brabant wallon a donc décidé de partir à la rencontre des équipes pédagogiques dans lesécoles, à la fois pour expliquer les réalités de ce phénomène mal connu et trouver des pistes d’action pour améliorer la communication avec cesparents. « Il a été évoqué, par exemple, de mettre en place une chaîne téléphonique entre parents ou un système de parrainage des parentsen difficulté par les autres parents. »
Quand on l’interroge sur son projet, Delphine Charlier n’a qu’un regret : « que les écoles manquent souvent de temps pour nous recevoir » !
1. Lire et écrire Brabant wallon :
– adresse : boulevard des Archers, 21 à 1400 Nivelles
– tél. : 067/84 09 46
– site : http://brabant-wallon.lire-et-ecrire.be
2. « L’école pour nous c’est… » : Familles défavorisées et école : représentation et pistes d’action, Magali Joseph, CelluleRecherche et Développement de Lire et écrire Bruxelles.