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Emploi/formation

Allocations d’insertion : il faudra étudier vite

Depuis le 1er janvier 2015, il faut avoir moins de 25 ans pour effectuer une demande d’allocation d’insertion. Les étudiants de longue durée seront pénalisés. Les syndicats et le secteur jeunesse ne sont pas tendres avec le gouvernement fédéral.

Dorénavant, il faudra étudier vite... cc Starmanseries/Flickr

Depuis le 1er janvier 2015, il faut avoir moins de 25 ans pour effectuer une demande d’allocations d’insertion. Les étudiants de longue durée seront pénalisés. Les syndicats et le secteur jeunesse ne sont pas tendres avec le gouvernement fédéral.

«C’est la mesure la plus dégueulasse du gouvernement Michel.» Lâchée par un représentant de la CSC Jeunes, cette phrase ne concerne pas le saut d’index ou l’activation des prépensionnés, véritables mantras des revendications syndicales. Elle se rapporte au contraire à une décision passée presque inaperçue au sein de l’accord de gouvernement. Mais qui pourrait se révéler catastrophique pour les jeunes si l’on en croit certains. De quoi s’agit-il? Le gouvernement fédéral a décidé de baisser l’âge maximum pour introduire une demande d’allocation d’insertion à 25 ans (voir encadré). Une limite située à 30 ans jusqu’ici. Dorénavant, les étudiants devront donc faire vite… ou ne pas choisir des études trop longues.

Stage et allocations d’insertion

À la fin de ses études, le jeune doit s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès d’un service régional (Actiris, Forem ou VDAB). Une période de stage d’insertion de douze mois commence, durant laquelle il ne touche aucune allocation. À l’issue du stage, le jeune peut prétendre aux allocations d’insertion s’il n’a pas trouvé de travail. Ces allocations permettent à une personne de bénéficier d’un certain montant d’argent. Avant qu’elle n’ouvre éventuellement son droit au chômage sur la base du travail, pour lequel elle doit effectuer un travail salarié sur une période déterminée, qui peut varier selon l’âge. Les allocations d’insertion sont limitées à trois ans, même si des variations sont prévues en fonction du statut de la personne (cohabitant ou chef de famille/isolé, notamment). Elles sont également prolongeables sous certaines conditions.

Prenons un cas pratique: un jeune finit ses études secondaires à 18 ans. Et opte pour des études universitaires d’une durée de cinq ans. Il les termine à 23 ans et s’inscrit comme demandeur d’emploi auprès du Forem, d’Actiris ou du VDAB. Son stage d’insertion, au cours duquel il ne touche aucune allocation, débute alors pour une durée de 12 mois. À l’issue de celui-ci, il peut faire une demande d’allocation d’insertion. Dans ce cas précis, le jeune pourra en bénéficier puisqu’il aura 24 ans au moment de sa demande. Mais en cas de parcours scolaire plus chaotique ou d’études plus longues, l’âge fatidique de 25 ans risque d’être atteint. Il pourra dire adieu à ses allocations d’insertion. Les étudiants en médecine, dont le cursus dure sept ans, apprécieront.

La cerise sur le gâteau

Pour les syndicats et le secteur jeunesse, cette décision constitue la cerise sur un gâteau déjà mis au four par le gouvernement Di Rupo en 2011. Pour rappel, ce dernier avait décidé de limiter les allocations d’insertion à trois ans. Une mesure entrée en vigueur le 1er janvier 2012. «C’est la suite logique du recul déjà opéré par le gouvernement Di Rupo», nous dit-on chez les Jeunes FGTB. «C’est à se demander ce que le gouvernement veut mettre là-derrière», déclare-t-on encore au Conseil de la jeunesse catholique (CJC). La volonté de celui-ci est pourtant claire: il s’agit d’«encourager la participation au travail». Le système d’allocations tel qu’il existait auparavant «n’était pas une mesure d’activation. Il s’agissait peut-être même du contraire. Le fait de disposer de cette allocation pouvait peut-être encourager les jeunes à abandonner leurs études», nous dit-on au cabinet de Kris Peeters (CD&V), ministre fédéral de l’Emploi. Dans l’esprit du gouvernement, cette nouvelle mesure devrait donc encourager les jeunes à obtenir leur diplôme. Et à décrocher plus facilement un emploi.

Du côté des opposants à la nouvelle réglementation, on s’indigne. De manière générale: «Sous prétexte de vouloir activer les jeunes, on les prive de moyens. Il n’y a pas d’activation quand on supprime des moyens», note Julien Bunckens, secrétaire général du CJC. Mais aussi sur le point plus spécifique des diplômes. Pour Pierre Ledecq, permanent national Jeunes CSC, cette mesure risque plutôt de mettre des bâtons dans les roues des jeunes aux études. «Les élèves qui se seront cherchés pendant un an ou deux seront pénalisés. Et puis cela risque aussi de punir les étudiants issus de milieux plus modestes. Il n’est pas sûr que les élèves de ce type se lanceront encore à l’avenir dans des études longues les amenant au-delà de 25 ans. Un jeune de plus de 25 ans ayant fini ses études et issu d’un milieu favorisé pourra toujours bénéficier de l’aide de sa famille. Alors que celui provenant d’une famille moins aisée…» Notons que les étudiants décidant de travailler pour se payer leurs études risquent aussi d’en prendre pour leur grade. Souvent habitués à étaler leur cursus pour combiner études et travail, ils risquent d’atteindre bien vite l’âge de 25 ans. Au cabinet de Kris Peeters, on maintient. «Il y a les bourses d’études. Et nous sommes convaincus qu’à l’âge de 25 ans quelqu’un devrait quand même avoir eu la possibilité d’obtenir un diplôme et, par conséquent, un job.»

Des déclarations qui font réagir le CJC. «Le message c’est: ‘Vous n’avez pas le droit à l’échec, sinon c’est de votre faute.’ Et puis il existe cette idée que les jeunes ayant un diplôme trouveront plus facilement un emploi et n’auront donc pas besoin des allocations. Ce qui n’est pas forcément vrai», explique Julien Bunckens. Pourtant, le gouvernement semble insister sur le versant diplôme. En témoigne ce deuxième changement de règle, qui entrera en vigueur au 1er septembre 2015. Jusqu’à présent, pour bénéficier des allocations d’insertion, il fallait avoir «terminé» les études de plein exercice du cycle secondaire supérieur ou la troisième année de l’enseignement secondaire professionnel, artistique ou technique. Quand on dit «terminé», cela veut dire avoir suivi l’année scolaire complète. Mais pas l’avoir réussie. À partir du 1er septembre 2015, cela va changer. Les niveaux d’études requis aujourd’hui seront les mêmes. Sauf qu’il ne faudra plus avoir terminé l’année, mais l’avoir réussie. «Les jeunes qui sont sans diplôme n’ont aucune perspective d’emploi et sont handicapés pour le reste de leur vie professionnelle. Un diplôme est la clef indispensable à un emploi», argumente-t-on du côté du cabinet Peeters.

Des jeunes difficiles à mobiliser

Outre les impacts sur les étudiants, d’autres effets plus généraux pourraient voir le jour à la suite de ces modifications. «Elles visent presque à supprimer les allocations d’insertion et à les réserver à ceux ayant eu un parcours parfait, déplore Pierre Ledecq. Avant, les jeunes avaient une raison d’aller s’inscrire auprès des services régionaux de l’emploi. Aujourd’hui, ceux de plus de 25 ans n’en auront plus beaucoup. Ce sont des jeunes que l’on risque de perdre, on est en train de créer une réserve de NEET – NDLR: not in education, employment or training – alors que la Garantie pour la jeunesse au niveau européen essaye justement d’accrocher ce public.»

Du côté de la FGTB Jeunes, on craint aussi un impact sur l’enseignement. «Par peur de retarder un élève pour ses allocations d’insertion, un professeur pourra être tenté de ne pas le péter. On pourrait ainsi assister à un nivellement par le bas de l’enseignement, singulièrement dans les zones défavorisées ne bénéficiant déjà pas d’un enseignement de très bonne qualité. Pour ces élèves, il s’agira d’une double peine», déplore Angela Sciacchitano, coordinatrice Jeunes FGTB.

Face à cette situation, les jeunes semblent pourtant difficiles à mobiliser. Au Conseil de la jeunesse, on note un manque criant d’information dans l’enseignement secondaire et supérieur. «Les étudiants s’imaginent qu’ils vont trouver du travail dès qu’ils sortent des études», y déplore-t-on…

 

 

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Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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