Fini les CPAS en Flandre? Le doute subsiste plus que jamais. Et dire qu’il y a un an, tout paraissait si simple: le gouvernement flamand avait tranché la question avec la création dès 2019 d’un comité social au sein des services communaux. Le fédéral n’avait plus qu’à donner sa bénédiction en modifiant la législation…
Le dossier d’intégration des CPAS en Flandre coince. En cause: deux avis juridiques qui ont depuis ruiné le travail réalisé par le gouvernement flamand et la ministre des Affaires intérieures, la nationaliste Liesbeth Homans. Deux études, l’une de la KUL, l’autre de l’Université de Liège, affirmaient que le gouvernement fédéral ne disposait que de deux options dans le dossier de l’intégration des CPAS aux administrations communales: leur laisser le choix ou la leur imposer. Mais, dans les deux cas, cela devait se faire dans tout le pays.
De son côté, Liesbeth Homans continue coûte que coûte de programmer la fin des CPAS flamands pour 2019. Les prérogatives des centres d’aide sociale devraient dès le 1er janvier 2019 avoir été reprises par les collèges et les administrations communales. Côté fédéral, le conseil des ministres a finalement approuvé fin février un avant-projet de loi qui vise à donner aux communes et aux CPAS la possibilité de fusionner à partir de 2018. Sollicitant l’avis du Conseil d’État, le gouvernement souhaite savoir si les Régions peuvent imposer l’union CPAS/service communal. En cas d’avis positif, le fédéral inviterait alors les Régions à forcer la main aux communes. Pendant ce temps, l’heure tourne.
Ingérence politique?
Du côté des communes et de ses représentants, le VVSG, l’équivalent flamand de l’Union des villes et communes, souligne que juridiquement les conditions d’une telle intégration ne sont absolument pas remplies pour mettre en place une telle réforme. «Cela dit, la note du gouvernement flamand sur l’intégration planifiée comprend un certain nombre d’avantages. Le principal, c’est que les choix stratégiques de la politique sociale locale seront désormais dans une seule main, à savoir le conseil communal, rendant une approche intégrée possible», explique Jan Leroy, porte-parole du VVSG. Mais la liste de probables inconvénients est bien plus longue, l’organisation flamande s’inquiète d’une réforme institutionnelle qui provoquera un certain nombre de coûts, pouvant peser sur la politique sociale elle-même. «Avec le risque supplémentaire qu’il y ait plus d’énergie politique mise sur cette fusion des CPAS avec les communes que sur le contenu de la politique sociale elle-même, prévient Jan Leroy. D’autant qu’actuellement, l’aspect individuel de l’aide sociale n’est pas suffisamment protégé, ce qui fait craindre aussi que l’approche de ces nouveaux services soit plus impersonnelle qu’avant et que la vie privée des bénéficiaires sociaux soit moins respectée. Cela pourrait aussi favoriser davantage l’ingérence politique, voire pour certains services, comme les soins à domicile, une privatisation.» Le VVSG pointe aussi, outre le fait que cette fusion soit établie dans un environnement juridique instable, le risque que les diverses subventions fédérales et flamandes qui vont aux CPAS seraient partiellement perdues lors de cette intégration. «Bien sûr, ces inconvénients pourraient être limités, s’ils sont réglés en amont, mais tout cela ne sera pas simple, étant donné l’énorme liaison des pouvoirs flamands et fédéraux en matière de politique sociale. Nous devons surtout veiller à ce que les droits des membres les plus faibles de la société restent intacts, et même sortent renforcés de cette réforme», ajoute Jan Leroy.
Pour sa part, le cabinet de la ministre Liesbeth Homans nous rappelle que l’objectif principal est de parvenir à une politique sociale locale intégrée. «Il est préférable que celle-ci soit gérée par un seul organe politique, en évitant la compartimentation des politiques sociales, voire la concurrence de certains services au sein d’une même commune», explique Jan van der Vloet du cabinet de la ministre des Affaires intérieures. La réforme aurait aussi pour effet de rendre les services sociaux plus accessibles aux plus démunis, le côté stigmatisant, celui de faire une démarche auprès d’un CPAS, étant atténué, vu l’intégration des services au sein de l’administration communale. «Cela permettra aux citoyens de faire plus facilement appel aux services sociaux de leur commune. Par exemple, les communes qui ont déjà un guichet unique pour les services sociaux et communautaires ont une portée auprès de la population jusqu’à 50% supérieure par rapport aux autres communes», précise Jan van der Vloet. On ajoute que ce regroupement permettra davantage d’efficacité: «Rien qu’au niveau de la gestion, par exemple. Il y aura plus de personnel disponible pour la politique sociale, en fusionnant certains services présents tant dans les CPAS que dans les communes, à l’instar des services financiers ou informatiques, poursuit-on au cabinet Homans. Nos plans visant à intégrer les CPAS dans l’organisation municipale ne sont pas suspects. Au contraire, dans une certaine mesure, ils rencontrent une double nécessité dans nos collectivités. Tout d’abord, beaucoup de municipalités rencontrent une capacité administrative insuffisante. Souvent, elle est attribuée à l’échelle réduite sur laquelle elles opèrent.»
Une mise à l’échelle pourrait, dès lors, favoriser l’émergence d’une nouvelle puissance administrative. «En outre, cette réforme ne modifierait pas les conditions d’accès aux services sociaux. Ce n’est pas une privatisation cachée», tient-on encore à rassurer.
Lire le dossier Alter Echos n°421, «CPAS au bord de l’asphyxie», avril 2016
Alter Échos n°396, «La fin des CPAS flamands», février 2015, Pierre Gilissen.
Alter Échos, «CPAS et communes: un mariage hors la loi?», le 31 mars 2015, Marinette Mormont.
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