Lorsque Alter aura 40 ans, le secteur associatif sera dans les caves, comme Alter à ses débuts. Coincé dans ses contradictions internes, l’associatif aura perdu sa place, squeezé dans ses valeurs par des collectifs temporaires et innovants, pétrifiée dans son fonctionnement par des travailleurs n’aimant pas le travail, oublié dans son financement par des pouvoirs publics préférant confier l’intérêt général au marché plutôt qu’à des acteurs frustrés.
Pourquoi nous emmerder avec des pouvoirs organisateurs d’école coincés entre décrets et syndicats? Pourquoi soutenir des services sociaux alors que les CPAS manquent de moyens? Pourquoi balancer des millions d’euros dans les études et analyses de l’éducation permanente que personne ne lit? Sans parler des colloques que personne ne fréquente? Pourquoi miser sur l’ISP lorsqu’il n’y a pas d’emploi?
Lorsque Alter aura 40 ans, il y aura d’un côté le système, fait du binôme marché-État, plus inégalitaire que jamais, le marché ayant déjà pris le contrôle sur l’État. Et de l’autre côté, ailleurs, à la campagne et dans les quartiers, une économie parallèle en décrochage complet, autoportée, dite marginale mais déjà très puissante bien que dérégulée. Enfin, il y aura la donne internationale, le monde dans notre jardin, puisque là-bas, nous aurons dévasté son monde.
Lorsque Alter aura 40 ans, nous serons plus nombreux encore à vouloir d’Alter.
Pierre Verbeeren, directeur de Médecins du monde Belgique et cofondateur d’Alter
A l’occasion de notre numéro spécial 20 ans, Alter a donné carte blanche à des anciens de l’Agence, des lecteurs fidèles ou des personnalités que l’on interroge régulièrement dans nos colonnes. Lire les autres cartes blanches