Les ex-occupants de l’église du Béguinage se sont installés depuis janvier 2001 dans l’ambassade de Somalie à l’abandon. Il semble que l’actionde ce groupe ne soit pas près d’être rangée sous archives. Pour peu qu’on y regarde de plus près, il s’agit d’autre chose que des flashsd’infos ou reportages compatissants, mais d’une prise de conscience suivie d’une démarche globale. Les incohérences paradémocratiques européennes enmatière de politique d’accueil des émigrants posent pas mal de questions ; à travers son action, ce groupe ( » avec ou sans papiers « ) s’est mué en collectifpour apporter au sujet une série de réponses. Notamment une position, qui a pris corps en une Déclaration1 présentée le 12 décembre dernierparallèlement au sommet de Laeken. Or, la singularité de l’aventure tient aussi en sa complexité. Rétroactes.
Précarité et jalons d’apprentissages
Quelques » étapes » ont jalonné ce parcours d’où il est à noter que les soutiens extérieurs, tant du côté des professionnels que ducôté des citoyens experts, ont étonnamment fait défaut. à la suite d’un incendie, après huit déménagements (et expulsions) successifs,l’Ambassade s’est présentée comme un lieu d’accueil. Bien que la représentation diplomatique y soit stoppée, un bail oral a pu être conclu entre legroupe et une autorité indirecte soutenant » les frères africains « . Plusieurs personnes proches des douze sans-papier mettent sur pied une structure légale afin deprotéger les réfractaires aux voies habituelles, nomades malgré eux. Cela parallèlement aux démarches administratives du suivi ou de la mise sur pied de dossiersrentrés suite à la campagne de régularisation. Contacts avec la commission de régularisation, travail avec des avocats, apport d’élémentscomplémentaires au dossier et rôle d’avocat au tribunal du travail. Un processus d’apprentissage dans lequel une sympathisante s’est lancée en s’immergeantdans les arcanes de l’Intérieur, en se frottant aux fonctionnaires de la Commission tout en décryptant le texte de la loi de décembre 99, afin de » comprendre,malgré les commentaires contradictoires, quels critères pouvaient être utilisés en faveur des dossiers « , explique Muriel. Au départ, on pensait quel’opération de régularisation ne permettait plus d’étoffer les dossiers, cette idée répandue était fausse, insiste-t-elle ! Il était moinsune mais on pouvait encore faire beaucoup. Courir un peu partout, téléphoner pour trouver la faille où s’introduire et plaider la cause plus efficacement « ,complète-t-elle. Pour quels résultats ? » Très satisfaisants » répond-elle. Tous ont une réponse positive. Cela ne règle toutefois pas la situationparticulière ou globale, mais c’est une étape importante pour les » réfugiés « . Un autre volet concernait (et concerne encore) les besoins premiers des sans-papiers: nourriture, logement, logistique minimale,… Sur ce volet, » c’est toujours la débrouille, rappelle Gisèle, impliquée dans les démarches au CPAS – avecla fin de non-recevoir qui a fini par se traduire en recours au tribunal. Aucune aide ne nous vient d’associations, excepté, une fois le mois, la Banque alimentaire, mais ça vautpour quelques jours seulement « .
Dynamique collective : projet artistique d’une citoyenneté inconditionnelle
En même temps, un collectif regroupant les soutiens ainsi que des militants et artistes a émergé. Pour joindre leurs énergies au moment où l’ambassadeoscillait entre l’administratif, les manques en tout genre et le découragement. Une nouvelle dynamique se développe dans la voie d’une action globale ancrée dans lasymbolique du lieu permis par l’ambassade. Le collectif qui émerge marque une position claire sur les enjeux européens. » À la différence d’une approchehumanitaire, nous déclinons une action et des formes artistiques et politiques au sens où la figure du sans-papiers comme paria, sans droit, éclaire le débat sur lacitoyenneté… « , entame Vincent. La démarche se veut toutefois à l’écart de la simple dénonciation. » Elle comporte un volet social, avec soutienjuridique – nous sommes en train d’établir un réseau d’avocats bénévoles –, et un volet artistique par un jeu sur les formes entre le politique etl’artistique. Auparavant durant Laeken, poursuit-il, suite à un travail entre artistes, militants, universitaires et sans-papiers, s’est menée une écriture collectiveaboutissant à une Déclaration. Si avec l’UE, l’équation est ‘citoyenneté = nationalité’, nous défendons le droit plus vasted’une citoyenneté rattachée au concept d’habitat, de résidence et valable en tout lieu de la planète. » Mohamed habite l’ambassade et compte parmi laquarantaine de corédacteurs du texte; il appuie : » On en a eu assez des manipulations associatives et politiciennes ! On en a tiré des conclusions. C’est le travail artistique etl’écriture qui importent, les revendications politiques mêmes seront pour plus tard. À partir du 17 mars, les productions seront présentées au PetitChâteau « , achève-t-il. » Il s’agit d’autre chose qu’une logique de squat » renchérit Vincent. » Universal Embassy a été fondée par unréseau constitué autour de la lutte des sans-papiers, ponctue le texte la Déclaration. Elle veut réunir au-delà des frontières des disciplines, des citoyensconcernés par une pensée universelle. À court terme, c’est une habitation d’urgence. » Enfin, des contacts se poursuivent, des liens se tissent visant la constitutiond’un réseau européen, en plus des signataires déjà impliqués.
1 Consulter le site http://www.universal-embassy.be/ pour la Déclaration et éventuellement en être signataire – contact :universal.embassy@onebox.com, ou Mohamed : 0479 759 007, Vincent : 0496 274 147, Muriel : 0497 449 463.
Archives
""Ambassade universelle" : pour une citoyenneté libérée de la nationalité"
Olivier Bailly
18-02-2002
Alter Échos n° 114
Olivier Bailly
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