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Ambulatoire bruxellois : décret adopté, peu d’orphelins

Les services socio-sanitaires en ambulatoire, à Bruxelles, ont enfin leur décret commun. Concertation approfondie et esprit du texte salués par tous les acteurs. Quelquesbémols subsistent.

13-03-2009 Alter Échos n° 269

Le décret « ambulatoire » a été adopté le 20 février dernier par le parlement francophone bruxellois. Il offre une référencelégale commune à douze secteurs de services socio-sanitaires aux personnes. Une avancée importante soulignée et saluée par tous les acteurs mais qui laisse l’une oul’autre crainte en suspens.

Le nouveau décret consacre les grands principes discutés depuis plus d’un an et déjà contenus dans l’avant-projet approuvé par le collège dela Cocof en août 2008. Les 12 secteurs socio-sanitaires1 de l’ambulatoire bruxellois [AEchos n° 248 & n°256] voient désormais reconnusl’agrément du travail en réseaux ainsi que l’agrément à durée indéterminée des services qui devrait s’accompagner d’unsoulagement administratif (finies les demandes de subsides récurrentes). La définition de leurs missions et des métiers n’est pas affectée. Pourbénéficier d’un agrément, les services sont appelés à formaliser une démarche d’évaluation qualitative.

Évaluer ou ne pas évoluer, that’s the question

L’introduction d’une « démarche qualité » constituait l’une des principales nouveautés du décret. Avancées pour certains, pierred’achoppement pour d’autres qui y voient, au mieux, une charge de travail supplémentaire ; à la limite, une confusion douteuse avec le contrôle administratif ; aupire, une approche managériale marchande proprement incompatible avec leur déontologie et leurs pratiques professionnelles (singulièrement pour le secteur de lasanté mentale).

À la suite des auditions en commissions réunies social et santé, les parlementaires ont décidé de rencontrer en partie les craintes et doléances de cesderniers. Rebaptisée « évaluation qualitative », la démarche est clairement distinguée et séparée du travail de contrôle del’Inspection, à travers notamment la création d’une cellule spécifique de 3 « qualiticiens » à la disposition des services.L’évaluation portera par exemple sur la question de l’accueil, l’évolution de l’environnement socioculturel, des demandes du public, etc. En aucun cas, elle nepourra constituer en un relevé automatique du nombre de gestes professionnels posés par les praticiens, une crainte soulevée par les professionnels de la santé mentale etrelayée par les syndicats. Ces derniers ont négocié dans une convention collective un recours aux partenaires sociaux en cas de dérapage. « Sur ce point, nous avonségalement signé un protocole d’accord avec le gouvernement », explique Yves Dupuis du Setca2. Accord qui stipule que « les partenaires sociaux sont partiesprenantes de la mise en œuvre de l’évaluation qualitative », précise Emmanuel Bonami de la CNE3.

Les évaluations menées par les services, seuls ou en transversalité avec d’autres, se feront sur la base d’un choix de thèmes parmi la dizaine retenue parle collège sur proposition des fédérations et du conseil consultatif. C’est sur la base de ces évaluations que la cellule de « qualiticiens »rédigera, sous forme de synthèses, les rapports sectoriels (tous les ans) et intersectoriels (tous les 3 ans). Ces derniers seront diffusés au sein des secteurs et auprèsdes parlementaires.

Donner suite ?

Une ambiguïté méthodologique subsiste également. L’évaluation de la qualité des services rendus par les associations ne sera pas assortie d’uneobligation d’améliorer effectivement ce qui pourrait l’être, ont voulu rassurer les chefs de groupe de la majorité au moment du vote sur le décret. Les dernierssceptiques se laisseront-ils convaincre par cette injonction aux apparences de paradoxe ? « Il serait plus juste de parler d’obligation de moyens sans obligation de résultat», précise Vincent Giroul, cheville ouvrière du dossier au cabinet du ministre Cerexhe (CDH)4 (politique de la Santé). Le conseiller n’imagine pasqu’à l’issue d’un processus participatif d’auto-évaluation mené au sein d’un service, il ne soit tenu compte d’aucune recommandationformulée.

Dégager des moyens ?

La démarche d’évaluation bénéficiera d’une enveloppe propre. La demande formulée par Charles Lejeune lors de l’audition des secteurs encommission parlementaire sera-t-elle entendue ? Le secrétaire général de la Fédération des centres de service social (FCSS) souhaitait que chaque servicebénéficie d’un mi-temps supplémentaire et des moyens ad hoc pour mener ces évaluations. Si les chiffres actuellement sur la table n’évoluent pas,on en est loin : une enveloppe de 450 000 euros est prévue. Soit 3 000 euros par an par service, à peine de quoi financer un mi-temps durant deux mois. « Tout dépendra dela formule retenue, tempère-t-on du côté des cabinets ministériels ; les négociations sur les arrêtés d’exécution sont en cours, laissonsle temps à la concertation. »

Vincent Giroul précise les hypothèses actuellement sur la table : « soit une somme serait versée à chaque association, ou à chacune d’elle ainsiqu’à chaque fédération ; soit la démarche sera globalisée et son pilotage confié à un organisme extérieur tel que le Conseil bruxelloisde coordination socio-politique (CBCS) par exemple. »

Emir Kir, ministre de l’Action sociale et de la Famille (PS) au sein du collège de la Cocof5, est plus « ciblé » : « Je ne veux pas que l’onconfie cette somme à un organisme extérieur, tout doit aller dans les secteurs, à celles et ceux qui mèneront effectivement les démarches d’évaluation,sans exclusive : du travailleur, au service ou à la fédération. » Il faudra attendre l’adoption des arrêtés d’exécution pour connaîtrele montage finalement retenu.

Concerter, encore et toujours !

Plus généralement, la crainte sous-jacente d’une rationalisation des moyens affectés par la Cocof aux douze secteurs concernés n’est pas apaisée.« Derrière le débat sur l’évaluation qualitative, il y a la crainte d’une réduction des subsides », rappelle Yves Dupuis. « Quand unepremière évaluation intermédiaire aura eu lieu, dans 3 ans, des services actifs dans le même domaine dans des quartiers proches pourraient être invités, oucontraints, à fusionner, ce qui perme
ttrait ainsi une rationalisation, par exemple sur les fonctions administratives », précise Emmanuel Bonami.

Une crainte que le ministre Kir relativise : « C’est un risque qui existera toujours et qui peut dépendre des ministres de tutelle, du changement de majoritégouvernementale, etc. Mais ce décret a été élaboré de manière à faire vivre une diversité d’approches et de services au sein dessecteurs. »

Ce dernier préfère insister sur les acquis du nouveau décret, par ailleurs salués par la plupart des acteurs concernés : « Douze secteurs de services auxpersonnes sont désormais coordonnés par un même texte de loi, à leur demande. Ça les rend plus forts pour traverser les turbulences politiques que ne manquera pas detraverser Bruxelles dans les prochains mois. »

Le ministre relève également la qualité de la concertation tout au long du processus : « Chaque fois que nous avons reçu des signaux d’alarme, desdoléances, avec mon collègue le ministre Cerexhe, nous avons écouté et tenté d’apporter des réponses. » Une attitude et une méthode queles deux excellences entendent poursuivre, notamment pour la négociation autour des arrêtés d’application qui devraient être adoptés avant la fin de cettelégislature.

1. Il s’agit des services de santé mentale, en matière de toxicomanie, d’action sociale globale, de planning familial, des maisons médicales, de médiationde dettes, d’aide aux justiciables, d’Espaces-rencontre, des centres de coordination de soins et services à domicile, de soins palliatifs et continués, d’aide à domicile etdes centres d’accueil téléphonique.
2. Yves Dupuis, Vice-Président du Setca Bruxelles-Hal-Vilvoorde – adresse : place Rouppe, 3 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 519 72 11
– courriel : ydupuis@setca-fgtb.be
3. Emmanuel Bonami, permanent CNE Bruxelles Brabant wallon :
– adresse : rue Plétinckx, 19 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 508 89 56
– courriel : emmanuel.bonami@acv-csc.be
4. Cabinet de Benoît Cerexhe :
– adresse : rue Capitaine Crespel, 35 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 508 79 11
– courriel : info@cerexhe.irisnet.be
– site : www. cerexhe.irisnet.be
5. Cabinet d’Emir Kir :
– adresse : Botanic Building, bd Saint-Lazare, 10 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 506 34 11
– courriel : info@kir.irisnet.be
– site : www.emirkir.be

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