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Emploi/formation

APE : le monstre du Loch Ness pointera-t-il son museau ?

On parle depuis longtemps de l’établissement d’un cadastre des points APE. Une proposition de décret émanant du groupe Ecolo devrait bientôt remettre le sujet sur la table.

22-06-2012 Alter Échos n° 341

On parle depuis longtemps de l’établissement d’un cadastre des points APE. Une proposition de décret émanant du groupe Ecolo devrait bientôt remettre le sujet sur la table. D’autres nouvelles concernant le système circulent également.

Va-t-on vers l’établissement d’un cadastre des points APE (aide à la promotion de l’emploi) ? Sorte de monstre du Loch Ness de la politique de l’emploi en Région wallonne, ce dossier fait couler de l’encre depuis plusieurs années déjà (voir [i]Alter Echos[/i] n° 289 du 14 février 2010 : « [url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=289&l=1&d=i&art_id=19640]APE : bain de sang ou cure de jouvence ?[/url] »). Réclamé, souvent à corps et à cris, par l’opposition MR notamment, l’établissement d’un tel cadastre se heurte entre autres à l’ampleur de la tâche qu’une telle entreprise demanderait : en 2009, le système APE concernait ainsi 57 760 travailleurs (39 747 équivalents temps plein). « Si un tel cadastre était facile à réaliser, pourquoi pas ? déclare à ce propos Philippe Mattart, chef de cabinet chez André Antoine (CDH), ministre de l’Emploi de la Région wallonne. Mais il s’agit d’une charge énorme pour l’administration. Ce que veut l’opposition, c’est un cadastre structure par structure, point par point. Je ne pense pas que l’administration puisse se permettre de perdre du temps avec ça. »

Le système APE pour les nuls

Le système APE permet d’octroyer une aide à un employeur afin de subsidier totalement ou partiellement les rémunérations des travailleurs engagés dans ce cadre. Celle -ci est octroyée sous forme de points, chaque point équivalant à 2 924,07 euros (chiffres au 1er janvier 2012).

L’APE est divisé en différents postes de financement dont le plus important, appelé l’APE « classique », concerne le non-marchand (APE non marchand), les pouvoirs locaux (APE pouvoirs locaux), l’enseignement (APE enseignement) et le secteur marchand (APE marchand et APE jeune). Celui-ci dispose d’un budget d’environ 575 millions et c’est de lui que l’on parle le plus souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer l’établissement d’un cadastre.

Du côté de l’opposition MR justement, on n’en démord pas : l’absence de cadastre, et le manque de clarté que cette situation entraînerait concernant le système APE, pose question. « Je ne dis pas que la destination des points APE est problématique, déclare Willy Borsus, président du groupe MR au parlement wallon. Mais l’absence répétée de cadastre entraîne une forme de suspicion. Et le gouvernement refuse de communiquer à ce sujet. Il ne mentionne que des éléments statistiques, mais ça n’est pas un cadastre, ça. Il y a un problème, parce qu’il s’agit d’argent public. »

Culture : le bain de sang social n’a pas eu lieu

Il y a de cela deux ans (voir [i]Alter Echos [/i]n° 289 du 14 février 2010 : « APE : bain de sang ou cure de jouvence ? »), Fadila Laanan (PS), ministre de la Culture de la communauté française, s’inquiétait à propos de la suppression possible de 1 000 emplois APE dans le secteur. Un cri d’alarme qui n’aura finalement été annonciateur de… rien puisque d’après son cabinet le « bain de sang social » annoncé n’a pas eu lieu. « Suite à la mobilisation du secteur, l’ensemble des opérateurs qui ont demandé une reconduction de leurs points APE, et qui étaient dans les conditions, l’ont obtenue », explique aujourd’hui Gilles Doutrelepont, chef de cabinet de Fadila Laanan, qui plaide néanmoins pour plus d’APE pour le secteur. « Nous sommes pour l’heure dans une logique de maintien, alors que de 2004 à 2009 nous nous situions dans une logique de croissance », déplore-t-il.

Un meilleur pilotage du dispositif

Cela dit, les choses pourraient bouger dans les prochaines semaines. Si le MR annonce son intention de ressortir le dossier lors du prochain ajustement budgétaire, le groupe Ecolo, membre de la majorité, rappelons-le, travaille en effet à l’heure actuelle sur une proposition de décret modifiant le décret APE du 25 avril 2002. Une proposition qui prévoit notamment l’établissement d’un cadastre. « Nous nous inscrivons dans le cadre de la déclaration de politique régionale, qui prévoit l’évaluation du système APE », explique Manu Disabato, chef de groupe Ecolo au parlement wallon, qui précise qu’il ne s’agit pas pour son parti de mettre André Antoine en difficulté. « Le but est de permettre un meilleur pilotage du dispositif, explique-t-il. Il s’agit de voir comment les points sont attribués et de pouvoir ainsi délimiter des priorités. Or à l’heure actuelle, c’est un peu opaque. »

Réaliste, le député, s’il déclare que « l’idéal serait de produire un cadastre général » tout de suite, envisage de résoudre le problème de la charge de travail pour l’administration en commençant à comptabiliser dans un premier temps les points à partir « des emplois octroyés aujourd’hui ». Pas d’effet rétroactif donc, à l’heure actuelle, mais une démarche qui tendrait à considérer le jour d’aujourd’hui comme le « moment zéro » du début de l’établissement du cadastre.

Notons également que le décret propose une autre modification importante : renforcer le rôle des ministres fonctionnels. Pour rappel, le système APE a pour objectif la mise à l’emploi des demandeurs d’emploi, mais aussi le soutien aux politiques fonctionnelles régionales ou communautaires. A l’heure actuelle, les « ministres fonctionnels » n’ont qu’un rôle d’avis dans l’octroi des points, contrairement au ministre de l’Emploi qui, lui, donne des décisions d’octroi. Dans ce contexte, la proposition de décret suggère de remplacer, dans la procédure, l’avis du ministre fonctionnel par l’accord de celui-ci et ce, pour toutes les décisions d’octroi.

Forem : un système à gestion séparée

Plus globalement, le dossier des APE a connu d’autres évolutions ces dernières semaines. Ainsi, le projet de décret assurant la déclinaison légale du contrat de gestion du Forem (voir Alter Echos n° 313 du 3 avril 2011 : « Equation à plusieurs décrets pour le Forem »), signé le 13 septembre 2011 (voir Alter Echos n° 323 du 25 septembre 2011 : « Fureur et apaisements autour du Forem) a été adopté en commission du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation et des Sports le 23 avril dernier. Un texte qui prévoit notamment la création d’un système à gestion séparée qui s’occupera de la comptabilité du système APE, notamment. Rappelons que le Forem agit en cette matière en tant que « caisse de paiement » : c’est lui qui, après traitement des demandes d’octroi par le service public et signature (décision d’octroi d’aide) par le ministre de l’Emploi, est chargé d’effectuer le paiement de l’argent correspondant aux points APE.

Auparavant, l’absence de comptabilité séparée en son sein pouvait poser des problèmes dans l’identification de l’argent issu de la sous-consommation des points APE. Aujourd’hui, la comptabilité séparée devrait permettre d’identifier clairement cette sous-consommation et pourrait permettre de réaffecter l’argent à des politiques d’emploi, ce qui n’a pas toujours été le cas. « Nous aurons une clarté totale sur la gestion des APE », explique Philippe Mattart. Une opinion que ne semble pas partager l’opposition puisque, lors de la séance du 23 avril en commission, Anne Barzin (MR) déclarait : « En ce qui concerne la gestion séparée des APE, nous avons l’impression que ce dispositif de gestion séparée est un leurre », avant de préciser que le Forem ne devrait plus avoir la gestion des APE et que ceux-ci devraient être gérés par le service public de Wallonie.

Lors de la même séance, André Antoine a également évoqué l’idée de confier la responsabilité du secteur de paiement des APE à l’administrateur général adjoint du Forem. Un « AGA » qui n’a d’ailleurs pas encore été nommé. « Nous avons demandé une lettre de mission au Forem », explique à ce sujet Philippe Mattart.

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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