« Une interview pour objectiver l’impact la crise sur l’associatif, dites-vous ? Hum, c’est un sujet compliqué… ». Même à travers un combiné de téléphone, nous pouvions deviner la moue perplexe de nos interlocuteurs en leur exposant notre projet de dossier. Depuis quelque temps, la boîte aux lettres d’Alter Échos se remplit de communiqués et de pétitions pour alerter l’opinion sur les difficultés rencontrées par tel ou tel projet. Cinq ans après l’explosion de la crise bancaire et financière, nous avons voulu en mesurer les effets sur les secteurs que l’on couvre.
On ne réalise pas d’économies – le Fédéral a déjà sauvé plus de 22 milliards depuis le début de la législature ! – sans casser des œufs. Mais au stade où nos recherches nous ont menés, rien ne permet d’affirmer catégoriquement que les associations aient fait l’objet de coupes drastiques…
Entre le sentiment d’insécurité financière et la réalité statistique, les effets de la crise de 2007 restent difficilement objectivables. Parce ce que les chiffres ne sont pas assez récents ou demeurent difficiles à lire. Parce que de nombreux motifs d’insécurité financière se juxtaposent: le transfert de budgets dans le cadre de la sixième réforme de l’État, les priorités politiques changeant au gré des législatures, les besoins du public qui augmentent plus vite que les moyens, la multiplication des subsides alloués sur base annuelle, l’indexation des travailleurs, etc.
Et si, dans le fond, tout ceci n’était pas une crise ? Le philosophe français Patrick Viveret confiait dans une interview accordée le 13 septembre au quotidien français Libération que « la crise est une arnaque ». À tout le moins que ce terme, censé désigner une situation aiguë et conjoncturelle, était inapproprié pour des mutations qui perdurent depuis les années 70 et sont loin de se limiter au strict domaine de l’économie. Dans la vague du mouvement des Indignés, l’auteur estime que cette période particulière peut aussi être le terreau de l’innovation et de la créativité citoyenne.
La crise n’existe pas, conclut le sociologue français Michel Maffesoli 1, suivant le même raisonnement. « La confusion des mots finit, toujours, par entraîner celle des choses. (…) Ainsi, dans les périodes de changement, est-il urgent de trouver les mots, sinon totalement justes, du moins les moins faux possible » énonce-t-il dans un texte intitulé… Apocalypse ! Un titre qu’il faut comprendre, précise son auteur, au sens originel de révélation, de transition vers un monde meilleur. De quoi vous redonner un peu de baume au cœur la prochaine fois que vous rencontrez votre banquier ?
Apocalypse, Michel Maffesoi, CNRS, 2009