Afin de lutter contre les discriminations à l’embauche, le mécanisme des appels mystères est désormais une réalité. Bruxelles est pionnière en la matière, et le niveau fédéral a décidé d’appliquer la mesure.
Début janvier, la Chambre adoptait le projet de loi sur les mystery calls, ou appels mystères. L’initiative aura pour effet d’accroître les moyens d’action des inspecteurs sociaux. À la suite d’un signalement, ceux-ci pourront désormais contacter avec un pseudonyme tout employeur afin de constater des cas de discrimination. «Les appels mystères sont possibles chez chaque employeur et dans chaque entreprise individuelle, quelle que soit sa taille», précise Didier Deweerdt, porte-parole de Kris Peeters, ministre fédéral de l’Emploi (CD&V). Ce dispositif ne pourra être utilisé qu’en dernier ressort, sur la base d’une présomption de discrimination et lorsque toutes les autres méthodes d’enquête se sont révélées insuffisantes.
«Peu de cas sont rapportés, et la DGO6 reçoit très peu de plaintes», Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre wallon de l’Emploi
Du côté d’Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, on se réjouit de cette décision. Pour son directeur, Patrick Charlier, «ce n’est pas un point final, mais un point de départ». Et ce dernier d’affirmer qu’il faudrait aller plus loin: «Nous devons couvrir l’ensemble du pays en permettant des inspections ciblées, peu importe le lieu de travail. Nous invitons les ministres flamands et wallons à s’inscrire eux aussi dans cette démarche.»
Surcharge inutile ?
C’est que les Régions sont, elles aussi, compétentes pour s’emparer de cette question. En la matière, Bruxelles est pionnière. La nouvelle ordonnance régionale sur la lutte contre la discrimination à l’embauche est d’ailleurs entrée en vigueur le 1er janvier, mettant en place les appels mystères et les tests de situation, ces derniers consistant à envoyer de fausses identités, des paires de candidatures similaires aux employeurs, candidatures ne variant que sur un seul point, à savoir le critère discriminant «testé». «La mesure fédérale est une copie conforme de l’ordonnance bruxelloise. À la différence que nous visons les cas de discrimination ayant lieu au moment de l’embauche et non dans le cadre de l’exercice d’un emploi. En effet, la Région n’est compétente que pour cette matière», explique Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi (Défi). «Il n’y a donc aucun risque de double contrôle par des autorités différentes. Une concertation a eu lieu de manière à bien établir les limites de l’ordonnance bruxelloise et de la loi fédérale. Sur le territoire de la région, pour tous les dossiers relatifs à la discrimination à l’embauche, c’est l’inspection régionale de l’emploi qui est habilitée à faire les tests», prévient le ministre. Sur la base de ces contrôles, les employeurs bruxellois pris en flagrant délit de discrimination pourront être auditionnés par l’inspection, puis éventuellement renvoyés au pénal. Les subventions régionales qu’ils perçoivent pourront également être gelées si nécessaire.
De son côté, la Wallonie a décidé de ne pas mettre en place le système. «Le fédéral étant compétent pour effectuer les contrôles sur tout le territoire belge, l’introduction d’une telle mesure en Wallonie engendrera des difficultés puisque deux services de contrôle seraient compétents sur le même territoire et ce serait ajouter une charge de travail supplémentaire sur les agents pour un travail déjà effectué à un autre niveau de pouvoir», affirme Pierre-Yves Jeholet (MR). Le ministre de l’Emploi pointant, au sud du pays, une difficulté d’objectiver le besoin «car peu de cas sont rapportés, et la DGO6 (NDLR: direction générale opérationnelle de l’Économie, de l’Emploi et de la Recherche) reçoit très peu de plaintes».
En Flandre, c’est le secteur des titres-services qui a décidé, de sa propre initiative, d’utiliser le système des appels mystères à partir de cette année, en créant une asbl pour mener des contrôles et permettre de découvrir où le bât blesse.
En savoir plus
Alter Échos n°451, «Discrimination à l’embauche: l’ennemi intérieur», Alessandra Leo, 27 septembre 2017.