À Bruxelles, Intersection est le seul service de la région qui organise la mise en autonomie de jeunes à leur sortie d’IPPJ. Dans les faits, les jeunes sont surtoutorientés vers un retour en famille. Les moyens alloués à la mise en autonomie rendent difficile son application concrète.
La sortie de l’IPPJ est un moment crucial pour les jeunes qui ont commis un fait qualifié infraction. On peut lire à ce sujet, dans le rapport de la table ronde organisée parla Fondation Roi Baudouin sur la délinquance juvénile, que le placement doit « déboucher sur un après structuré et organisé, sur lequel doitêtre focalisée toute la durée du placement ».
À Bruxelles, « Intersection »1 est un service qui organise cet « après », au sein du Home Juliette Herman, un Service d’accueil et d’aideéducatif situé à Laeken. Il accompagne des jeunes, qui pour certains sortent d’IPPJ, vers l’autonomie ou vers la réintégration au sein de la cellule familiale.
Intersection propose un suivi de six mois, renouvelable une fois. Marc Struyf est coordinateur du service. Selon lui, la méthode de travail peut se résumer simplement :« Nous entrons dans une relation d’aide qui se construit à partir de contenu, à partir de démarches concrètes auprès d’une école, d’un club desport, de la famille. On est en plein dans l’éducatif. »
C’est en 2007 que Catherine Fonck (CDH), ancienne ministre de l’Aide à la jeunesse, a voulu développer le post-IPPJ, et c’est donc à cette époque qu’Intersection a vuson équipe s’étoffer pour accueillir ce nouveau public. Pour Marc Struyf, « beaucoup de jeunes qui ont terminé leur temps en IPPJ sortent sans rien derrière, oubien restent plus longtemps en institution car il n’y a pas d’alternative ». Depuis 2007, Intersection a suivi une quarantaine de jeunes après leur placement. Le juge de la jeunesseou le service d’accompagnement post-institutionnel en IPPJ savent bien qu’il existe une option pour faciliter cette sortie vers l’autonomie. La preuve, Intersection reçoit un nombre dedemandes cinq fois plus élevé que sa capacité. Il y a donc de nombreux refus de prise en charge, et le besoin est toujours criant.
Intersection sous la lorgnette d’une étudiante
Marie Joachim est étudiante en sociologie (Master 2), à l’UCL. Après plusieurs mois de stage, elle vient de sortir son mémoire de fin d’études sur le serviceIntersection et, au-delà, sur la mise en autonomie.
Dans ce travail fouillé, où les avantages et les limites de la mise en autonomie sont détaillés, un étonnant paradoxe nous est rappelé :« Alors qu’ils ne disposent pas de bagages suffisants et appropriés, la société enjoint à ces jeunes d’être autonomes plus rapidement que les autres, sanstoujours leur fournir les moyens d’y parvenir. Dans ces circonstances, la présence du service prend tout son sens2… »
.
Pour être autonome, il faut pouvoir payer
« À l’époque, en lançant ce nouveau projet, l’objectif politique était que la prise en charge aboutisse à la mise en autonomie de 80 % de cesjeunes et au retour en famille pour 20 % d’entre eux. Dans les faits, on a le ratio inverse : nous travaillons au retour en famille dans 85 % des cas et la mise en autonomie ne concerne que 15 %du public. Le retour en famille nécessite pourtant un travail plus intense car le jeune est souvent en rupture avec ses proches », nous affirme Marc Struyf. Comment expliquer cephénomène ? Tout simplement par une question de moyens.
Pour être autonome, il faut pouvoir payer un studio et verser les deux mois de garantie locative. Enfin, il est nécessaire qu’un adulte responsable signe un bail. Chaque mois, lejeune reçoit 650 euros pour son loyer… et pour tout le reste, soit une somme inférieure au revenu d’intégration. Quant à la garantie locative, les possibilitésoffertes par le CPAS ne concordent que rarement avec les desiderata des propriétaires (paiement rapide, parfois en liquide…). Enfin, ces jeunes sont souvent en rupture avec leurenvironnement familial. Dès lors, on compte peu de volontaires pour signer le bail.
Les quatorze services agréés pour la mise en autonomie après placement se sont unis pour demander que les jeunes concernés par ce type de suivi reçoivent aumoins l’équivalent du revenu d’intégration, chaque mois. Aux yeux de Marc Struyf, « il est aussi nécessaire de créer un fonds pour les garanties locatives [pourmineurs], quand on voit les sommes investies pour les structures fermées et ce qu’on demande… ce n’est pas beaucoup. »
1. Intersection, Home Juliette Herman :
– adresse : rue Médori, 70 à 1020 Bruxelles
– tél. : 02 475 42 00
– courriel : ccoppe@cpasbru.irisnet.be
2. UCL, rapport de stage effectué de septembre à décembre 2009 au service Intersection.