La misère du monde de Pierre Bourdieu et, dans son sillage, nombre d’ouvrages ont montré l’importance de partir de la connaissance des personnes les plus pauvres pour élaborernos connaissances sur la pauvreté. Avec Le croisement des pratiques. Quand le quart monde et les professionnels se forment ensemble, publié en octobre, ATD Quart-Monde entend franchirun pas supplémentaire.1
Il y a trois ans, la démarche qui avait abouti à l’ouvrage Quart monde et université. Quand le quart monde et l’université pensent ensemble, avait montré lesrésultats et les leçons à tirer d’une expérience de construction conjointe de connaissances par des « militants » d’ATD et des scientifiques. Ce travail s’estpoursuivi, entre professionnels du social (aide à la jeunesse, petite enfance, insertion, aide sociale, enseignement, police, etc.) et des militants. Ambition : non seulement produire etmettre en forme, mais surtout confronter et croiser les savoirs que chacun, quelle que soit sa position, tire de son expérience de la pauvreté. Et plus avant, s’interroger sur lesconditions qui permettraient, de manière générale, chez les professionnels comme chez les plus pauvres, d’approcher le monde de l’autre en prenant en compte chaque logiquepropre.
Il en sort un ouvrage lourd de considérations méthodologiques, mais qui relate le contenu et la progression des échanges de cinq groupes de travail thématiques, etleurs réflexions communes sur les conditions à mettre en place pour reproduire ce type d’interactions.
Retombées
Originalité de la démarche à mettre aussi en avant, les professionnels qui ont participé à cette année et demie de travaux étaient là avecun mandat de leur institution, à charge pour celle-ci d’« étudier les possibilités d’adapter les enseignements (de cette coformation) à leur propre contexte».
Daniela Miorin a participé à la démarche d’ATD. Coordinatrice « accompagnement » à l’Office de la naissance et de l’enfance de LaLouvière, elle supervise le travail des assistantes sociales, infirmières, aides soignantes etc. chargées des consultations ONE et des visites à domicile. « Ladémarche d’ATD nous a permis d’expliciter cette dimension de double cadre de référence – celui des travailleuses sociales et celui des familles pauvres.C’est une dimension de mon travail d’accompagnement et de supervision de toutes les travailleuses de terrain. Il faut harmoniser ces différents cadres de référence enlaissant la juste place aux familles. C’est un travail sur la culture des travailleurs sociaux que propose ATD. Ici, cela a été d’autant plus facile que c’étaitla période où l’ONE menait en Hainaut un travail sur la bientraitance. Pour ce qui est des effets de cette approche d’ATD, ils ne sont évidemment pas quantifiables,mais on les voit surtout dans les relations que nos travailleuses sociales nouent avec des familles qu’on dit « à problèmes ». Nos travailleuses progressent mieux,mettent en place des relations plus adéquates. Conscientes de ces différents cadres de référence, elles vivent mieux ces relations. Et cela rejaillit sur les rapports avectoutes les familles. L’approche d’ATD fonctionne avec toutes les familles. Il n’y a pas qu’elles qui ont d’autres manières de voir les choses que les travailleurssociaux ! »
Ce programme d’ATD est aujourd’hui clôturé. Il se prolonge toutefois par des formations à cette approche, mises en place avec des écoles sociales ou desorganisations de formation continue de travailleurs sociaux (Institut Cardijn à Louvain-la-Neuve ou CITS de l’ISSHA à Mons).
1. 228 pages, 11 euros. Comm. ATD Quart-Monde, rue Victor Jacobs 12 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 647 99 00, fax : 02 640 73 84, e-mail : atd.bruxelles@skynet.be
2. ONE La Louvière, rue Bois de l’Houpette 35 à 7110 Houdeng-Geugnies, tél. : 064 22 58 25.
