Redynamiser le temps d’attente, parfois très long, des demandeurs d’asile, pour lui conférer sens et utilité, c’est le pari, gagné, d’un projetambitieux mené en partenariat par la Croix-Rouge1 et le Ciré2 dans les dix centres d’accueil Croix-Rouge en Communauté française. Projet pilotedepuis 2005, les deux partenaires travaillent à la pérennisation de la formation Arcada pour 2008.
C’était l’ambiance des grands jours ce 30 novembre à l’Atelier Dolce Vita à Saint-Josse où une foule bigarrée se pressait pour le vernissage« Arcada ». Pour l’essentiel, de nombreux participants issus de différents centres d’accueil de la Communauté francophone, des partenaires, des animatrices duCiré et de la Croix-Rouge, mais aussi des amis, des collègues venus découvrir le fruit du travail artistique déployé par les participants à la formation.
« Cet atelier artistique proposé le premier jour de la formation Arcada privilégie une alternance entre un temps de production dans la première partie de lajournée et, dans la deuxième, une présentation par chaque participant de son œuvre…, explique une animatrice du Ciré. Temps de parole,d’évocation et d’associations verbales libres sur la base de ce que chacun a traversé. À partir d’une approche libre et non directive basée sur lecollage et la peinture, chaque participant est ainsi amené vers l’appropriation de son vécu, la réappropriation de certains aspects de ses expériences passéeset la revalorisation de soi. »
Une formation jugée « utile »
Véritables mosaïques de petits bouts d’histoires de dizaines de demandeurs d’asile, colorent ainsi les murs de l’atelier Dolce Vita. Chacun y va de son commentaire,son explication dans une atmosphère festive et bien loin des vernissages guindés des galeries sélectes de la capitale. On se congratule aussi. Et il y a de quoi, la formationsemble avoir atteint son objectif : permettre au demandeur d’asile de s’approprier ou de se réapproprier les raisons pour lesquelles il a immigré, le faisant ainsi passer dustatut de demandeur à celui d’acteur. Et, à cet égard, l’évaluation effectuée par les participants en fin de parcours est on ne peut plus encourageante: 100% de satisfaction.
Une formation, sur base volontaire bien évidemment, qui se déroule sur dix jours (cf. encadré) avec quelques semaines plus tard, un entretien individuel avec une desanimatrices Arcada. Ceci permet de vérifier les acquis de la formation et de poursuivre la réflexion sur les pistes d’action envisageables. D’autres activités en lienavec la formation Arcada sont proposées lorsque cela est possible : séance d’information du Ciré sur l’équivalence des diplômes, visite d’un salondes études et professions, participation à des colloques, stage d’animation, formations sur le terrain, etc.
• Jour 1 : Atelier artistique
• Jour 2 : Profil personnel
• Jour 3 : Profil professionnel
• Jour 4 : Introduction à la micro-entreprise
• Jour 5 : Initiation à la création d’une micro-entreprise
• Jour 6 : Bilan des compétences
• Jour 7 : Projet migratoire
• Jour 8 : Projet collectif « Le héros en soi »
• Jour 9 : Discussion philosophique autour de la rencontre de l’Autre
• Jour 10 : Évaluation de la formation
Rétroactes
Ce projet a vu le jour en juin 2005, pour les demandeurs d’asile résidant dans le réseau d’accueil de la Coordination et initiatives pour et avec lesréfugiés et étrangers (Ciré). L’équipe du Ciré est partie du constat que les programmes d’orientation socioprofessionnelle s’adressent auxréfugiés et aux migrants, et non aux demandeurs d’asile. Or, ces derniers vivent des difficultés liées à leur cheminement socioprofessionnel. Durant lapériode d’attente liée à leurs démarches administratives, ils ne se préparent ni à leur intégration éventuelle ici, ni à leurintégration éventuelle au pays. Cet état de fait amène les intervenants à constater que les demandeurs d’asile perdent certains acquis reliés àleurs expériences professionnelles au pays, se heurtent à des refus répétés de la part des établissements qui offrent des formations en Belgique et neparviennent pas à concrétiser un ou plusieurs projets qu’ils ont en tête et qui pourraient rendre leur période d’attente enrichissante, peu importe oùils vivront dans le futur . Un projet pilote se développe donc début 2006. Le Ciré constate alors qu’il existe un véritable intérêt à offrircette formation à un public plus large et contacte la Croix-Rouge de Belgique pour voir s’il est possible de lancer des groupes au sein de son réseau d’accueil.
Dès le début de l’année 2006, le Fonds européen pour les réfugiés (FER) se montre intéressé par la démarche du Ciré et,c’est en juin 2006, que le financement est accordé au Ciré et à la Croix-Rouge afin que les deux partenaires développent la formation Arcada dans les structuresd’accueil de la Croix-Rouge, élargissant ainsi la population visée au départ. Les deux partenaires s’engagent aussi à produire un guide d’orientationpour les intervenants sociaux accompagnant une population composée de demandeurs d’asile cherchant à intégrer une formation professionnelle. Enfin, le ministre del’Intégration sociale et l’administration demandent aux deux partenaires de mettre en œuvre les conditions nécessaires à une évaluation rigoureuse duprojet afin de déterminer s’il y a lieu de le pérenniser et de systématiser son application.
Arcada, quelques points de repère…
• Projet initié par le Ciré en tant que projet pilote en 2005. Les premiers bénéficiaires sont issus du réseau d’accueil du Ciré.
• Financement du Fonds européen pour les réfugiés (FER) obtenu en juin 2006 pour le poursuivre jusqu’à fin 2007, en partenariat avec la Croix-Rouge.
• Huit groupes de formation et 135 bénéficiaires depuis le début du projet FER, issus des 10 centres d’accueil de la Croix-Rouge de Belgique – Communautéfrancophone.
• Réalisation et impression de 1 000 guides sur l’accès des demandeurs d’asile à la formation pour aider les intervenants sociaux dans leur travaild’orientation de ce public.
• Vingt-trois intervenants sociaux ont bénéficié d’une formation de formateurs Arcada, pour a
ssurer la pérennisation du projet à partir de 2008.
Les perspectives
À ce stade-ci, le Ciré et la Croix-Rouge ont démontré les effets positifs sur les demandeurs d’asile et sa transférabilité puisque le processus deformalisation des contenus et de la méthodologie a été effectué et que la formation des formateurs est en cours. Au sein de la Croix-Rouge, la question del’implantation du projet Arcada dans les centres est abordée, reste à mettre en route les stratégies et les moyens pour que le processus de formation s’enclenche.
« Il semble également que la Fédération des CPAS wallons porte un intérêt particulier au projet et souhaiterait l’implanter auprès de sesusagers, explique Emmanuel Sindayihebura, responsable Arcada au niveau de la Croix-Rouge. Des contacts ont été établis avec la Fédération et quelqu’un de leurservice formation a suivi la formation théorique et a participé à plusieurs rencontres avec les participants Arcada. Au-delà, pour la pérennité du projet, ilappartiendra aux partenaires de l’accueil, à Fédasil, au ministre de décider, dans le cadre du chantier sur la politique de formation des demandeurs d’asile,s’il y a lieu de généraliser ce type d’actions pédagogiques.»
1. Département Accueil des demandeurs d’asile (ADA) de la Croix-Rouge de Belgique – Communauté francophone :
– adresse : rue de Durbuy, 140 à 6990 Melreux
– tél. : 084 36 00 82
– courriel : info-ada@redcross-fr.be
– site : www.croix-rouge.be
– contact : Emmanuel Sindayihebura, responsable du projet Arcada.
2. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.irisnet.be
– site : http://www.cire.irisnet.be
– contact : Malou Gay, responsable du projet Arcada.