Dans un marché de l’emploi en crise, s’il est un secteur qui rencontre du succès auprès des personnes à la recherche d’un travail, c’est celuide la formation. A côté des filières de formation gratuite organisées ou subventionnées par les pouvoirs publics, il existe aussi pléthore d’offres deformation qui relèvent purement et simplement de l’arnaque. Domaines privilégiés : les métiers de secrétaire médicale, podologue, esthéticienne,pédicure, langues, détective privé, garde du corps, mannequin, modèle, hôtesse d’accueil, agent commercial, garde-chasse, reporter-photographe, comptable,informatique…
L’imagination des auteurs de ces arnaques à la formation est sans limites et repose sur la crédulité, voire le désarroi de jeunes sans diplôme,d’hommes et de femmes à la recherche d’un statut social et d’un revenu décent. « Nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’une formation coûteusesera meilleure, alors qu’ils hésiteront à suivre une formation dans le même domaine, organisée par les pouvoirs publics, parce qu’elle est gratuite »,explique Jean-Paul Lebas, auteur du guide « Les arnaques à l’emploi et à la formation » édité par le centre communautaire des Équipes populaires1. « Ces offres de formation sont le fait de sociétés commerciales qui usent des artifices de la publicité pour faire miroiter l’obtention d’un diplôme etd’un accès à un titre professionnel. Victime, le demandeur d’emploi paie pour du vent… »
Les mécanismes de la supercherie
Ces sociétés vendeuses de formations et de diplômes achètent des espaces publicitaires dans les toutes-boîtes, dans certaines revues féminines ou plusspécialisées, vers les pays d’Afrique notamment. Elles se propagent également via Internet. Elles s’affublent de noms utilisés habituellement dansl’enseignement tels que Université, École, Institut, Académie, Centre de formation… Des noms qui, en Belgique, ne sont pas protégés et qui peuvent doncêtre utilisés sur le plan commercial sans que les autorités ne réagissent. Elles rassurent en annonçant être soumises au « contrôlepédagogique de l’État ». Certaines affirment délivrer « un diplôme européen ». Elles vantent la qualité de leur produit en promettantun emploi à la clé… Autant de publicités mensongères qui s’adaptent en général à la réalité du marché del’emploi. « Quand il y a eu un intérêt croissant pour les questions d’environnement, on a vu apparaître des ventes de formation de garde-chasse ou degarde-forestier ». Actuellement, les services de l’Inspection économique2 traitent deux plaintes pour une formation de « bodyguard » : le secteur de lasécurité est en effet en pleine expansion.
Autre caractéristique de ces sociétés ou asbl arnaqueuses, la signature d’un contrat avec paiement des « cours » par mensualités. « Et en cas denon-paiement, les personnes se heurtent à un réseau parfaitement huilé, avec menaces de recours à une action judiciaire ou intervention d’une sociétéde recouvrement de créances, sous couvert de courriers faussement attribués à des huissiers ou avocats. » Les victimes hésitent alors souvent à déposerplainte par crainte de cette action judiciaire, mais aussi par méconnaissance du système de protection du consommateur. Nombreuses sont celles qui ont également peur de seridiculiser en avouant s’être fait piéger. Enfin, même condamnées, ces sociétés ressurgissent sous d’autres noms. « À cetégard, l’exemple d’Educatel est particulièrement saisissant. Condamnée à huit reprises dans les années 90, cette société de vente de courspar correspondance revenait à chaque fois sous une autre marque. Aujourd’hui, le site web belge de la société affiche ‘en construction’ tandis que le sitefrançais reste lui bien actif… On peut s’attendre à la voir ressurgir sur le territoire belge ».
Informer avant tout
Au ministère des Affaires économiques, les services de l’Inspection explicitent les limites de leurs interventions. « Au départ d’une plainte, nous examinonsla pratique commerciale et nous l’évaluons en termes de légalité. Nous examinons donc l’exécution du contrat : si la formation vendue annonçait 24séances, examen et titre délivré, cela doit être le cas. Nous n’examinons pas la valeur du titre, sauf dans le cas où l’offre annonçait unereconnaissance officielle par les pouvoirs compétents, à savoir les Communautés européennes. Nous examinons aussi le respect des lois en termes d’obligation de TVA,de registre de commerce. En bout de course, s’il n’y a pas d’affirmations fausses ou de fonctionnement illégal, nous ne pouvons rien faire. Dans le cas où noussoupçonnons une escroquerie, nous transmettons le dossier au parquet. La fermeture de ce genre de sociétés est pratiquement impossible puisque seules les fermeturesd’entreprises pour raison de santé publique ou d’atteinte à l’ordre public sont autorisées. Enfin, quand il y a eu condamnation par le tribunal et que la detteest effacée, rien n’empêche la reprise des activités… jusqu’à une éventuelle autre condamnation. » La question de la validité dudiplôme et de ses effets académiques relève de la compétence des Communautés. L’administration de la Communauté française3 est d’ailleursde temps en temps sollicitée par des personnes qui effectuent des vérifications. « La Constitution garantit la liberté de l’enseignement. Mais nous avons une listedes établissements reconnus complétée par une liste, émanant du ministère de l’Intérieur, des écoles privées reconnues… Parce queprivé ne veut évidemment pas dire automatiquement arnaque. Si certains diplômes ne permettent pas de poursuivre le cursus dans l’enseignement ou le secteur public, ils sonttoutefois valides aux yeux des employeurs du secteur privé… Quant à la validité d’un cours sur le plan de l’accès à la profession, il fauts’adresser à chaque ministère compétent. »
Devant l’internationalisation des publicités, l’absence de réglementations plus sévères, l’inexistence d’une liste exhaustive des professionsprotégées… l’information reste encore le moyen préventif le plus efficace. Le groupe de travail, dont Jean-Paul Lebas est membre aux côtés des syndicatset de la Ligue des droits de l’homme, organise des séances d’information à destination des publics fragilisés. « CPAS, régie de quartier, comitéde quartier, groupe de demandeurs d’emploi… Nous passons en revue avec eux les différents types d’arnaques, mais il nous arrive aussi de soutenir activement les personnesvictimes d’une de ces supercheries… Test Achats, pour ses membres, et la Ligue des familles sont d’autres soutiens possibles. »
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1. Pour plus d’informations : Équipes populaires, route de Gembloux 48 à 5002 Namur, tél. : 081 73 40 86.
2. Inspection économique (administration centrale), rue Simon Bolivar 30 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 208 36 11.
3. Direction générale de l’enseignement non obligatoire et de la recherche scientifique – Cité administrative de l’État, rue Royale 204 à 1010Bruxelles.