La Revue nouvelle a lancé depuis la mi-mars un site de blogs. On y retrouve désormais les analyses et les prises de position de quelques-uns de ses contributeurs. L’occasion de découvrir cette carte blanche signée par le chroniqueur « Anathème » http://www.revuenouvelle.be/blog/anatheme
Longtemps, nos ancêtres adorèrent de faux dieux, ils crurent au pouvoir d’esprits chimériques, à la puissance des forces de la nature ou à celle d’une divinité qui serait partout et en tout, saurait tout, mais nous laisserait en même temps libre de tout. Pas étonnant que notre civilisation ait pu stagner à ce point, que nous ayons été la risée d’une humanité entière qui, nous voyant avancer derrière nos canons, détruisant tout sur notre passage, devait nous plaindre pour ce vide intérieur qui nous poussait à envahir les autres.
Cette époque obscure est révolue, nous avons trouvé la voie.
Désormais, un seul livre magique nous suffit : nous y inscrivons notre problème, nous le refermons et nos soucis disparaissent. Le langage qui y est tenu est simple, même s’il recèle maintes subtilités. Et nos prêtres sont à nos côtés, leur clairvoyance nous aide.
Chacun peut y aller de son livre sacré : l’État fédéral, les Communautés, les Régions, les collectivités locales. Chacun peut y suggérer une inscription, la place ne manque jamais : politiques, citoyens, société civile, sociétés commerciales, victimes, discriminés de tous bords, mouvements en tout genre.
On ne sait quoi faire des signes des anciennes religions ? Une inscription nous ouvrira la voie de la concorde sociale. Les femmes se font-elles insulter en rue ? Une autre prévoira la répression des méchants pour le plus grand bonheur des gentils. D’horribles individus en tuent-ils d’autres, non par amour, mais par haine ? On prévoit de durcir les sanctions en cas de crimes motivés par la haine. De peu recommandables membres de notre société s’en prennent-ils à des gens en uniforme ? L’on porte au livre sacré que sera châtié plus durement qui s’attaquera à des gens vêtus de bleu. Souffre-t-on de voir si tôt libéré l’un ou l’autre criminel que l’on n’aimerait croiser dans les rayons de son hard-discounter favori ? L’on prévoit de celer les ignobles plus longtemps que les simples répugnants.
Une fois l’inscription proprement enluminée, il ne reste qu’à fermer le livre. Le destin pourvoira au reste. En tout cas, le problème ne nous appartient plus. Et si, d’aventure, le remède n’était pas efficace, il suffirait de préciser le texte, de l’enjoliver quelque peu, de le copier à divers endroits, de l’assortir de circonstances aggravantes, de l’agrémenter d’incompressibilités, de le parer de menaces encore plus terribles.
Cela devrait suffire.