Ce bistrot culturel est le résultat de ce qu’en font ses protagonistes. Rencontres en zone mixte, réflexions en zone neutre.
L’Ecume des jours de Boris Vian est déposé sur le « Pianocktail1 ». Ce mot-valise puisé dans les pages du poète françaisest un piano de vieux bois. Celui-ci ne fonctionne plus, mais il fut un temps où chaque note frappée faisait couler un liquide doux et sucré. Le breuvage était le fruitd’une mélodie particulière. La douceur de l’anecdote et le mélange de sa confection sont le reflet de ce qu’est ce bistro culturel, d’accueil et de rencontre de la rue Haute, aucœur des Marolles.
Ce soir, place au café philo. Une dizaine de personnes se rassemblent autour des tables. Le rideau se ferme « pour rendre le lieu plus cosy », explique lemodérateur. Chaque participant donne son prénom, ni plus ni moins. La discussion tournera autour de « l’inconscient dans la vie ». L’espace devient alors parole etles langues, petit à petit, se délient. Libre à chacun de s’exprimer, il sera écouté. La spontanéité y est presque un mot d’ordre et laisse entrevoirdes personnalités bien distinctes. Les deux heures d’un débat riche de la diversité de ses participants passent à la vitesse de l’éclair. Certes, les participantsse sont éloignés du sujet de départ. Qu’à cela ne tienne, la discussion semble avoir été porteuse pour tous.
Le « Pianocktail » a été fondé il y a deux ans par quinze personnes ayant fait le constat de l’existence mitoyenne de couches dans l’univers urbain. Cescouches qui se côtoient, mais ne se rencontrent pas. Dès lors, pourquoi ne pas agir comme maillon de la chaîne sociale ? « On veut lutter contre le systèmede ghetto », glisse François Tirtiaux, responsable du projet.
Marianne Steegmans, secrétaire et membre active, souligne l’essence même du Pianocktail : « Les gens qui y viennent s’approprient le lieu ». Il est donc lereflet de ce qu’ils en font ; une zone mixte et métissée. « C’est un lieu de rencontre ouvert à tous, jeunes et moins jeunes, avec ou sans emploi »,explique-t-elle, précisant l’intérêt particulier de personnes isolées ou fragilisées. « C’est avant tout une rencontre entre des êtres humains, sansdistinction aucune », chuchote F. Tirtiaux. « Une forme d’accueil », poursuit-il à demi-mot.
La culture (via des expositions, divers ateliers…) y occupe une place prépondérante. « Elle permet de dépasser les clivages de lasociété », se réjouit Marianne Steegmans.
Le lien social, la rencontre de l’autre, l’approche culturelle sont les points d’ancrage du Pianocktail. Ce bar n’a effectivement aucun but lucratif. L’argent est cependant le nerf de la guerre etle Pianocktail n’échappe pas à la règle. Pour survivre, il reçoit des subsides du CPAS de la Ville de Bruxelles. La Fondation Benoît se charge quant à elle depayer le loyer. « Jusqu’à la fin de l’année 2012 », regrette M. Steegmans.
L’égalité comme leitmotiv
« Le bar est ouvert à ceux qui veulent y donner de leur temps, sans comparaison, sans rapport de force », détaille M. Steegmans. Cette égalité sepoursuit jusque dans la structure horizontale de l’organisation ; le projet s’inscrit dans une démarche de gestion participative. Les membres de l’assemblée généraley ont chacun un rôle assorti de responsabilités. « Tout y est décidé démocratiquement », poursuit-elle, rechignant à se mettre en avantpar rapport au groupe, hésitant à se faire le porte-parole de la collectivité. Nos interlocuteurs ne tiennent pas à ce que grand bruit soit fait autour de leur bistrot.Leur manière d’en parler en dit long sur leur envie de protéger le lieu, « parfois victime de son succès ».
1. Pianocktail :
– adresse : rue Haute, 304 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 218 46 34
– site : www.pianocktail.be
– courriel : lepianocktail.bruxelles@gmail.com