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Au Royaume-uni, Atos terrorise les handicapés

Scandale national au Royaume-uni. Atos, une entreprise française chargée d’évaluer l’incapacité de travail des handicapés, sème la terreur par ses méthodes douteuses. La privatisation du social est au cœur d’un dossier spécial d’Alter Echos.

27-05-2014
Flickr © Roger Blackwell

Au Royaume-Uni, Atos, une entreprise française, évalue pour le compte de l’État la capacité de travailler des personnes handicapées. Ses méthodes sont au cœur d’un scandale national. Exemple extrême de ce que la privatisation du social peut engendrer. Une privatisation au cœur d’un dossier spécial à lire dans le dernier numéro d’Alter Echos.

Comme souvent, lorsqu’il s’agit de privatiser les services publics, le Royaume-Uni est à la pointe. Mais cette fois-ci, ça ne passe vraiment pas. Il faut dire que la méthode a de quoi choquer.

Désirant fortement réduire les allocations pour personnes handicapées en incapacité de travailler, le gouvernement de David Cameron a choisi, en 2010, une mesure radicale. Confier à la société française Atos – en l’occurrence à sa filiale anglaise Atos Healthcare – le soin d’évaluer la capacité de travailler des 
2,6 millions de personnes handicapées bénéficiant d’une aide de l’État.

Certes, le gouvernement de David Cameron n’a rien inventé. Les premiers contrats d’Atos ont été décrochés à l’époque travailliste. Mais à partir de 2010, on change d’envergure et de méthode. Les enjeux sont financiers. Les allocations d’une personne reconnue comme «apte à travailler» sont environ 30% inférieures à celles qu’elle recevrait si elle ne l’était pas. Il est donc beaucoup plus avantageux pour l’État d’avoir à indemniser de nouveaux chômeurs que des handicapés «assistés».

L’angoisse du test

Au cœur de la tourmente : le test de «capacité au travail» mené par Atos. Celui-ci a très vite été décrié. Des associations, des élus, des collectifs se sont mobilisés contre la manière forte des agents d’Atos. Les témoignages se sont multipliés confirmant la suspicion généralisée qui plane sur les personnes handicapées, l’attitude hostile des médecins et des infirmiers faisant passer le test. «Si vous n’êtes pas en chaise roulante, on ne vous croit pas», expliquait au journal 
Le Monde une jeune fille handicapée. Des diagnostics pour le moins originaux ont été mis en lumière. Des personnes mourantes, à l’hôpital, ont été considérées comme aptes à travailler!

Pour beaucoup de personnes handicapées, la perspective d’une confrontation avec les agents d’Atos est devenue une source d’angoisse indescriptible. Le Guardian, dans son édition du 27 mars 2014, évoque même des suicides liés à la pression psychologique exercée par l’entreprise et à la perspective de perdre une partie non négligeable des allocations mensuelles.

La non-fiabilité du test d’Atos est largement confirmée par les tribunaux. Environ 40% des recours introduits aboutissent à des décisions favorables pour les personnes handicapées (les recours concernent les décisions relatives à l’incapacité à travailler qui sont prises par l’administration… sur la base du test d’Atos). Face à l’inflation spectaculaire du nombre de recours, le gouvernement britannique a réagi avec diligence, dans un style punitif. Désormais, pendant la durée de la procédure, les plaignants ne recevront pas d’aide du tout! Selon The Independent, ce sont des milliers de personnes qui pourraient ainsi se retrouver sans revenu.

Pas de prolongation de contrat pour Atos

Vu l’ampleur du scandale, Atos et le Royaume-Uni ont décidé de se séparer. Côté gouvernement, on donne l’impression d’agir. Pour Atos, les dommages en termes d’images ont été colossaux. De plus, malgré les 133 millions d’euros annuels que touche l’entreprise pour cette mission, celle-ci estime «ne plus gagner d’argent» avec ce contrat.

Le départ d’Atos changera-t-il quelque chose? Un fusible, qui cristallise désormais toutes les colères, a sauté. Mais Atos sera bien vite remplacé. On parle d’ores et déjà d’entreprises privées comme Serco et G4S pour prendre la relève. Cette dernière étant notamment connue pour ses nombreux contrats dans le domaine de l’enfermement des étrangers dans les centres fermés d’Europe.

À l’heure actuelle, de plus en plus de voix au Royaume-Uni s’élèvent contre la sous-traitance de ce type de missions à des entreprises privées. Peut-être que le scandale Atos n’aura été qu’une goutte d’eau. Fera-t-elle déborder le vase?

Consultez notre dossier et ses articles concernant la privatisation soins de santé, la prison de Marche-En-Famenne et son partenariat public-privé, l‘obligation de recourir à des services d’outplacement en cas de licenciement ou encore les « bons cadeaux » pour la consultation d’un avocat.

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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