Il y a un an tout rond, nous vous livrions un Edito sur la « contrôlite »1. Entre autres symptômes, une société atteinte de « contrôlite » se met à placer des caméras à tous les coins de rue, à sanctionner les ados turbulents (lire interview p. ? « Joelle Milquet vide son Sac »), à bannir mendiants et prostituées de ses centres-villes, etc.
Une révolution (terrestre) plus tard, l’épidémie semble avoir gagné du terrain. Après Anvers, Gand, Liège, Etterbeek, c’est au tour de la commune de Charleroi d’énoncer de nouvelles réglementations en matière de mendicité. Histoire « d’encourager les personnes qui font la manche à faire appel de manière équilibrée à la solidarité des Carolos », dixit le bourgmestre Paul Magnette (lire « Pas de manche le dimanche à Charleroi »).
A ce rythme, on va finir par retourner au temps où on enfermait les mendiants à Saint-Hubert… Hasard du calendrier, une proposition de Loi déposée en 2012 par la sénatrice MR Christine Defraigne contre la mendicité accompagnée d’enfants est discutée actuellement en commission de l’Intérieur du Sénat, criminalisant un peu plus encore une population rom qui souffre déjà beaucoup des discriminations. « De nombreux parents roms sont véritablement acculés à la mendicité, non pas par tradition ou par culture, mais par nécessité », rappellent la Ligue des droits de l’Homme, le délégué général aux droits de l’Enfant, et une vingtaine d’autres acteurs de défense des droits de l’Enfant et des droits des étrangers dans une lettre commune. Ne soyons pas angélique, les mafieux qui exploitent l’innocence des enfants pour toucher le bon coeur des passants, cela existe. Mais notre arsenal législatif permet déjà de prendre des mesures à cet égard. « Même si nous partageons l’avis selon lequel la place des enfants n’est pas dans la rue, notre position est qu’il convient plutôt d’apporter une réponse sociale à la question de la mendicité, à travers un droit au séjour et au travail, et, à défaut, à travers une aide sociale décente pour les familles concernées », poursuivent les associations.
Investir dans les projets sociaux innovants (cela ne manque pas, feuilletez Alter Echos !) ou, plus modestement, garantir les acquis existants paraît le meilleur moyen de pacifier l’espace public. Mais les temps, on le sait, sont aux économies. A Bruxelles, l’asbl Transit, qui accueille et héberge non-stop et de façon inconditionnelle des usagers de drogues, vit peut-être ses derniers jours (Lire « Le centre pour toxicomane au bord de l’asphyxie »). Subventionné dans le cadre des plans stratégiques de sécurité et de prévention du SPF intérieur, le centre reste dans l’incertitude complète quant à la reprise de son financement suite aux transferts de compétences prévus par la sixième réforme de l’Etat. Si Transit venait à fermer ses portes, les quelque 650 toxicomanes qui y trouvent refuge chaque année seront livrés à leur sort. Si d’aventure leur présence en rue venait à déranger les riverains, les communes pourront toujours leur coller une sanction administrative !
Lire Alter échos n° 339 du 25.05.2012 : la « contrôlite », cancer de nos sociétés