Trouver une place en crèche, ce n’est déjà pas aisé. Alors quand son enfant est handicapé, vous pensez bien ! Pourtant, les énergies se mobilisentpour favoriser l’accueil de ces bambins un peu différents dans les crèches wallonnes…
Enfants mordeurs, enfants qui frappent, enfants qui pleurent beaucoup, enfants en situation de handicap… Ce mardi 18 mai 2010, la File1, en partenariat avec l’ONE2,l’Awiph3 et Phare4, a souhaité marquer un temps d’arrêt sur la problématique de « ces enfants qui nous bousculent », par leurscomportements et leur état. Ces enfants « différents », auxquels les milieux d’accueil de la petite enfance sont régulièrement confrontés. Unequestion au centre du colloque : comment développer un accueil de qualité à leur intention ? Comment favoriser leur inclusion dans un groupe ?
« On doit se pencher sur l’accessibilité des milieux d’accueil », a notamment fait remarquer Benoît Parmentier, administrateur général del’ONE. Ainsi, a-t-il expliqué, si la base de données médico-sociale de l’ONE révèle que les consultations de l’ONE sont bien majoritairementfréquentées par les couches défavorisées, il n’en est pas de même pour les milieux d’accueil. C’est une population plus aisée qui y adavantage accès. « Il y a un hiatus au niveau de l’ouverture des milieux d’accueil », a conclu l’administrateur général.
« Pour les parents, c’est souvent le parcours du combattant pour trouver une structure pour son enfant handicapé, a renchéri Alice Baudine, administratricegénérale de l’Awiph. Souvent, un des parents doit prendre un congé de trois ans pour s’occuper de son enfant. D’où le projet un peu fou de favoriserl’accueil d’enfants porteurs de handicap dans les crèches. »
Soutenir les crèches qui font le pas
Au-delà des interventions au centre de cette journée, c’est donc l’occasion de nous pencher sur les initiatives développées en vue de favoriserl’intégration des enfants qui ont des besoins spécifiques dans les crèches. On se souvient de la création du projet Caravelles5 dans le Brabant wallon en1997. La nouvelle asbl s’était donné pour mission d’apporter un renfort en personnel aux crèches qui avaient décidé d’ouvrir leur porte àun bambin porteur de handicap.
« Caravelles avait mis en lumière un besoin, nous explique Alice Baudine. Nous avons décidé de poursuivre dans ce sens, avec l’objectif de couvrir tout leterritoire wallon. C’est pourquoi neuf projets ont été mis sur pied, dont huit dans les cinq provinces wallonnes et un neuvième, transversal à toute la région(spécifiquement axé sur la problématique de l’autisme chez les 0-3 ans, NDLR). » L’idée n’étant pas de dupliquer le projet Caravellestel quel, mais de laisser à chacun l’opportunité de développer ses propres spécificités.
« Tous les projets ont les mêmes objectifs globaux, mais avec des équipes différentes, en termes de formation notamment, commente Vinciane Beaulen, co-coordinatricedu projet Aspic (Projet inclusion crèches et service d’aide précoce), à Liège. Certains sont plus axés sur le renfort, d’autres sur la formation. »Les objectifs poursuivis : accompagner et outiller les professionnels des lieux d’accueil dans leurs projets d’inclusion ; sensibiliser enfants, familles et milieux d’accueilà la problématique ; et coordonner un réseau de services spécialisés dans l’accompagnement des enfants présentant un handicap et des servicesgénéralistes en matière d’accueil à la petite enfance. Les projets retenus6, financés par l’Awiph (et en partenariat avec l’ONE) pour unedurée de trois ans, pourront être renouvelés après évaluation.
Focus sur le projet Picsap7
Le projet Picsap a vu le jour dans le Service ambulatoire T21, à Liège, en décembre 2009. L’équipe, multidisciplinaire, est constituée de six personnes :deux puéricultrices, un ergothérapeute, une infirmière et deux coordinatrices, une sociologue et une psychologue. « On est en train de mettre tout ça en place,nous raconte Vinciane Beaulen. On a déjà reçu quelques demandes et on prépare des formations pour les milieux d’accueil. Quelques formations sont déjàprêtes, mais on va voir, en fonction des demandes. »
Concrètement, les actions développées sont les suivantes :
• accompagner les équipes qui se posent la question de l’accueil d’un enfant « différent » ;
• préparer concrètement l’accueil d’un enfant : ce que ça va bousculer en termes d’organisation, de rythme, au niveau des pratiques, du travail enéquipe… ;
• mettre sur pied des formations spécifiques pour les professionnels (par exemple sur les jeux, la communication aux parents…) ;
• faire de la sensibilisation ;
• apporter un renfort en personnel aux crèches : les puéricultrices de Picsap peuvent se rendre un jour ou deux par semaine dans une crèche, non pas pour s’occuper del’enfant aux besoins spécifiques, mais pour renforcer les équipes dans leur travail ;
• avoir un rôle de regard extérieur, donner un retour sur les pratiques, des pistes de travail, valoriser les équipes dans ce qu’elles font ;
• aider les milieux d’accueil à activer les réseaux utiles, mettre l’ensemble des intervenants autour de la table, notamment en s’appuyant sur les deux Servicesd’aide précoce (SAP) de l’association mère.
« La philosophie de notre projet, résume Vinciane Beaulen, c’est essayer de soutenir une pratique non spécialisée, la soutenir dans ce qu’elle faitdéjà, réfléchir à une dynamique d’ensemble. »
Ceci dit, certaines crèches, reconnues ou non par l’Awiph, n’ont pas pas attendu ce projet pour se lancer dans l’aventure. À Lasne, par exemple, la crèche « Les Lucioles» accueille depuis 1990 des enfants valides et des enfants handicapés. Les premiers sont inscrits à la Maison communale d’accueil de l’enfance (MCAE) de l’ONE et les seconds auservice d’accueil de jour de l’Awiph.
« Il y a des crèches qui le font déjà, nous confirme en effet Vinciane Beaulen. Il y en a déjà beaucoup. Mais cela dépend fortement deséquipes, de leur motivation. Souvent elles ont te
ndance à s’épuiser, puis elles sont refroidies par après. Certaines le font mais ne sont pas satisfaites de lamanière dont elles le font. D’autres ne se sentent pas assez outillées pour se lancer. Nous on est là, avec toutes ces crèches, si elles en ontenvie. »
L’ambition, derrière tout cela, est de réussir à ouvrir plus de places pour ces chérubins un peu particuliers. « Les crèches ont peur de ladifférence, de ne pas être capable, poursuit Vinciane Beaulen. Et, c’est vrai, le personnel des crèches a déjà beaucoup de travail, cela va leur demander uneénergie supplémentaire, même s’ils vont aussi en retirer certaines choses. Donc, l’idée est d’augmenter le nombre de places, pour que ces parents aient le choix commeles autres (NDLR dans la mesure où ces autres ont le choix…). » Que ce soit dans un milieu spécialisé (mais il y en a très peu pour cette catégoried’âge) ou dans les milieux ordinaires. « On veut que ces enfants aient une place dans la société dès leur plus jeune âge. Cela permet aussi delibérer les parents, de leur permettre de souffler un peu, de reprendre leur travail… »
Un protocole de collaboration entre l’ONE et l’Awiph
Également d’actualité, un protocole de collaboration a été signé le 10 juin 2010 entre l’ONE et l’Awiph. Il constitue le point de départd’une coopération approfondie entre les deux organisations, avec pour point de mire la réalisation d’études et de statistiques, la formation professionnelle, lesoutien d’initiatives communes, un travail commun de communication et de sensibilisation à destination des familles et du grand public. Ce protocole prévoit également lamise en place d’un comité stratégique avec des représentants des deux administrations. Celui-ci s’inscrit dans le cadre des contrats de gestion de chacune des administrations. Undes points forts du comité est de s’attacher à favoriser l’accompagnement d’enfants porteurs de handicaps dans tous les milieux d’accueil reconnus par l’ONE
Notons aussi qu’Éliane Tillieux, ministre wallonne de l’Action sociale, de la Santé et de l’Égalité des chances, a soumis le 18 mars 2010 une noted’orientation du contrat de gestion de l’Awiph, « Nouvelle politique d’aide aux personnes handicapées », note approuvée par le gouvernement wallon.Elle vise notamment à mettre en place une concertation thématique des administrations régionales et communautaires. Entre autres priorités figurent la question del’annonce du handicap aux parents, l’accueil de la petite enfance et l’intégration scolaire.
Article mis à jour le 23 septembre 2010.
1. Fédération des initiatives locales pour l’enfance :
– adresse : quai au Bois de construction, 9 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 210 42 84
– courriel : fileasbl@skynet.be
2. Office de la naissance et de l’enfance (ONE) :
– adresse : chaussée de Charleroi, 95 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 542 12 11
– courriel : info@one.be
– site : www.one.be
3. Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées :
– adresse : rue de la Rivelaine, 21 à 6061 Charleroi
– tél. : 071 20 57 11
– site : www.awiph.be
4. Personne handicapée autonomie recherchée :
– adresse : rue du Palais, 42 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 800 82 03
– courriel : info@phare.irisnet.be
5. Voir le cahier Labiso n°99 sur ce projet
Il faut noter que le projet a évolué depuis et que l’offre de Caravelles s’est élargie. Parallèlement au « renfort », s’est mis en place unaccompagnement des équipes dans leurs questionnements au quotidien. Et, nouveauté, l’asbl travaille en collaboration avec les Services d’aide précoce de la province surl’accompagnement pédagogique et le suivi des équipes.
6. Pour des informations sur l’ensemble des projets : Virginie Bellefroid, à l’Awiph : 071 20 58 69 ou au numéro gratuit 800 160 61.
7. Projet inclusion crèches et service d’aide précoce, à l’asbl Les Services de l’APEM T21 :
– adresse : rue Simon Lobet, 124 bte 22 à 4800 Verviers
– tél. : 087 22 49 69
– courriel : picsap@apem-t21.be
– site : www.services-apem-t21.be/apem