À l’heure où les banques licencient à tout va, déplacent leurs QG, réenclenchent le levier « mobilité interne » ou s’efforcent,sous les secousses des scandales, de maîtriser leur com (à défaut d’une transparence plus que souhaitable), une nouvelle institution – la « Waffle BankInternational » révolutionne le marché. Son axe de développement : l’engagement citoyen de proximité.
Le principe ? Les gens peuvent y placer leurs activités ou savoir-faire. « Les clients mettent ainsi à disposition de la banque un peu de leur talent sous forme dechèque, explique Sofie Van Bruystegem, coordinatrice chez City Mine(d)1, l’asbl bruxelloise initiatrice du projet. Il peut s’agir d’une heure de cours de guitare,d’un cours pour apprendre à cuisiner un tajine marocain, du nettoyage d’un jardin, de leçons particulières de statistiques pour un étudiant,… » Maisaussi de projets sociaux, culturels, micro-économiques, environnementaux ou éducatifs. À chaque « client », la banque offre en échange un réseauet… une gaufre belge. Symbolique, la gaufre. Dérisoire, même, par rapport aux milliards engloutis dans des spéculations outrancières.
L’objectif de l’entreprise est de démontrer la valeur économique et sociale du savoir-faire mis à disposition. « Les gens sont devenus experts dans des matièresqu’ils ne parviennent même plus à définir. Quand on leur demande ce qu’ils savent faire, ils se définissent par leur fonction », explique Sofie VanBruystegem. « L’un se dit comptable, l’autre plombier,… Mais nul ne se définit à travers ce qu’il ce qu’il aime et sait faire le mieux ! Toutes cespetites activités et talents qui font le bonheur du quotidien », poursuit-elle.
Un portefeuille bien rempli
Fondée à Londres en 2008, année des désastres financiers, la « Waffle Bank International » a depuis ouvert ses portes à Berlin et à Bruxelles.Elle en était à sa troisième phase de développement, ce vendredi 2 octobre, au Recyclart, à Bruxelles. Jusqu’à présent, la Banque àGaufres était une caisse d’épargne : des chèques de savoir-faire y étaient encaissés et le capital réuni était proposé au public dansl’espoir de trouver preneur. « Mais nous nous sommes progressivement réorientés vers une banque d’investissement », sourit Sofie Van Bruystegem.
Et pour cause : à l’intérieur de cet établissement temporaire, les banquiers ont composé des « Fonds » permettant au visiteur de choisirlui-même les projets dans lesquels ses talents seront investis. Contenu du portefeuille ? Un Fonds « Bricolage » avec la « Foire aux Savoir-Faire », une asbl quiorganise des foires et des ateliers avec pour objectifs de donner le goût et les techniques de faire par soi-même afin de remplacer des produits de consommation courante, demaîtriser le fonctionnement, l’usage et la réparation de nos objets usuels, d’utiliser des matériaux recyclés ou des objets de récupération,d’adoucir son impact sur l’environnement et, surtout, de prendre du plaisir à faire par soi-même. Le Fonds « Geen Propeller », lui, s’articule autour desprojets, modèles et méthodes d’entreprenariat social proposés au sein de l’ « Innovation & Action Lab », une couveuse pour entrepreneurs sociaux.Quant au Fonds « New Potential Capital », il permet aux artistes et créateurs de vendre ou de présenter leurs œuvres au Micro-Marché/Markt-Midi (MMM).
D’autres Fonds permettent de se confronter à des cadres dans lesquels des projets personnels peuvent être développés, en passant par des réseauxd’échanges, de sociabilisation, ou d’attirer l’attention sur les micro-initiatives qui foisonnent dans l’espace urbain. Coup de cœur : le Fonds « Parents», une crèche multi-parentale créée par un groupe de jeunes parents confrontés au manque d’infrastructure d’accueil. L’idée est simple :« Chaque parent investit un peu de son temps libre pour garder ses bébés et ceux des autres. Avec, à l’appui, des activités, des jeux, un programmecréatif et pédagogique », confie Sofie Van Bruystegem.
Acte d’ « artivisme » ponctuel, co-animé par les comédiens de Fou de Coudre (une troupe engagée dans des projets socio-artistiques), l’idéedéfendue par la Banque à Gaufres n’en est pas moins durable. Le but de l’entreprise étant de démontrer que les talents que les gens mettent àdisposition gratuitement ont une valeur économique en ville. Avec, pour question de fond, la construction d’une économie alternative, à échelle humaine, sanscontrainte d’argent. « Que chacun utilise son propre savoir-faire et le fasse partager plutôt que de le perdre au profit d’actionnaires. Ce sont les gens qui fontl’économie et la ville, et non l’inverse », résume Jim Segers, responsable de City Mine(d).
1. City Mine(d) Brussels :
– adresse : place du samedi, 13 à 1000 Bruxelles
– adresse (bureau) : bd d’Ypres, 66 à 1000 Bruxelles
-tél. : 02 779 59 00
– courriel : info@citymined.org
– site : www.citymined.org