Jean-Marc Delizée l’avait annoncé le 4 juillet 2008, lors de la présentation de son plan fédéral de lutte contre la pauvreté. Et le voici… le« baromètre interfédéral de la pauvreté », qui doit permettre aux différentes autorités du pays de mieux cibler leur politique de lutte contre lapauvreté.
C’est dans les locaux bruxellois de l’organisation Les Petits Riens que le secrétaire d’État Jean-Marc Delizée (PS), chargé de la lutte contre lapauvreté, présentait ce 26 janvier le nouveau « baromètre interfédéral de la pauvreté »1. « Cette initiative résulted’un constat, explique-t-il, à savoir que les études et les chiffres sur le phénomène de la pauvreté en Belgique ne sont pas assez connus du grand public.Elle concrétise également une recommandation clé, formulée par l’ensemble des acteurs investis dans la lutte contre la pauvreté depuis des années quisoulignent qu’il importe de « mieux connaître la pauvreté pour mieux la combattre ». »
Des indicateurs parfois originaux
Le set restreint des 15 indicateurs retenus pour ce baromètre a été sélectionné par un groupe de travail réunissant les Régions etCommunautés, des universitaires, des experts en statistique, des associations de terrain, plusieurs services publics fédéraux et services de programmation. On y retrouve, entreautres, les incontournables indicateurs comme les revenus, le logement, l’endettement, l’accès aux soins de santé (p. ex. le pourcentage de patients ayant dû postposerleurs soins), la relation au marché du travail, le niveau d’instruction mais aussi des indicateurs plus originaux tels que la participation à des associations sportives etculturelles et certaines privations (voiture, téléphone, télévision, vacances, repas composé de viande tous les deux jours…).
La plupart des indicateurs sélectionnés ne sont pas neufs, ils proviennent pour l’essentiel de l’enquête EU-Silc ; pour les autres (3 sur 15), ils sont tirésdes données administratives et de l’enquête « Forces de travail » effectuée par le SPF Économie. « Le baromètre permet d’avoir desindicateurs communs aux Régions et est en lien direct avec le Plan d’action national Inclusion (PANIncl.), dont il reprend la plupart des indicateurs », précise Jean-MarcDelizée.
Baromètre ou thermomètre ?
S’il permet de guider le politique, ce nouveau baromètre interfédéral de la pauvreté, qui s’ajoute aux nombreux instruments régionaux eteuropéens existants, n’est pas à proprement parler un outil prévisionnel. Il permet tout au plus, et ce n’est déjà pas si mal diront certains, de prendre latempérature de la pauvreté en Belgique. Et à voir monter chaque année le mercure, point besoin d’avoir fait sept ans de médecine pour deviner que le sujet nese porte pas très bien… Ainsi, en 2006 (revenus 2005), 14,7 % de la population sur le territoire belge risquait de sombrer dans la pauvreté. L’estimation subjective est unpeu plus élevée : 16,6 % des personnes vivaient (en 2006) dans un ménage dont la personne de référence estimait qu’elle n’arrivait que difficilement voiretrès difficilement à nouer les deux bouts. Quelque 25,3 % des personnes qui vivent d’une indemnité d’invalidité, 31,2 % des chômeurs, 32,5 % des famillesmonoparentales et 46,2 % des étrangers non européens sont confrontés à ce risque au quotidien.
Quarante pour cent des personnes disposant d’un revenu faible estiment par ailleurs être en mauvaise santé (contre 25,7 % dans l’ensemble de la population). Douze pourcent des enfants vivant en Belgique font partie d’un ménage dont aucun des adultes n’a un travail rémunéré. Jusqu’à 4 % des travailleurs disposentd’un revenu les exposant à la pauvreté. Quasiment 14 % des jeunes quittent l’école avec, au mieux, un diplôme de l’enseignement secondaireinférieur. À peine 6,2 % des ménages ont la possibilité d’accéder à un logement social. 5,7 % de la population totale a au moins deuxarriérés pour des besoins de base (électricité, loyer, soins de santé). Pour les 20 % des revenus les plus bas, c’est 15,8 %. Et chose étonnante, 58,3% des personnes de plus de 16 ans disent ne pas participer à des activités sportives, récréatives (mouvement de jeunesse, association de pensionnés, clubs deloisirs) ou artistiques (musique, théâtre, photographie, dessin, sculpture, peinture).
Refinancer le Service de lutte contre la pauvreté
L’outil est censé être évolutif tant sur la forme que sur le contenu, il pourrait ainsi se voir ajouter des indicateurs complémentaires. Tous les ans endébut d’année, un nouveau baromètre sera publié et fera état des chiffres les plus récents en matière de pauvreté2. Le suividu Baromètre sera assuré, a-t-on annoncé, par le groupe de travail Indicateurs PANincl., le SPP Intégration sociale et le Service de lutte contre la pauvreté, laprécarité et l’exclusion sociale3. « Le rôle de chacun doit toutefois encore être discuté », précise Françoise De Boe,coordinatrice du Service de lutte contre la pauvreté. Service dont on sait par ailleurs que la petite équipe ne manque déjà pas de travail à la veille del’année européenne de lutte contre la pauvreté qui se déroulera en 2010 avec, en sus, une présidence belge de six mois.
On se souviendra aussi que Jean-Marc Delizée avait annoncé vouloir revoir l’accord de coopération, conclu en 1998, entre le fédéral et les entitésfédérées pour financer le service de lutte contre la pauvreté. L’évaluation de l’accord de coopération, vieux maintenant de 10 ans, est actuellement en coursau sein de la conférence interministérielle Intégration sociale. À suivre, donc.
Le seuil de risque de pauvreté : explications
Le seuil de risque de pauvreté est fixé à 60 % du revenu médian net disponible des ménages de la population belge. Concrètement le calcul se fait de lamanière suivante :
– D’abord le revenu est standardisé, ce qui signifie qu’on peut faire la comparaison entre des ménages de taille différente. Pour ce faire, il faut diviser lerevenu qui est normalement disponible pour une personne isolée par 1. Pour chaque adulte additionnel dans le ménage, vous ajoutez 0,5 et pour chaque enfant 0,3. Pour un ménagequi est composé de deux adultes et de deux enfants, le revenu disponible dans le mén
age est par conséquent divisé par 2,1 afin d’obtenir le revenu standardisé.
– Ensuite, les personnes sont classées selon ce revenu standardisé, des revenus les plus bas aux revenus les plus élevés. Puis on vérifie qui se trouveexactement au milieu de ce classement. Le revenu de cette personne est le revenu médian standardisé.
– Le seuil de pauvreté se chiffre à 60 % de ce revenu médian. Il s’agit ici du seuil de pauvreté pour une personne isolée. Le seuil de pauvreté pourles différents types de ménage est calculé en multipliant le seuil de pauvreté par les mêmes facteurs exposés ci-dessus, en fonction du type de ménage.Pour 2006 (revenus 2005), le seuil de pauvreté pour une personne isolée se chiffrait à 860 euros.
1. Le concept et le contenu du baromètre ont été adoptés par le Conseil des ministres du 11 décembre 2008 et par les ministres régionaux et communautaireslors de la conférence interministérielle Intégration sociale du 15 décembre 2008.
2. La version interactive du Baromètre interfédéral de la pauvreté 2009 est disponible depuis ce 26 janvier sur le site www.mi-is.be du SPP Intégration sociale :
http://mi-is.be/themes/poverty/armoedebeleid/content/ABM%20pano%20FR3%20def.pdf.
On peut également y commander la version papier du document, ou par téléphone au 02 508 85 86 (fr) ou 02 508 85 85 (nl).
3. Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 31 73 (fr) ou 02 212 31 66 (nl) ainsi que 02 212 30 00 (numéro général)
– courriel : luttepauvrete@cntr.be
– site : www.luttepauvrete.be