Selon une étude réalisée pour le compte de la présidence luxembourgeoise de l’Union européenne, la Belgique fait partie, en matière sociale, du groupe detête des pays de l’Europe des 25, mais elle en occupe la dernière place.1 Selon Bea Cantillon, vice-recteur de l’Université d’Anvers, l’une des auteures du rapport,tous les indicateurs sont au rouge : taux de chômage des jeunes et des plus âgés, niveau du revenu d’intégration, taux de renouvellement des pensions… Pour elle, le momentcharnière se situera vers 2010. Si rien ne change d’ici là, la population active commencera à diminuer cette année-là et nous quitterons le peloton des payssocialement les plus avancés.
C’est le Centre d’études, de populations, de pauvretés et de politiques socio-économiques (Ceps), basé à Differdange (grand-duché de Luxembourg), qui acoordonné l’étude, baptisée « Taking forward the EU Social Inclusion Process » (Faire avancer le processus d’intégration sociale dans l’UE). L’un desrésultats finaux est un classement des 25 pays de l’Union en quatre groupes, suivant deux critères : le niveau de vie et la répartition des richesses. Le groupe des pays richeset bons redistributeurs comprend les pays scandinaves, ainsi que l’Allemagne, l’Autriche, la France et le Benelux, la Belgique fermant la marche. Le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Italie font partie despays riches au sein desquels les disparités entre riches et pauvres sont plus marquées. Enfin, l’Espagne, le Portugal et la Grèce sont à la fois moins riches et peuégalitaires.
Vingt ans de dégradation
Il y a vingt ans, le Centre anversois de politique sociale (Antwerpse Centrum voor Sociaal Beleid ), dirigé par Bea Cantillon, était arrivé à la conclusion que seuls 6%des Belges devaient être considérés comme pauvres, ce qui faisait de la Belgique un des pays les plus socialement performants de la planète. Aujourd’hui, parmi le groupedes pays européens les plus avancés, la Belgique arrive en queue pour ce qui est du taux d’activité en général, mais aussi pour les catégories àrisque : les peu qualifiés, les immigrés et les plus de 50 ans et ce, dans un contexte où la dette publique reste relativement élevée.
Les dépenses sociales par allocataire sont, certes, dans la moyenne, mais la proportion de personnes dépendantes est plus grande qu’ailleurs. Or, à partir de 2010, du fait duvieillissement de la population, le nombre de sortants sur le marché du travail commencera à dépasser le nombre des entrants. Pour Bea Cantillon, les estimations de la Commissiondu vieillissement de la population sont aussi exagérément optimistes, partant par exemple de l’hypothèse que le taux d’activité atteindra 70 % en 2010, alors que nousstagnons autour de 60 %, sans grande perspective de changement. Elle pointe aussi l’inadéquation du niveau de formation de beaucoup de jeunes : outre les milliers d’emplois potentiels dans desentreprises existantes qui ne trouvent pas preneur, faute de candidats avec une formation ad hoc, il y a, en amont, des centaines de projets industriels ou autres qui ne voient même pas le jourpour les mêmes raisons.
Des possibilités inexploitées
Par ailleurs, Bea Cantillon invoque ce qu’elle considère comme des possibilités inexploitées pour les moins qualifiés – comme en témoignerait lesuccès des chèques-services. Le travail pourrait aussi être davantage partagé, notamment par les 30-40 ans, qui prestent très souvent beaucoup d’heuressupplémentaires. Enfin, selon elle, la régionalisation partielle de la politique sociale conduit à certains dysfonctionnements. Ainsi, la Flandre est-elle en train de mettre surpied son propre système d’assurance soins de santé, alors que les francophones prônent un développement du système fédéral en la matière. Lesdeux systèmes, fédéral et flamand, continuent à se développer parallèlement, sans grande rationalité.
En conclusion, la directrice du Centre anversois de politique sociale est pessimiste : pour elle, si rien ne change, nous finirons bien par nous résigner à travailler plus longtemps,simplement parce que les montants des pensions seront devenus tellement bas que nous n’aurons plus le choix.
1. Plus de détails sur cette étude : www.ceps.lu