Beaux jeunes monstres. C’est l’histoire d’une injustice. D’une révolution menée par une bande de potes pour que rien ne soit plus pareil. Pour qu’on les voit enfin.
Dans un format radiophonique de 5 épisodes d’une douzaine de minutes, William, surnommé «Wheeling» raconte son histoire : «Je ne suis pas comme tout le monde. Il y en a qui disent extraordinaire. La plupart dit handicapé…ou handic.»
Infirme moteur et cérébrale, il ne sait ni bouger (excepté ses jambes), ni parler : «Mais j’ai un cerveau hein», se défend-il.
Dans un univers sonore rythmé par un chœur omniprésent et par la célèbre phrase du boxeur Mohamed Ali, dont Wheeling est fan : «Float like a butterfly and sting like a bee», la voix du héros est au premier plan et vous entraîne dans son monde fait d’injustice avec un humour déstabilisant. Depuis sa naissance, le départ de son père, les difficultés de sa mère «qui ferait pleurer le soleil», son entrée dans l’enseignement spécialisé où il fera la rencontre d’«une belle brochette de déglingos», jusqu’à la gifle qu’il reçoit de son beau-père qui provoquera alors leur révolution. «Quand nous étions à visage découvert, vous ne nous voyiez pas, il a fallu nous cacher pour que vous nous remarquiez», disent alors leurs banderoles brandies.
C’est après dix ans de travail en tant qu’éducateur spécialisé que Florent Barat, prend une pause pour écrire. Et c’est «Beaux Jeunes Monstres» qui sortira de cette pause : «c’est venu un peu par hasard en fait. Au début, j’étais parti pour écrire autre chose. J’ai arrêté (le métier d’éducateur spécialisé, NDLR) parce que j’en avais un peu ras-le-bol. Toutes les émotions que j’avais vécues pendant 10 ans sont alors remontées et j’ai réalisé qu’il y avait un truc un peu formidable dans ce que ces gens vivaient.»
Régulièrement au contact d’handicapés et de personnes privées de la parole, il a voulu rendre leur rendre hommage, ainsi qu’à leurs familles, «des héros du quotidien dont la vie bascule en un instant.»
Et puis l’idée, c’était aussi de se demander « mais si ces ‘sans-voix’ pouvaient parler, que diraient-ils ? ». «C’est ce que j’ai essayé de faire sans trahir leurs pensées» confie le réalisateur.
Puisqu’elles sont lourdement handicapées, ces personnes peuvent donner l’impression d’être des légumes, pourtant ce n’est pas le cas, la plupart savent lire et écrire : «Clairement, il y a cette intelligence, j’ai parfois eu des conversations très soutenues avec ceux qui ont des moyens de communication alternatifs et puis ils ont cet humour, cette autodérision» raconte Florent Barat.
«L’humour est la preuve de leur intelligence. C’est ça qui fait en premier apparaître leur capacité à être très juste, dans des choses très subtiles. Il y a un second degré que tu n’imagines pas à la base» ajoute Sébastien Schmitz, coréalisateur de Beaux jeunes monstres.
Une fiction aux allures de réalité
En six jours, Florent Barat a d’abord écrit une première version qu’il a présentée à Sébastien Schmitz, réalisateur de créations sonores et membre actif de l’ACSR, l’atelier de création sonore et radiophonique. Ensemble, ils se sont lancés dans une réécriture adaptée à la fiction radiophonique, à la mise en onde.
«Ce qui était difficile, c’était d’avoir une écriture basée d’abord sur un personnage central qui disait tout, les actions etc. Alors on s’est demandé quelle place il restait au son pour créer de l’imaginaire ?» explique Sébastien Schmitz, qui a créé toute la bande musicale de la fiction. Le chœur est alors devenu un personnage à part entière, évoluant avec le récit et permettant de remplacer certaines scènes enregistrées «qui ne fonctionnaient pas».
Si la comédienne Déborah Rouach prête sa jolie voix enfantine aux pensées de «Wheeling», Florent Barat et Sébastien Schmitz ont aussi travaillé avec des personnes handicapées, notamment José, dans le même état que le héros de la fiction et qui lui prêtera sa voix pour les quelques cris et onomatopées qu’on entend parfois. Rien qu’avec ses cris, il livre un panel d’émotions incroyable : la joie, la colère et la honte en passant par la déception.
On le rappelle, si cette création est bien une fiction, le personnage principal et les personnages annexes sont la synthèse de plusieurs personnes que Florent Barat a connues, de plusieurs expériences qu’il a vécues. Tout ça donne une fiction très réaliste, parfois dure mais toujours drôle. Un objet artistique aux accents de lutte, qui donne la voix à ceux qui n’en ont pas.
Pour écouter «Beaux jeunes monstres» : http://www.lecollectifwow.be/Beaux-Jeunes-Monstres-36